Chapitre 2

868 Words
Chapitre Deux Jurant entre ses dents, Zaron sauta dans la rivière. S’il avait été humain, la puissance du courant l’aurait immédiatement entraîné au loin. Il lui fallut tout de même toute sa force pour traverser l’eau écumeuse. Ses jambes se cognèrent plusieurs fois contre les roches sous l’eau, mais il ignora la douleur. Des ecchymoses n’avaient aucun effet sur son peuple ; lorsqu’il atteindrait les rochers devant lui, les blessures seraient déjà pratiquement guéries. Enfin, il y fut, se hissant sur les rochers glissants et s’accroupissant près de la jeune femme blessée. Elle était vivante ; il pouvait entendre le faible battement irrégulier de son cœur et les gargouillis de sa respiration. Elle était vivante, mais avec ses blessures, elle ne le serait pas pour longtemps. Le bas de son corps était tordu dans un angle impossible et ses membres fins étaient brisés en plusieurs endroits, des fragments osseux saillant de la peau pâle et déchirée. La moitié de son visage disparaissait sous le sang rouge foncé qui s’écoulait d’une profonde entaille sur le côté de son crâne. Son t-shirt cachait la plus grande partie de son torse, mais Zaron pressentait une hémorragie interne, sa cage thoracique possiblement broyée par sa chute. Ses entrailles se serrèrent avec un mélange de pitié et d’étrange désespoir et Zaron fixa cette humaine brisée. Elle était jeune et, de ce qu’il pouvait voir, assez jolie. De longs cheveux blonds, une peau claire, un corps élancé et galbé… Si elle n’avait pas été à l’article de la mort, il aurait pu être attiré par elle. Mais elle était pour ainsi dire morte. Au mieux, elle n’avait que quelques minutes à vivre. Avec de telles blessures, il était surprenant que son cœur batte toujours. Les humains étaient des créatures fragiles, facilement blessées et à la guérison lente. Il doutait que des médecins humains soient à même de la sauver, même s’ils arrivaient à temps. La médecine Krinar pourrait la sauver, bien sûr, mais Zaron n’avait rien avec lui et la jeune femme avait peu de chance de survivre le trajet jusqu’à sa demeure. Levant une main, il toucha délicatement la partie indemne de son visage, laissant courir ses doigts le long de sa mâchoire. Sa peau était douce, comme celle d’un bébé. Une pointe de regret emplit sa poitrine ; en d’autres circonstances, il s’en serait délecté. Soudainement, un petit bruit s’échappa de sa gorge, surprenant Zaron. Puis, sous son regard ébahi, ses yeux s’ouvrirent. Sous de longs cils marron, ils étaient d’un bleu vert brillant et incroyablement beaux. Pendant un moment, elle sembla désorientée, ses yeux de la couleur de l’océan assombris par la douleur, puis son regard se fixa sur le visage de Zaron. Elle savait qu’elle était sur le point de mourir. Zaron pouvait le voir sur ses traits. Elle le savait et elle luttait avec chaque cellule de son être. Ses lèvres remuèrent, ouvertes sur une supplication muette, et il sut ce qu’il devait faire. Se penchant vers elle, Zaron la prit délicatement dans ses bras, la serrant contre lui. Il était plus que probable qu’elle ne survivrait pas au trajet, mais il ne pouvait pas la laisser aller ainsi. Quiconque s’accrochait aussi farouchement à la vie ne devrait pas mourir sans lutter. Le trajet sembla éternel, bien que Zaron courut aussi vite qu’il put, attentif à ne pas trop secouer la jeune femme. Le plus dur avait été la rivière ; lutter contre le courant d’une main tout en tenant de l’autre main l’humaine au-dessus de l’eau avait été une épreuve, même pour lui. Elle était à nouveau inconsciente. Il pouvait entendre le claquement pénible de ses poumons et il savait qu’elle n’en avait plus pour longtemps. Son visage était d’une extrême pâleur, sa peau était froide et moite après son passage dans l’eau. Enfin, ils arrivèrent. Une fois à l’intérieur de sa demeure, Zaron la déposa doucement sur son lit. Après un ordre lancé d’une voix ferme, l’un des murs s’ouvrit, permettant à son jansha, un petit tube de guérison, de flotter vers lui. L’attrapant d’une main, Zaron le plaça sur le lit avant de commencer à dévêtir la jeune femme. Elle ne portait pas grand-chose, un t-shirt et un jean coupé, et il l’en départit rapidement, son cœur se serrant à la vue des os saillants et de la chair déchirée. Ramassant l’appareil, il le passa au-dessus de son corps nu, le laissant diagnostiquer ses blessures. Comme il le soupçonnait, les dommages étaient importants. Sans compter les dommages à ses organes internes, elle avait une lésion à la moelle épinière. Même si elle avait survécu, elle serait restée paralysée à partir de la taille. Ses blessures ne s’arrêtaient pas là. Des os brisés, une entaille sur son crâne, des coupures et des ecchymoses… tout semblait le résultat de son accident. Toutefois, il y avait des signes de traumatismes plus anciens. Elle s’était cassé le poignet à un moment de sa vie, et sa cuisse montrait une cicatrice provenant d’une autre mésaventure. Elle avait également été soumise aux soins dentaires primitifs des hommes, certaines dents évidées et réparées par une substance non organique. Zaron hésita à peine avant d’activer le mode de guérison complet de jansha. S’il n’avait pas été aussi pressé et si ses blessures avaient été moins graves, il aurait calibré l’appareil pour qu’il se concentre sur des blessures précises. Mais, dans sa situation, une procédure complète était sa seule chance de survie. L’appareil vibra pendant une seconde, relâchant les nanocytes de guérison, et Zaron observa la chair déchirée de la jeune femme se resserrer, chacune de ses cellules se régénérant d’elle-même.
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