PDV Emma Hardins.
Le tonnerre grondait dans le ciel obscurcit qui était zébré par endroits d’imposants éclairs lumineux. De grosses gouttes de pluie s’abattaient sans pitié sur la ville de Rome sans pour autant décourager ses habitants qui continuaient de circuler allègrement. D’autres au volant de leurs voitures dont les essuie-glaces faisaient d’incessants demi-cercles. D’autres encore à pied, sous des parapluies assombris par le temps et vêtus d’imperméables.
Il était exactement onze heures quinze minutes du soir quand je me lassai de regarder les passants dehors et tirai les rideaux de la grande baie vitrée de ma chambre. La villa des saules était des plus calmes depuis le départ d’Andrea et Raphaello pour leur lune de miel à Los Angeles. Il ne restait plus que Raonna, les autres serviteurs et moi. Je jetai un coup d’œil à ma valise déjà prête pour m’accompagner demain à l’aéroport. Ce fut un immense plaisir pour moi d’assister au mariage de ma meilleure amie et de passer quelques jours en Italie mais je devais rentrer maintenant. J’avais non seulement du travail mais aussi hâte de retrouver Peter, mon petit ami. Un sourire éclaira mes lèvres en pensant à cette tête aux cheveux blonds et aux yeux gris perchée sur un corps de 1m80, fin mais athlétique. Combien de fois mes mains avaient-elle parcourues ce corps? Et combien de fois les doigts de Peter m’avaient-ils fait gémir de plaisir ? On ne pouvait compter. Notre relation était tout ce qu’il y avait de plus romantique: cinéma, dîner, disputes, galipettes, soirées arrosées, promenade...
À aucun moment de nos deux ans de relation, il ne m’avait déçue. C’était un homme bon et aimant, je n’en demandais pas mieux.
Me laissant tomber sous les couvertures cotonneuses du grand lit de la chambre, j’essayais de trouver le sommeil mais en vain. Morphée s’obstinait à ne pas m’embrasser ce soir. Dans un soupir, je me demandai ce que j’allais faire maintenant. J’avais déjà finie de rédiger l’article que j’avais sur le cou et terminée la lecture des romans que j’avais emportée avec moi. La lecture était le moyen le plus rapide de m’endormir. Quelque soit la nature du roman que vous lisez, faire tournoyer des pages au fur et à mesure et fixer les yeux sur du papier vous feront sommeiller.
D’un bond, je m’extirpai du lit et sortis doucement de ma chambre. La bibliothèque se trouvait un étage plus haut et c’est sans mal que je la rejoignis. Ouvrant délicatement la porte de bois massif que je connaissais déjà, je pénétrai dans la grande pièce sentant le bois et le papier mais surtout plongée dans la pénombre. Après quelques tâtonnements, je finis par trouver l’interrupteur que je pressai pour faire jaillir la lumière. Tout comme la première fois où j’avais mise les pieds dans cette bibliothèque, je fus profondément émerveillée devant ces cinq grandes étagères regorgeant de livres aussi anciens les uns que les autres. M’avançant au milieu de la pièce où le parquet recouvert d’un grand tapis rouge ovin décoré de magnifiques fresques supportaient cinq fauteuils très accueillants, je m’arrêtai pour mieux contempler les livres. Jusqu’à présent, je n’arrivais pas à comprendre cet attrait pour le chiffre 5 dans cette bibliothèque. Même les brasseurs sur le plafond et les veilleuses contre le mur étaient au nombre de cinq.
Déroutant non?
- N’allez pas croire que nous avons un fétichisme du chiffre 5 mais mon père qui a fait aménager cette bibliothèque de son vivant adorait ce chiffre ; c’était son porte-bonheur.
J’eus un sursaut brusque en réprimant un cri alors qu’une silhouette avait surgie de derrière une des étagères. Une main sur le cœur, je lançai un regard noir au jeune homme devant moi.
- Ça va pas de me foutre la trouille comme ça ? Ça fait la seconde fois que vous faites cela, grommelai-je.
Alonzo sourit en s’approchant de moi. Il fixa mes yeux noisettes qui brillaient sous la lueur éclatante des ampoules de la bibliothèque et je sus que ses doigts à lui le démangeaient de tirer sur l’affreux chignon qui retenait mes cheveux d’or pour les libérer mais il se retint sans pour autant me lâcher du regard.
- Vous n’arrivez pas à trouver le sommeil ? s’enquit-il sérieux.
Je secouai la tête pour toute réponse sans parvenir à me détacher des iris émeraudes du jeune homme qui me surplombait de son mètre 90. Depuis le jour où je l’avais vu pour la première fois, je n’arrive pas à expliquer ce truc en lui si mystérieux qui m’attirait. Il était dangereusement beau et séduisant certes mais il y avait quelque chose d’autre en cet homme qui le rendait imposant.
Tout comme son frère.
Christian aussi possédait la même aura dominante et mystérieuse sauf que lui, il dégageait de la froideur contrairement à Alonzo qui donnait l’impression d’avoir des larves flambantes à la place du sang.
- Je...euh... non. Je n’arrivais pas à m’endormir alors j’ai voulue venir ici chercher un livre pour faire passer le temps. Et vous ?
- Je ne dors pas.
Il avait dit ça comme ça, d’un seul coup, comme si c’était quelque chose de normal et de naturel. Je le fixai, interloquée.
- Vous êtes insomniaque ?
Alonzo m’adressa un drôle de regard dans lequel un amusement non feint dansait. La pluie continuait de s’abattre dehors et ses gouttelettes transparentes n’avaient cesse de cogner contre les vitres des fenêtres. Un éclair suivit d’un grondement de tonnerre se refléta soudain dans la pièce et je tiquai.
- Quelque chose comme ça, dit-il pour répondre à ma question.
J’hochai la tête et regardai autour de moi comme pour chercher par où commencer ma lecture mais en fait, c’était le regard du jeune homme que je fuyais. Il avait cette habitude là de me fixer aussi profondément comme si j’étais une nouvelle espèce terrienne pour lui. Et bien sûr, je n’étais pas indifférente à ça. Je me sentais mise à nue face à ses deux émeraudes qui lui servaient d’iris et mon cœur réagissait automatiquement en battant la chamade.
- Vous partez demain ?
La question me fit revenir à moi-même et je reposai mon regard sur le visage du jeune homme.
- Oui. J’ai finie ma mission ici depuis longtemps. Il est temps pour moi de retourner à la maison.
- Pourquoi ?
Je levai un sourcil et croisai les bras sur ma poitrine pour me donner de la contenance.
- J’ai du travail.
- C’est tout ? demanda t-il sceptique.
- Quoi d’autre ? Je suis reporter au cas où vous ne le saviez pas. Je ne peux pas m’absenter trop longtemps si je ne suis pas en vacances.
- Je sais tout sur vous Mlle Hardins.
Il fit encore un pas dans ma direction et je me reculai instinctivement.
- Et je sais que votre travail n’est pas la seule raison qui vous motive à retourner aux États-Unis, ajouta-t-il presque avec dédain.
- Je ne vois pas ce qui vous concerne dans tout cela. Je fais ce qui me plaît.
- Figurez-vous que moi aussi.
Il fit encore un pas et je reculai pour enfin rencontrer une surface dure dans mon dos; une étagère. Alonzo me fixa alors avec une expression qui voulait dire, « Piégée ma poule ! » et j’eus une moue crispée. Il leva la main au dessus de ma tête et je fermai instinctivement les yeux comme s’il allait me frapper bien que je sache qu’il ne le fera jamais. Dès que j’eus sentie un doigt anormalement glacé se poser sur ma joue, j’ouvris les yeux pour fixer le jeune homme dont les deux mèches de cheveux châtains qui pendaient de chaque côté de son visage lui donnait un air terriblement attirant mais dangereux.
- Peter, Mlle Hardins. Voici la seconde raison. Je me trompe ?
Le souffle d’Alonzo qui s’écrasait sur mon visage ainsi que son doigt qui caressait ma joue m’empêchaient de réfléchir correctement. Cependant, à l’énoncé du prénom « Peter », je m’étais raidie. Durant son séjour, Alonzo n’avait pas manqué de me démontrer à quel point il détestait mon petit ami. Je ne savais pas ce qui lui prenait mais je savais qu’il désapprouvait totalement ma relation avec le blond.
- Je ne comprends pas ce que vous lui reprochez à mon petit ami mais sachez une chose; je l’aime. Et quelqu’en soit votre avis, oui, je prendrai le vol demain matin pour le rejoindre parce qu’il me manque.
Alonzo essaya de contenir la colère et le dégoût qu’avaient suscité en lui mes paroles. Depuis le jour où il nous avait vu dans ce night-club à boire et à nous tripoter, il s’était mis à détester sans raison Peter. Je ne savais moi-même pas les raisons de ce sentiment, c’était né en lui d’un seul coup et il n’arrivait pas à supporter et à permettre le fait que je veuille le retrouver.
- En êtes-vous sûre et certaine? me demanda t-il en laissant glisser lentement son pouce sur mon menton puis sur mon cou.
J’haletai presque quand le bâton de glace qui servait d’index à Alonzo continua sa trajectoire vers ma poitrine ouverte en raison du grand col V de ma robe de chambre. Je savais que je devais repousser cette main et mettre le plus de distance possible entre lui et moi mais je n’arrivais pas à le faire ou plutôt, je ne voulais pas le faire. Dans un sourire sombre, il pencha la tête vers moi de sorte à ce que nos deux fronts se rencontrent et je crus qu’il allait m’embrasser.
- Vous n’avez pas répondue à ma question Mlle Hardins. Êtes-vous sûre de vouloir retrouver Peter? s’impatienta t-il.
- Oui.
Alonzo ne répondît pas mais fit remonter son doigt sur mon visage, précisément entre mes yeux.
- Alors vous me voyez vraiment navré.
Et ce fut le trou noir....