L’Élue, silencieuse, était assise sur le lit recouvert d’un drap ivoire brodé d’or. Le parfum de l’ambre flottait dans la chambre, adouci par la lumière vacillante des lanternes. Tout était prêt. Mais son regard restait fixé sur la porte, figé dans l’attente.
De l’autre côté de la villa, dans un salon feutré, les trois prétendantes non choisies venaient d’être autorisées à retirer leur voile. Le silence fut brutal.
Leurs visages se figèrent.
Ce n’était donc pas elles.
Jennah fronça les sourcils, le regard dur. Lina cligna plusieurs fois des yeux, comme pour refuser la réalité. Zaynab, droite, ne montrait rien. Pas même une surprise.
La porte s’ouvrit. Mourad entra.
Il les observa un instant, dans un calme étrange, comme s’il cherchait les bons mots. Mais Jennah le coupa sèchement.
– Tu es beau, Mourad. Tu sais que tu l’es. Mais tu ne comprends rien aux femmes. Rien du tout.
Lina leva les yeux au ciel, amer.
– C’est vrai. Jamais je n’aurais cru que tu choisirais… Khoudia.
Zaynab se leva lentement, sans dire un mot. Son regard glissa sur Mourad, froid, presque absent. Puis elle tourna les talons et sortit, sans se retourner.
Jennah secoua la tête.
– Je suis vraiment déçue.
Sa voix trembla légèrement. Elle ravala ses larmes, mais ses yeux brillaient. Elle sortit à son tour, les mains crispées.
Lina, elle, resta figée devant Mourad, les mains jointes.
– Reviens sur ton choix… S’il te plaît, reviens en arrière. Je t’en supplie…
Mais la voix de Mourad fut tranchante.
– Même si je revenais sur mon choix… Ce ne serait pas toi.
Un silence de plomb tomba.
Lina recula d’un pas, comme frappée. Puis elle se détourna, dignité brisée, et quitta la pièce sans un mot de plus.
Un instant plus tard, Saran entra. Elle le fixa avec un petit sourire, presque moqueur.
– Ta femme t’attend, frangin.
Mourad ne répondit pas. Il passa près d’elle sans un mot, descendit les escaliers, et sortit de la villa.
Sa Bentley l’attendait devant les grilles.
Il s’installa derrière le volant, démarra sans hésitation, et quitta la propriété dans le silence d’une nuit devenue trop lourde.
La villa Al Zarqawi baignait dans un silence glacial. Malgré les dorures, les volumes majestueux et les lustres allumés, tout semblait froid, figé. Comme si l’échec de Zaynab avait vidé l’endroit de son éclat.
Son père et ses deux frères étaient installés sur le grand canapé blanc. Leurs visages fermés ne trahissaient rien, mais l’atmosphère pesait. Samira, sa mère, était debout, les bras croisés, les yeux pleins de feu. Maysa et Camélia, assises en retrait, n’osaient pas ouvrir la bouche.
– Ce n’est pas qu’une question de mariage, d’honneur ou d’argent, lança soudain Samira d’un ton sec. C’est une question de dignité. Ma seule fille. Celle pour qui on a tout donné. Et elle ne se fait même pas choisir ? C’est une honte.
Zaynab la regarda, figée. Même son père tourna lentement la tête vers son épouse, stupéfait.
– Maman… murmura-t-elle.
– Tu sais ce que vont penser mes sœurs ? Tes cousines ? Elles vont rire de toi, Zaynab. De ta beauté, de ta Bentley, de ton arrogance. Elles vont dire que même avec tout ça, tu n’as pas su gagner le cœur de Mourad Al Fayed.
Le père de Zaynab se leva d’un bond.
– Ça suffit, Samira ! Tu délires, là ! Comment tu peux lui parler comme ça ?
– Ne la défends pas, Saleh. Pas ce soir.
– Non. Non, je ne te laisserai pas salir notre fille. Elle n’a rien à prouver. Mourad a fait un autre choix, c’est tout. Elle trouvera mieux. Elle vaut bien plus que ce mariage ridicule.
Samira détourna les yeux, blessée, et s’effaça d’un pas.
– Peut-être… Mais tu sais aussi bien que moi que les Al Zarqawi vont parler. Ils vont tous parler.
– Et alors ? lança Iyad en se levant brusquement. Qu’ils parlent. On s’en fout.
Il monta sans attendre, suivi par Camélia qui glissa un regard compatissant à Zaynab avant de disparaître.
– Il a raison, renchérit Sami. Franchement, les gens de la famille, ce qu’ils pensent, ça compte pas. Mais faut que tu comprennes, Zaynab… ta vie de rêve, c’est fini. Même ta Bentley, faudra peut-être la vendre pour sauver ce qui reste de l’entreprise.
Il quitta la pièce, l’air dur, et Maysa le suivit en silence après un simple :
– Bonsoir, Zaynab…
Il ne restait plus qu’elle, et ses parents. Son père la regarda longuement, puis soupira.
– La journée a été longue. Je vais me reposer.
Il disparut dans le couloir, laissant Samira et sa fille seules dans le salon. La mère croisa les bras à nouveau, secoua la tête.
– Tu nous as tous déçus avec tes caprices, Zaynab…
Puis elle tourna les talons, sans un mot de plus.
Zaynab resta debout, seule au milieu du grand salon. La tête haute, le regard vide. Puis, lentement, ses larmes commencèrent à couler. Silencieuses. Amères. Terriblement réelles.
Les mots de sa mère tournaient encore dans sa tête. La déception de ses parents, le silence glacial de la villa, tout la blessait. Mais ce qui la faisait vraiment souffrir, ce n’était pas les regards pleins de reproches ni les murmures d’humiliation. Ce qui brisait Zaynab, c’était d’avoir perdu.
Elle ne s’attendait pas à ce que cela l’atteigne autant. Elle s’était toujours dit qu’elle s’en moquerait, qu’un homme ne pouvait pas définir sa valeur. Et pourtant, ce soir-là, elle sentait dans sa poitrine un vide qu’elle ne connaissait pas. Elle, Zaynab Al Zarqawi, celle qui ne supportait pas de perdre, venait de ne pas être élue.
Elle aurait voulu que Mourad la choisisse, même si elle ne l’aimait pas. Juste pour ne pas perdre. Juste pour prouver. Juste pour garder sa couronne invisible.
Sans un mot, elle monta dans sa chambre et se dirigea vers la salle de bain. Elle espérait que l’eau efface ce qu’elle ressentait, que le parfum de son gel douche noie ses pensées, que la buée sur le miroir cache ses larmes. Mais même après la douche, tout restait là.
Quand elle ressortit, son téléphone vibrait sans arrêt. Des dizaines de notifications. Sur Snapchat, les messages s’enchaînaient.
— Dis, c’est vrai que t’as pas été choisie ?
— T’inquiète, t’auras mieux.
— Lol, elle croyait que son parfum allait suffire.
— Il a choisi une fille bien. Toi t’étais juste belle sur les photos.
— Mourad a prouvé qu’elle était bonne que sur Insta, pas dans la vraie vie.
Ses doigts tremblaient. Ses yeux se remplirent de larmes, mais elle les essuya avec rage. Elle tenta d’ignorer, mais chaque réseau social lui crachait les mêmes choses.
Ce n’est que quand elle reçut des captures d’écran qu’elle comprit. Saran et Oulaya avaient posté des photos de Khoudia. Un simple message en dessous : Elle est l’Élue.
Le choc fut brutal. Elle ouvrit i********:. Dans les commentaires d’un post populaire, une femme écrivait :
— Mon mari voulait Zaynab comme deuxième épouse. Mais si même Mourad Al Fayed ne l’a pas choisie, alors aucun homme sensé ne la voudra.
Zaynab jeta violemment son téléphone sur le lit. Elle s’allongea, les yeux noyés, les dents serrées. Son cœur battait trop vite. Elle ne pleurait pas seulement. Elle saignait de l’intérieur. Et pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait vulnérable. Terriblement humaine. Et furieusement en colère.
Soudain, quelqu’un frappa à la porte. Zaynab, allongée sur son lit, se redressa lentement, essuya ses joues humides, puis se leva pour aller ouvrir. C’était la gouvernante, droite, un peu nerveuse.
— Mademoiselle, quelqu’un vous attend dans le salon…
Zaynab fronça les sourcils.
— Qui ça ?
— Monsieur Al Fayed, répondit-elle doucement.
Zaynab resta figée. Choquée. Elle articula à peine un merci avant de refermer lentement la porte.
Qu’est-ce qu’il faisait ici ? Pourquoi maintenant ? Il n’était pas censé être chez lui, à célébrer son choix, à vivre sa victoire avec Khoudia ? Elle secoua la tête, puis se dirigea vers son dressing. Elle n’allait pas descendre dans l’état où elle était.
Elle choisit une robe noire ajustée, longue jusqu’aux mollets, boutonnée sur le devant, fendue juste ce qu’il fallait pour laisser apparaître sa jambe avec élégance. Le tissu moulait parfaitement ses courbes. Le décolleté profond, assumé, laissait deviner juste assez sans jamais trop. Ses talons transparents affinaient sa silhouette. Elle prit son petit sac à chaîne dorée, lissa ses cheveux, et se regarda dans le miroir. Fière. Brillante. Elle allait lui faire regretter.

Elle descendit les marches lentement. Ses talons claquaient sur les marches blanches. Mourad, debout dans le salon, se retourna au bruit.
Et il resta figé.
Son regard glissa de ses cheveux jusqu’à ses chevilles, remontant lentement. Il était clairement choqué. Zaynab, elle, gardait le menton haut, les yeux plantés dans les siens, prête pour le combat.
A suivre