Mourad la détailla longuement, silencieux, presque troublé.
— Tu es magnifique.
Zaynab haussa un sourcil.
— Qu’est-ce que tu fais ici, Mourad ?
Il pencha légèrement la tête.
— Tu sors ?
— Oui, répondit-elle sans hésitation, le regard dur.
— Pourtant… continua-t-elle en croisant les bras, la voix plus sèche, t’étais pas censé être chez toi, avec ta femme ? Et la nouvelle, elle devait pas sortir avant le mariage civil, non ?
Mourad sourit légèrement.
— Beaucoup de questions d’un coup.
Zaynab le fusilla du regard. Il le savait, ce regard. Celui qu’elle réservait aux gens qui la prenaient pour une idiote.
Il soupira.
— Il n’y aura pas de mariage civil. Seulement celui de la tradition, mais… le reste, non.
— J’en ai rien à faire, coupa-t-elle. Tu ne m’as toujours pas dit ce que tu fais ici.
— Je veux te parler, dit-il simplement.
Ils se regardèrent quelques secondes, sans rien dire. Une tension flottait, à la fois tendue et brûlante.
— Parle, lança-t-elle.
— Je veux te parler en privé.
Elle leva les yeux au ciel.
— Il n’y a personne ici. Tout le monde dort.
— Pas ici. Je veux qu’on aille quelque part, toi et moi.
Un silence. Puis Zaynab planta ses yeux dans les siens.
— Pourquoi t’es pas avec ton élue ?
Il la regarda droit dans les yeux.
— Tu comprendras… une fois qu’on aura parlé.
Elle le fixa un instant, hésita, puis céda.
Ils sortirent ensemble. La nuit était tiède. Mourad ouvrit la portière de sa Lamborghini, une Aventador noire rutilante. Zaynab entra sans un mot. Il prit le volant, mit les lunettes qu’il posait parfois pour masquer ce qu’il pensait. Elle, elle s’enfonça dans le siège, silencieuse, les bras croisés.
Sur le chemin, Mourad jetait des coups d’œil dans sa direction. Elle ne le regardait même pas. Il avait l’impression qu’elle pouvait s’évaporer à tout moment.
Soudain, elle sortit son téléphone. Sans un mot, elle commença à filmer l’intérieur du véhicule. Les surpiqûres en cuir, les jeux de lumière. Elle fit glisser l’objectif vers la main de Mourad, posée sur le volant. Lentement. Délibérément.
Il tourna légèrement la tête vers elle, un sourire discret au coin des lèvres.
Ils arrivèrent devant une villa majestueuse, isolée dans un quartier calme et sécurisé. La grille s’ouvrit automatiquement et un homme en costume noir, posté à l’entrée, s’approcha pour leur ouvrir la porte. Mourad coupa le moteur. Zaynab descendit lentement, ses talons claquant contre le sol.
Une Range Rover blanche dernier cri était garée juste à côté.
— C’est à qui, cette maison ? demanda-t-elle en observant les colonnes illuminées, les palmiers parfaitement taillés et les grandes baies vitrées.
— À toi.
Elle se tourna vers lui, les sourcils froncés. Il ne plaisantait pas.
— Viens.
Elle le suivit sans parler, intriguée, tendue, méfiante. À l’intérieur, tout était somptueux. Marbre clair, escalier en colimaçon, salon décoré avec goût, touches modernes et chaleureuses. Elle resta quelques secondes à observer les lieux, bouche entrouverte, les yeux absorbés par tant de beauté.
Mourad s’avança vers la table basse et prit une chemise noire. Il l’ouvrit, sortit quelques papiers, puis revint vers elle.
— Tiens.
Elle prit les documents sans comprendre. Son regard balaya rapidement la première page. Son prénom. Son nom de famille. Le titre de propriété. La villa était bien enregistrée à son nom. Elle ne laissa rien paraître.
— Pourquoi tu fais ça ?
Il haussa légèrement les épaules.
— J’ai aidé les autres prétendantes à financer leur projet, chacune a eu quelque chose. Toi, non. T’as rien demandé. Rien reçu. C’est pas juste.
— Tu m’as offert un bracelet en diamant, rappela-t-elle froidement.
— C’est peu. Cette maison… la voiture dehors… elles sont à toi.
Zaynab inspira, jeta un bref regard autour d’elle.
— Merci, alors. Mais si c’est tout, je vais y aller.
Il la fixa, surpris.
— Tu t’en vas ?
Elle haussa les épaules.
— T’as fini ce que t’avais à faire, non ? Alors je pars.
Elle le provoquait. Elle le savait. Lui aussi. Mourad la dévisagea, les mâchoires contractées.
— Ça te fait rien ?
— Très franchement ? Je m’en fiche, répondit-elle, les bras croisés.
Il resta silencieux. Puis s’avança de quelques pas.
— Pourquoi t’es comme ça, Zaynab ?
Elle fronça les sourcils.
— T’es sérieux, là ?
— J’essaie d’être juste. Avec toi. Comme je l’ai été avec les autres.
— T’avais pas besoin de faire tout ça. Tu pouvais juste m’envoyer les papiers. Pas besoin de m’embarquer ici au milieu de la nuit.
— Je voulais te parler.
Elle explosa.
— Mais tu veux quoi, bordel ?!
— Calme-toi. Et évite d’être vulgaire.
— J’suis énervée, okay ?!
Un silence lourd s’installa. Il la regardait toujours, impassible. Puis il laissa tomber :
— C’était toi, mon choix.
Elle le coupa immédiatement.
— Alors pourquoi tu m’as pas choisie ?!
Mourad baissa brièvement les yeux.
— Ma mère a fait une scène. Une vraie. Elle m’a poussé à changer de décision.
Zaynab ricana, nerveuse.
— T’es un bébé à ta mère, en fait ?
Il s’approcha d’elle, brutalement. Sa main glissa sur sa hanche. Elle sursauta.
— Lâche-moi.
Il ne bougea pas.
— J’allais pas la laisser se donner la mort.
— Donc elle t’a manipulé ? Elle t’a fait croire qu’elle allait se suicider et toi, tu l’as cru ?
— Elle s’est entaillée la main devant moi avec un couteau. J’étais là. Je l’ai vue. Tu comprends pas, Zaynab. Elle aurait pu faire pire.
— Ça, c’est ton problème, pas le mien. Lâche-moi. Va retrouver ta femme.
Il la fixait, sans un mot. Elle soutenait son regard, les yeux pleins de rage, mais détourna finalement les yeux et tenta de le repousser. Il ne bougea pas d’un millimètre.
Et sans prévenir, il l’embrassa.
Zaynab le repoussa d’abord, son corps raide, figé. Mais Mourad était trop fort. Trop près. Trop sûr de lui. Elle se débattit encore une seconde… puis céda. Ses lèvres répondirent aux siennes, doucement d’abord, puis avec plus d’abandon. Elle s’était perdue.
Alors qu’il l’embrassait avec une fougue incontrôlée, Zaynab le repoussa d’un geste sec.
— Lâche-moi, souffla-t-elle, hors d’haleine.
Mais Mourad n’obéit pas. Elle insista, la voix plus tranchante :
— Je ne suis ni ta p**e, ni ton second choix. Alors lâche-moi.
Le b****r s’interrompit brusquement. Mourad la fixa, le regard noir.
— Arrête de jouer les filles fières, lança-t-il d’un ton dur.
Au même moment, son téléphone vibra. L’écran affichait un appel entrant : Maman. Il soupira, raccrocha sans même répondre.
— Tu as fait ton choix, répliqua Zaynab. Assume. Je ne veux plus te voir.
Elle fit demi-tour. Il la rattrapa par la main.
— Qu’est-ce que tu veux à la fin ? cria-t-elle.
— Toi, répondit-il simplement.
— Tu ne m’auras pas, dit-elle d’un ton glacial.
— Je comprends ta colère. J’ai vu ce qui se passe sur les réseaux.
— Tant mieux. Que tu voies comment je me fais humilier à cause de toi.
— Je vais me rattraper.
— Ah bon ? En m’offrant une villa peut-être ? ironisa-t-elle.
— Si tu veux, tu pourrais travailler chez Al Fayed Capital. Salaire inimaginable garanti.
Zaynab éclata d’un rire sec.
— J’aurais pu bosser pour l’entreprise de mon père aussi.
— Cette entreprise n’est plus grand-chose, répliqua-t-il, cassant.
Elle le fusilla du regard.
— Dans ce cas, je ne veux pas travailler pour Al Fayed. Je veux une part de la société.
Mourad se tendit.
— Les parts sont réservées à l’élue.
— Khoudia ne connaît rien aux affaires.
— Peut-être, admit-il. Mais je ne peux donner de parts qu’à un membre de la famille. Donc... à ma femme.
Zaynab resta silencieuse. Elle réfléchissait. Elle ne demandait pas ces parts par cupidité. Elle voulait sauver l’entreprise familiale. Rétablir leur honneur. Prendre sa revanche aussi.
— Dommage alors, murmura-t-elle. Mais je finirai par trouver d’autres associés pour investir chez nous.
Elle fit un pas vers la porte. Il la retint à nouveau.
— Tu vas faire la p**e pour ton entreprise ?
Elle le regarda droit dans les yeux.
— Si je dois le faire, je le ferai.
Silence. Long, tendu. Ils se jaugeaient.
Un silence s’installa. Zaynab savait parfaitement ce qu’elle faisait. Elle connaissait Mourad, ses réactions, ses limites. Elle savait qu’il ne supporterait jamais de la voir aux côtés d’un autre homme, encore moins dans un cadre professionnel. Et elle en jouait, calmement, stratégiquement.
Il finit par rompre le silence.
— Je t’offre 5 % de parts dans l’entreprise.
Zaynab esquissa un sourire moqueur.
— Je veux 15 %.
— T’es complètement folle. Ce sera 5 %, pas un de plus.
— Je suis déjà très gentille. Dix, et je ne discute plus.
Mourad la fixa intensément, pesant ses mots, analysant son regard.
A suivre