Cover-2

2009 Words
Malgré le piquant de cette triste journée d’hiver, je fume une énième clope à ma fenêtre. Voilà encore une chose que je me suis promis d’arrêter. Un jour peut-être, après avoir fini d’éponger mes dettes. Peut-être, mais j’en doute ! Je m’installe devant mon pc pour vérifier mes mails et ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux, quand la sonnerie de mon portable m’annonce que je viens de recevoir un nouveau message. J’expulse l’air contenu dans mes poumons. Ce n’est pas encore ce soir que je ferai relâche. J’ouvre le texto, et le lit rapidement. — Connard, murmuré-je pour moi-même, après avoir lu la consigne de mon boss. « Ils sont deux. Fais-toi encore plus jolie que d’habitude » a-t-il écrit, ponctuant ses quelques mots d’un smiley à la langue pendante. J’ai deux heures pour me préparer à jouer ce rôle qui me bouffe plus que m’honore, et pour rejoindre ce grand hôtel du 1er arrondissement. J’essaie de voir le bon côté des choses. Au moins, j’ai la chance de côtoyer de très beaux endroits que ma qualité de caissière n’aurait jamais pu m’offrir. Douche, maquillage savamment travaillé, et ouverture de ma penderie me prennent déjà plus de la moitié de mon temps. Je déteste ces vêtements, là aussi, fournis par l’employeur. Même s’ils me rendent sexy, ils ne correspondent pas à celle que je suis vraiment. Un deuxième texto arrive. Oh bon sang ! La nuit va être longue. Je souffle un peu devant le prénom qui représente mon troisième client de la soirée. Il est gentil, et souvent me parle plus qu’il ne me b***e. Il ne voit désormais que par moi. Va pas falloir qu’il s’attache de trop, car je ne compte pas vendre mon corps toute ma vie. Quand j’arrive au Meurice, je vais m’installer au bar. C’est dingue comme en toute chose nous prenons très vite les habitudes. Tout est vraiment parfaitement rodé dans ce réseau d’Escort de luxe. L’appellation est bien jolie, alors que nous ne sommes que des putes. Notre chance, c’est de ne pas tapiner sur un trottoir dans un quartier glauque de Paris. Le barman, qui commence à bien me connaître, pose un verre de martini blanc devant moi. Ce soir, il me faudrait sûrement un alcool plus fort, mais ce n’est pas dans mes habitudes. — T’as pas l’air ravie. — Pourquoi, les autres fois j’ai l’air joyeuse ? rétorqué-je un peu abruptement. — Certaines transactions semblent te plaire un peu plus que celles de ce soir. Je souris à Fred, reconnaissante d’employer ce terme-là et non celui de passes que j’entends parfois. Ici tout le monde sait ce qu’il se trame dans certaines chambres, mais personne ne dit mot. Tout le monde y trouve son compte. — J’ai une double commande, réponds-je. Le barman hoche la tête. Pas besoin de longs discours, il a compris. Je sirote mon verre avec encore le secret espoir que mes clients ne viennent pas. À peine ma pensée envolée que je sens deux présences à mes côtés. Le miracle ne se produira pas. Je vais devoir bosser ! J’enfile mon masque de femme aguicheuse et souriante. Une seule œillade féline, et les deux cadres qui m’entourent sont déjà passablement excités. Quelque part ça m’arrange. Les deux heures passeront plus vite ! La chambre est vraiment très belle. Toutefois, les deux hommes me font bien comprendre qu’ils ne sont pas là pour parler des aquarelles sur les murs. — On peut avoir ton prénom ? demande l’un, déjà nu. — Je prends le prénom que tu veux bien me donner, fais-je, veillant à donner à ma voix un ton un peu rauque et fortement mystérieux. J’ai remarqué que beaucoup aiment ça, alors j’en use et en abuse. Au tarif que ces jeunes cadres dynamiques paient, je me dois de donner le change. Je m’effeuille devant eux très lentement. Quand je les regarde, une fois mon string tombé au sol, j’ai comme l’impression d’avoir deux chiens devant un os à moelle. Je soupire pour moi-même. Beaucoup d’hommes sont si prévisibles dans leur instinct animal. Je ne fais ce métier que depuis six mois et déjà je sais ce qu’il va se passer dans notre étreinte. Un devant et l’autre derrière. f*******n et levrette, le combo gagnant. Hum ! Je me surprends à gémir sous les assauts de celui qui me pilonne. Il fait les choses bien. Je ne vais sûrement pas jouir car je sens qu’il va venir vite, mais au moins cette fois, je profite un peu des sensations qu’il fait naître en moi. Depuis ma rupture avec mon ex, je ne sais plus vraiment à quoi ressemble un o*****e. La plupart du temps avec mes clients, je fais semblant. Cela les motive et raccourcit aussi l’acte. Là, ce soir, je n’ai pas à trop jouer. Il est plutôt doué. Celui que j’ai en bouche ne tarde pas à décharger. D’un regard de chienne, j’avale jusqu’à la dernière goutte de sa semence. Il sourit avec un air de dominant, alors que le second vient de se répandre en moi dans un cri et dernier sursaut. Les deux amis reprennent un peu leur esprit, puis l’un me regarde, tandis que je suis assise sur le lit. — Nous pouvons t’avoir plus longtemps ? se hasarde celui que j’ai sucé. — Tant que tu paies, tu peux m’avoir aussi longtemps que tu veux, et faire de moi ce que tu veux. Les deux hommes rigolent, conquis. Je leur ai dit ce qu’ils voulaient entendre. C’est tellement simple. Alors qu’ils inversent les rôles, je me mets à rêver de trouver enfin un homme qui saura m’aimer vraiment, qui saura faire du désir charnel un ciment de notre couple et non une fin en soi. Je me suis, pourtant, promis de ne plus jamais laisser de place à un homme. Mais je suis humaine et un peu de tendresse me manque. Tout ce que je sais aussi c’est que cet homme devra être différent de tous les autres qui ont croisé ma route ou jalonnent mes nuits. Lorsque mes deux premiers clients repartent après avoir alignés les billets, il ne me reste que vingt-cinq minutes pour me refaire une beauté avant d’accueillir mon habitué. Quand il rentre dans la chambre, je vois bien qu’il n’a pas le moral. Cela m’arrange un peu, car au moins il ne me prendra pas, mais je le plains, car je pense que c’est un homme bien, qui ne mérite pas ce que sa femme lui fait voir. — Tu devrais envisager de la quitter cette femme qui te pourrit la vie, conseillé-je au bout d’un long moment de confidence. — Je vais le faire, Myriam. Lui, il connaît mon vrai nom. Dans d’autres circonstances, nous serions devenus amis, je pense. — Qu’est-ce qui t’en empêche ? — C’est la dernière fois que tu me vois, ma jolie. J’ai obtenu une mutation. Je pars en Australie la semaine prochaine. Nouveau pays, nouvelle vie. — Je suis contente pour toi. Dans un sursaut de folie, j’espère qu’il va me demander de partir avec lui, de le suivre dans ce nouveau départ. Avec le temps je crois que je pourrais l’aimer. Mais je ne fais pas partie de ses projets. J’ai été une très jolie parenthèse dans sa vie d’homme marié bafoué, mais il n’a aucune intention de vivre avec une prostituée, même de luxe. J’ai envie de lui laisser un bon souvenir de moi, alors je m’attelle à lui faire l’amour longuement. Il n’a rien demandé. Il n’était pas venu pour ça, mais je veux lui faire plaisir. Nos deux corps ne font bientôt qu’un et cette fois, vraiment je prends énormément de plaisir dans ses bras. Cependant, malgré sa patience et tendresse, je n’arrive pas à atteindre l’o*****e. À croire que mon corps attend celui que j’aimerai véritablement pour atteindre le paroxysme du plaisir. Mon amant me laisse sur un dernier b****r, et un billet négligemment posé sur la table de chevet en marbre. J’en pleurerais presque quand le porte se ferme sans un bruit. Il était un peu le repère de normalité dans ma condition d’Escort. Avec lui, je me sentais un peu femme, et non pas juste un corps à prendre. Plus tard, je prends dix minutes pour discuter avec mon mac. Enfin, mon intermédiaire, comme il exige que nous l’appelions. Pour moi il n’y a pas de différence. Il nous prend les rendez-vous, nous surveille, et surtout recompte les billets ! — Sabrina est malade. Tu peux la remplacer samedi ? me demande-t-il d’un ton qui ne laisse place à aucun refus. — Si ses clients veulent de la blonde à la place de la rousse, oui. Il me sourit satisfait et, après avoir pris son pourcentage, me rend les billets qui me sont dus. Chaque euro gagné me rapproche de ma liberté retrouvée. Quand plus tard, le jet d’eau chaude de la douche purifie mon corps des souillures reçues sur cette soirée, mes nerfs lâchent comme souvent. Je ne suis pas faite pour cette vie-là. Ce n’est pas moi, je vaux mieux que cette condition de femme-objet. Épuisée, je me couche avec l’idée de rencontrer un homme qui me permettra de me sentir enfin moi-même. Un homme qui saura me percer à jour, me voir telle que je suis, et surtout qui saura me libérer de toute cette rage enfouie en moi qui ne demande qu’à exploser. Chapitre 3 Je regarde la scène autour de moi avec une moue un peu dégoûtée cette fois. Ce ne fut pas facile, mais j’ai fait ce que l’on m’a demandé. Je repense à toutes les descriptions lues dans le dossier que l’on m’avait remis dix jours auparavant. Le geste que j’ai exécuté sans trembler me semble, alors, si évident. Dans un silence, je referme bientôt la chambre de cet hôtel du centre de ville de Séville. À peine arrivé dans la rue, j’allume une cigarette. Le même frisson me parcourt. Ce mélange d’adrénaline et de nicotine est toujours si jouissif pour moi. Je compléterai ce moment par un verre. Mais plus tard. Là, je sors mon portable et envoie le texto que deux autres membres attendent. J’exécute, ils nettoient ce que j’aurais pu oublier. La réponse au message ne se fait pas attendre. La machine est très bien réglée. C’est toujours très rassurant. Je retourne tranquillement à mon hôtel l’esprit tranquille en cette fin d’après- midi. La réceptionniste qui me fait les yeux doux depuis mon arrivée quatre jours plus tôt m’adresse son plus beau sourire. Sa tension sexuelle est palpable. Elle n’était pas là, à mon départ, en début d’après-midi. Très vite, j’en conclus qu’elle vient de prendre son service, et je me promets de redescendre plus tard. Peut-être pourrai-je alors l’aider à chasser son émoi ? Une fois dans ma chambre, je m’écroule, tout habillé, sur le lit. L’excitation retombe un peu et la tension aussi. Je commence à somnoler, mais mon téléphone me sort de ma torpeur. Je sais quelle voix je vais entendre. — C’est fait, Milo. Va peut-être falloir qu’un jour tu me lâches les basques. Je pense avoir prouvé que je suis digne de votre confiance, attaqué-je, un peu agacé. Milo glousse doucement à l’autre bout du fil. Et, en plus, il se fout de ma gueule. Je me redresse, vraiment en rogne cette fois. — Respire, Manu. Tu es un des meilleurs, et loin de moi l’idée de te surveiller. Les nettoyeurs viennent de me dire que c’était parfait encore une fois. Je souris, satisfait de moi-même, puis fronce les sourcils, dubitatif. Pourquoi Milo m’appelle-t-il, alors ? — Je te manque, ma biche, pour que tu me déranges après une mission ? Tu sais que j’ai besoin d’être tranquille. — Je voulais juste te souhaiter un joyeux anniversaire de la part de Mahel et de moi-même. — C’était il y a quinze jours ! — Il y un an, tu décidais de faire partie de la Meute. — Il y a un an, je sortais aussi de taule et t’étais là comme promis, murmuré-je, tout à coup nostalgique. — Nous préférons partir du moment où tu as accepté notre proposition. Milo raccroche peu après, me laissant seul avec mes souvenirs de l’an passé. Je me revois dans ce bar où enfin je pouvais boire un single Malt, face à celui dont je ne connaissais pas le nom encore. Il se présenta enfin et me fit part de sa proposition. Devenir tueur à gages pour la Meute. J’éclatais de rire devant ces mots totalement incongrus. — C’est quoi ce délire d’organisation secrète ? riais-je alors. L’alcool me montait déjà un peu à la tête. Il y avait tellement longtemps que je n’avais pas bu. Face à moi, Milo me regardait sans sourire. Je compris alors que ce n’était pas une plaisanterie. Ce mec était venu m’approcher en taule pour faire de moi un tueur professionnel. L’homme en costume tira un peu sa manche, et me montra le tatouage de loup gris au creux de son poignet. J’avalais une rasade de mon alcool brun, totalement perdu face à ce gars sorti de je ne savais où, et qui aujourd’hui m’annonçait qu’il existait cette organisation de tueurs. Devant ma mine déconfite, il commença à tout me raconter, me faisant même comprendre que certains de nos politiques en Europe et ailleurs avaient validé cette idée.
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