— Pourquoi tu fais cette tête ? poursuivit-elle en s’approchant. T’es choqué de me voir ? T’as cru que t’allais partir tranquillement en douce, faire tes petites affaires dans mon dos ?
Mourad resta silencieux. Bella Dior, elle, esquissa un sourire. Zaynab la pointa du regard.
— Heureusement que ta sœur parle plus que toi. C’est elle qui m’a tout dit.
Il lança un regard noir à Bella Dior, qui haussa les épaules avec une innocence feinte.
— C’est pas si important, dit-il enfin à Zaynab. T’es pas obligée de te mêler de ça.
— Pas important ? répéta-t-elle, incrédule. Donc, tu veux dire que partir avec elle faire un test de grossesse sans rien me dire, c’est pas important ?
— C’est une mascarade, gronda Mourad. Une p****n de connerie. Je voulais juste régler ça seul, sans t’impliquer là-dedans.
— Bah maintenant, tu vas plus rien régler seul, répliqua Zaynab en le fixant droit dans les yeux. Parce que moi aussi, je monte dans ce jet.
Elle le dépassa sans attendre de réponse et gravit les marches de l’appareil.
Mourad ne dit rien. Il se contenta de la suivre, la mâchoire serrée. Bella Dior et Khoudia, en retrait, échangèrent un regard muet avant de monter à leur tour. Le voyage risquait d’être long. Très long.
L’arrivée en Allemagne s’était faite sous une pluie fine et un ciel plombé. Mourad, fidèle à son exigence du confort absolu, avait loué un vaste appartement de luxe dans un quartier huppé de Munich. L’intérieur, moderne et élégant, offrait une vue panoramique sur la ville. Pas question de perdre du temps : le rendez-vous pour le test de Khoudia était fixé au lendemain matin.
Sans surprise, Mourad attribua la plus grande chambre à lui et Zaynab. Khoudia, en découvrant cela, leva les yeux au ciel.
— C’est moi, la femme de Mourad, murmura-t-elle à Zaynab sur un ton sec. Et c’est moi qui porte son bébé.
Zaynab éclata de rire, un rire net, maîtrisé.
— Sauf que tu n’es pas celle qu’il aime.
Puis elle la laissa là, sans même lui accorder un regard de plus. Khoudia resta figée. Elle avait envie de répliquer, de hurler, de jeter quelque chose. Mais elle savait que Zaynab disait la vérité. Alors elle rejoignit une chambre plus modeste, où son téléphone vibra. C’était Oulaya et Mara qui appelaient, soucieuses.
— Ça se passe bien ? demanda Mara.
— Tout se passe, répondit-elle, le ton amer. On verra demain.
Le soir venu, chacun se prépara pour le dîner.
Zaynab rayonnait dans une robe ivoire dos-nu, resserrée à la taille par un drapé délicat qui caressait ses courbes. À ses pieds, des sandales Tom Ford dorées, sculptées comme des bijoux. À son bras, un sac DG orné de chaînes brillait, pendant que ses boucles d’oreilles cristallines apportaient la dernière touche à son éclat. Ses lunettes dorées aux formes géométriques complétaient un look redoutablement raffiné.
Bella Dior opta pour un ensemble en satin caramel, simple mais gracieux, accompagné de sandales nude et d’un sac Jacquemus. Son maquillage était léger, ses cheveux tirés en une queue basse qui révélait ses traits délicats.
Mourad, quant à lui, portait un ensemble signé Balmain : un pantalon noir ajusté et une chemise blanche légèrement ouverte sur un collier discret. Sa veste beige à revers satiné ajoutait une touche de prestance naturelle. Montre Audemars Piguet au poignet, regard froid et charisme imposant.
Mais ce fut Khoudia qui créa la surprise.
Elle entra dans le salon dans une robe fourreau noire fendue sur la cuisse, moulant ses formes avec une audace calculée. Sans voile, ses cheveux tirés en un chignon bas, elle portait des escarpins rouges et un rouge à lèvres assorti.
Zaynab la dévisagea un instant, réellement étonnée.
— Tu m’étonnes, souffla-t-elle en souriant. Vraiment.
Khoudia haussa une épaule, provocante.
— Si c’est ce qui fait plaisir à mon mari, pourquoi pas.
— Arrête de m’appeler comme ça, répliqua Mourad, agacé.
Zaynab le fusilla du regard.
— Tu n’avais qu’à ne pas la choisir.
Puis elle attrapa sa pochette, tourna les talons et sort de l’appartement, suivie des autres. Un SUV de luxe les attendait en bas, conduit par un chauffeur discret en costume noir. À l’intérieur, l’ambiance était tendue. Les regards se croisaient, lourds de non-dits.
La voiture les emmena dans l’un des restaurants les plus raffinés de Munich. Mais ce soir-là, ce n’était pas le décor qui captivait les regards. C’était eux.
Ils s’installèrent autour d’une table élégante, sous une lumière tamisée, dans l’un des plus prestigieux restaurants de Munich. Les menus distribués, chacun passa commande. Khoudia, installée juste à côté de Mourad, n’en finissait pas de lui lancer des regards appuyés, le menton haut, sûre d’elle.
Le repas arriva, les assiettes furent posées avec soin. Les conversations s'entamèrent, ou plutôt, furent monopolisées.
— Depuis que je suis enceinte, je ressens tout plus fort, disait Khoudia en caressant son ventre plat. J’ai l’impression que le bébé ressent tout ce que je ressens… surtout l’amour.
Elle gloussa légèrement. Mourad restait silencieux. Zaynab, elle, ne touchait pas à son assiette.
Il finit par la fixer.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
Elle allait répondre, les yeux levés vers lui, mais Khoudia coupa net :
— Le bébé veut un dessert.
Zaynab eut un sourire nerveux, forcé. Mourad ne daigna même pas tourner la tête vers Khoudia. Bella Dior intervint doucement :
— Commande ce que tu veux, Khoudia.
— Le bébé veut ce que son papa va prendre, dit-elle en regardant Mourad avec insistance.
Il reposa sa fourchette.
— Arrête ta mascarade, lâcha-t-il.
Khoudia fit une moue, jouant la carte de la bouderie.
— C’est pas moi… c’est le bébé.
Zaynab se leva brusquement.
— J’peux pas. J’peux pas rester là. Cette scène, cette ambiance, tout ça... C’est insupportable.
Elle attrapa son sac et quitta la table. Mourad ne perdit pas une seconde pour la suivre. Il la retrouva déjà dans le hall, appelant un taxi. Il la retint par le poignet.
— Viens. On va ailleurs.
Quelques minutes plus tard, ils étaient installés à une autre table, dans un restaurant plus calme, plus intime. L’ambiance était différente. Mais Zaynab, elle, était ailleurs.
Il la scrutait. Elle n’avait rien commandé, ne parlait pas, fixait la nappe comme si c’était un échappatoire.
— Tu vas me dire ce qu’il y a, maintenant ?
Elle releva les yeux. Il y avait de la douleur, de la colère, un trop-plein.
— Je peux pas continuer comme ça, Mourad. Deux femmes, un seul homme. Une pseudo-famille qui s’en mêle. Des tensions. Des rivalités. Je veux pas ça. J’suis pas faite pour supporter ce genre de m***e.
Il souffla, passa une main sur sa nuque.
— Khoudia peut pas être enceinte de moi.
Elle le fixa. Un regard noir. Les yeux brillants de larmes.
— Si tu t’étais contrôlé, on en serait pas là.
Il ferma les yeux une seconde. Il encaisse. Il sait qu’elle a raison.
— T’as raison… j’ai merdé.
Zaynab détourna les yeux, les lèvres tremblantes. Elle n’avait pas touché à son verre. Elle ne voulait rien. Elle était trop à bout pour jouer les princesses ce soir. Trop fatiguée pour ravaler encore. Trop en colère pour faire semblant.
Mourad se sentait coupable. Il voyait bien qu’elle était à bout, qu’elle n’arrivait même plus à dissimuler sa détresse. Il baissa les yeux vers elle, puis lança calmement :
— On ne rentre pas à l'appartement ce soir. Viens. On va ailleurs.
Zaynab ne répondit pas. Elle n’avait plus la force de parler. Elle le suivit simplement.
Ils arrivèrent dans un hôtel de luxe, discret mais somptueux. Un voiturier ouvrit la portière, un groom s’occupa de leurs affaires. À l’étage, la suite offrait une vue dégagée sur la ville. Tout était calme, feutré.
À peine la porte refermée, Zaynab alla droit vers la salle de bain. Elle avait besoin d’eau, de silence. Elle s’enferma, laissa couler la douche… et ses larmes. Elle s’effondra, la tête contre le mur carrelé, le cœur déchiré.
Elle resta ainsi de longues minutes avant de se redresser, de reprendre contenance. Elle se lava lentement, sans hâte, puis ressortit, les cheveux encore humides, enroulée dans un peignoir blanc.
Mourad était là, assis au bord du lit. Il se leva, s’approcha doucement, l’enlaça sans rien dire. Elle se laissa faire. Son corps se relâcha entre ses bras.
Il alla ensuite prendre une douche à son tour. Quand il revint, torse nu, une serviette autour de la taille, leurs regards se croisèrent.
Il s’arrêta. Il la fixa un instant, sincère.
— Je t’aime, Zaynab. Y’a que toi. Il n’y a toujours eu que toi.
Elle le regarda, les yeux rouges, la voix brisée.
— J’suis encore en colère contre toi… mais p****n… j’t’aime aussi.
Ses yeux se remplirent à nouveau de larmes, mais cette fois, il n’y avait plus de rage. Juste ce trop-plein d’amour, trop fort, trop douloureux.
A suivre