Ce qui Nous Lie

5

-Oh seigneur, c'est quoi cet accoutrement ?

Je me retourne pour voir à qui elle s'adresse, et j'aurais aimé ne pas le savoir. Pas aujourd'hui. Je ferme les yeux puis les ouvre pour faire face à Vicky.

-Elle n'a aucune classe, franchement qui porte des salopettes ? Tu ressemble à une fermière petite chose ; surenchérit Amélia.

Je fais fi de leurs présences et referme mon casier. Je me retourne pour partir mais elles me bloquent le passage. Je passe un regard furtif sur la foule qu'il y a dans le couloir avant de baisser les yeux. Je ferme les paupières puis les ouvre avant de dire d'une voix à peine audible.

-Je...je ne suis pas... une... petite chose.

-Oh mon dieu, vous l'avez entendu elle parle ! S'exclame Vicky d'une voix faussement joyeuse.

-Qui s'habille comme une fermière en ce monde, il faut vraiment s'appeler Annabelle Hamilton pour faire cela, rajoute-t-elle. Je serre les poings et relève enfin la tête, je déglutis à plusieurs reprises puis fais ce que je n'aurai jamais cru être capable de faire, lui répondre.

-C'est mi..eux que de s'habiller c...comme une c***n.

J'entends des exclamations s'élever. Personne ne s'attendait à ce que je rétorque, je dois avouer que moi aussi je ne sais pas d'où m'est venue ce courage. Je tremble carrément cependant, je ne vais pas baisser les bras. Pas après m'être lancée.

-Pardon !? Fit Amélia offusquée.

-Comment oses-tu ?

Elle lève la main pour me gifler, je ferme les yeux mais ne sens rien. J'ouvre alors mes paupières pour voir une main qui tient son poignet. Je dévisage à qui elle appartient, mon amie.

Alexandra regarde Vicky impassible. Je remercie Dieu qu'elle soit là, au cas contraire je n'ose imaginer ce qui se serait passé. Certes, j'ai réussi à me défendre si on peut le dire ainsi, mais ça ne veut pas dire que je suis devenue Super-Anna. Ne mettons pas les charrues avant les bœufs.

-Lâche mon poignet, qu'est-ce qui te prends enfin ! S'exclame cette dernière en se débattant.

-Je ne ferai pas ça si j'étais toi ; dit-elle sans tenir compte de ses protestations.

Elle finit par la lâcher et vient s'arrêter à côté de moi, tout en les fusillant du regard.

-Tu es qui et comment tu oses intervenir dans nos affaires !

Vicky s'approche dangereusement de nous, tandis qu'Alexa me tient fermement la main.

-Je m'appelle Alexandra mais préfère Alexa pour les intimes.

Des gloussements se font entendre tout au long du corridor.

-..et Anna est mon amie. Termine-t-elle.

Vicky et ses amies éclatent d'un rire moqueur. Je retiens une larme qui manque de tomber et me mords la lèvre.

-Ton amie ? laisse moi rire. Tu l'as vue, une fille insignifiante, inintéressante, nawak... tu n'as pas pu trouver mieux comme amie ?

Quelques larmes s'échouent sur ma joue me rendant compte qu'elle a raison. L'entendre proférer de telles méchancetés me fait mal, mais je n'y peux rien.

-Et bien je préfère une fille insignifiante qu'une superficielle, écervelée et g***e comme toi. Rétorque mon amie.

Tout le monde est abasourdi, car c'est la première fois que quelqu'un tient tête à Victoria. Aors que je pensais que celle-ci allait s'énerver, elle arbore un sourire s*****e.

-Je vois que tu es nouvelle, cependant il y a des règlements dans cet établissement. Pour commencer au plus grand jamais tu ne dois me regarder dans les yeux ainsi que mes amies... ensuite ne fait plus l'erreur de me répondre et...

-Oh tu sais où je peux les mettre tes règles... y'en a marre de ton charabia sortie d'un film de pom-pom girl ; déclare Alexa d'une voix lasse.

Décidément cette fille me surprendra toujours.

-Comment parles-tu à Vicky ? Tu vas le regretter pour le restant de ta minable vies.

Les regards se tournent vers Camille qui vient de prendre la parole.

-Je croyais qu'il fallait une autorisation de ta maîtresse pour l'ouvrir toi.

J'ouvre de grands yeux face à la ténacité d'Alexa, elle ne se démonte pas et j'ai bien peur pour elle. Ça n'a jamais pris autant de temps, cette altercation va sûrement mal finir.

-Du courage, tu as dû cran Alexa. Tu pourrais faire partir de notre cercle au lieu de trainer avec Anna-moche.

Un silence tombe dans le corridor après les dires de Vicky, je retiens ma respiration et baisse les yeux en attendant la fin. Alexa est belle, forte et courageuse, elle a tout d'une fille populaire, je comprendrai qu'elle veuille me lâcher. Après tout, on ne se connait que depuis un jour. Mais contre toute attente, elle déclare :

-Je préfèrerai être amie avec un c*******é que de vous rejoindre, on y va Anna.

Elle me tire par la main au milieu de tous ces gens. Je regarde derrière moi pour voir Vicky qui est rouge de colère, il ne manquerait plus que de voir la fumée sortir de ses narines. Elle vient clairement d'être humiliée et ce devant tout le monde.

On s'assoit sur un banc dans la cour puis nous fixons l'horizon, est-ce que le ciel m'a envoyée un ange ? parce que j'ai du mal à croire que j'ai enfin une amie. Une amie qui n'a pas hésiter une seule seconde à me défendre. En fin de compte, nos histoires se ressemblent. Être rejetées des autres, seulement elle, elle n'avait personne sur qui compter. Elle a dû souffrir et se relever seule ; j'ai la chance de l'avoir car grâce à elle je pourrais m'en sortir.

-Tu penses à quoi ? Sa voix me tire de mes pensées.

-Je pensais à ce qui s'est passé...

Elle me coupe la parole avant que je ne termine, je la dévisage incrédule.

-Waouh !! C'est la première fois que tu me parles sans trembler.

Je lui gratifie d'un sourire, elle a raison. À présent je me sens bien à ses côtés, comme si on se connaissait depuis des lustres.

-Euh... je me sens...euh.. bien avec.. toi.

-Oh moi aussi, aussi fou que cela puisse paraître, je t'aime déjà et j'ai l'impression de te connaitre depuis longtemps.

J'essuie une larme au coin de l'œil. C'est tout ce que je voulais entendre, maintenant je suis prête à vaincre mes peurs. Je ne suis plus seule à me battre, j'ai quelqu'un avec moi.

Je réfléchis plusieurs fois à quoi dire, cette situation est une première pour moi. Aussi le fait que je discute avec elle sans trembler, sans avoir peur qu'elle me lâche. Il y a encore de la route à faire mais je finirai par y arriver. Je le sais.

-Tu... tu... as des soeurs ou frères ? Je demande pour entamer une conversation.

C'est ma soeur qui serait contente d'apprendre que j'ai conversé avec une personne autre qu'elle.

-Oui, une soeur et deux frères pour être précise. Me répondit-elle les yeux dans le vide.

-Quelle chance tu as ! Moi je n'ai qu'une sœur même si je l'aime, j'ai toujours voulu avoir un frère...finis-je en un murmure.

-En fait j'ai plutôt un frère, l'autre c'est mon cousin mais il me traite comme sa propre soeur, ce qui a le don de m'énerver parfois.

-Pourquoi ?

-Il est super chiant et trop surprotecteur pour son âge.

-Il est si jeune que ça ? demandé-je en me redressant.

-On a le même âge.

-Oh... je vois...

Un autre blanc s'installe, je suis nulle pour mener une conversation, j'ai beau réfléchir je ne trouve rien à dire. Avec ma famille c'est différent car les mots viennent seuls. Je n'ai pas besoin de remuer la langue sept fois avant de dire quoi que soit.

-Ta soeur tarde aujourd'hui.

Elle regarde sa montre puis moi.

-Elle ne viendra pas, c'est son jour de repos ; dis-je simplement. J'attends le bus.

-Oh, je pourrais te déposer enfin mon cousin, il viendra d'une minute à l'autre.

-Non.. ce n'est pas la peine, je ne veux pas déranger.

-Tu ne déranges pas et j'insiste.

Sans que je ne puisse m'y opposer, elle m'attrape la main puis me tire à l'extérieur où attend une BMW noire. Elle entre à l'arrière la première et me fait signe de la rejoindre. Je vous monte à mon tour en gardant la tête baissée.

-Les gars je vous présente Anna, Anna voici Ryan et Henry, mon cousin.

Je tique en entendant ce prénom, ça me rappelle quelqu'un. Je lève activement la tête et le vois assis au côté conducteur. Ses cheveux ébouriffés volontairement lui donnent un air sexy et bad boy, et ses yeux... Je me racle la gorge puis détourne le regard.

-Enchanté Anna.

Je souris à Ryan qui vient de prendre la parole. Il a la même corpulence que Henry mis à part qu'il a des cheveux châtains et des yeux bleus, ça doit être lui le fameux cousin d'Alexa.

-En ce qui me concerne, pas la peine de faire des présentations, on se connait déjà. Dit Henry en me lançant un coup d'œil dans le rétroviseur.

Toujours aussi arrogant, songé-je intérieurement.

-Ah bon et comment vous vous connaissez ? Demande soudainement Alexa.

-Disons que je l'ai aidée avant d'être remercié de la plus bonne des façons ; lui répondit-il en me lançant un bref regard dans le rétroviseur.

Je me pince les lèvres en me rappelant de ce jour, j'avais agi comme une idiote me faisant ainsi ridiculiser.

-Je ne comprends pas, de quoi tu parles ?

À cette allure elle va finir par tout savoir. Je ne veux pas qu'elle sache que je m'étais étalée par terre suite à ma maladresse. Je préfère garder la suite des événements pour moi.

-Cherche pas à savoir, lui dit-il.

Je souffle de soulagement mais fus de nouveau paniquée quand je vois la voiture s'arrêter et Alexa descendre, sans moi.

-..Mais...tu... je bafouille en la voyant sortir complètement de la voiture.

-Je suis arrivée chez moi, ne t'inquiètes pas, tu seras chez toi dans pas longtemps. Me coupe-t-elle d'une voix calme, comme ayant deviné ma panique.

-Bon vous avez fini, je n'ai pas que ça à faire, se plaint Henry nous regardant à tour de rôle.

-Au revoir ma belle.

Alexa referme la portière et la voiture roule de nouveau. Il ne peut rien m'arriver de grave me dis-je intérieurement. Alexa n'aurait pas pris le risque de me laisser avec des gens mal intentionnés. Je branche mes écouteurs et regarde à travers la vitre, la route a été drôlement longue aujourd'hui.

Ce fut au tour de Ryan de descendre. Il me dit au revoir me laissant confuse, ce n'était donc pas sa voiture. Quelques secondes après, la voiture n'a toujours pas démarrer, j'enlève mes écouteurs pour questionner Henry du regard.

-Je ne suis pas ton chauffeur, si tu pouvais venir devant pour qu'on parte enfin.

Je sors du véhicule pour me mettre devant sans lui jeter de regards, il allume de suite la radio après avoir démarré. C'est une musique de Khalid qui passe ''Better'' je commence à fredonner quelques paroles oubliant sa présence.

-Si je savais qu'il fallait de la musique pour t'entendre parler, je l'aurais fait plutôt.

Je ne le regarde que brièvement avant de me rappeler qu'il ne s'est pas où j'habite, je me mords la lèvre anxieuse à l'idée de parler.

-Euh...j..je loge à..au..deuxième virage.

Je ferme les yeux m'attendant à une moquerie mais il n'en fait rien.

-Quelle maison ? Me demande-t-il le regard rivé sur la route.

-C...celle qui est.... pei..nte en blanc, balbutié-je mal à l'aise.

Après qu'il se soit garé, j'ouvre la portière et sors de la voiture sans dire merci. Arrivée au seuil de la porte, je me retourne pour le voir toujours garé. Il me fait un sourire ravageur suivit d'un clin d'œil avant de s'en aller. Qu'est ce que cela signifie ? Pour quelle raison m'a-t-il sourit ? Je secoue de la tête pour chasser ses pensées qui naissent. Henry n'est pas le genre de mec à s'intéresser aux filles comme moi.

-Ouah on ne remarque même plus sa soeur ! Dit Becky en sortant de nulle part ce qui me fout légèrement la trouille.

-Becky, d'où sors-tu comme ça ?

-J'étais là, c'est toi qui ne m'as pas remarquée à force d'être dans la lune.

-Je n'étais pas dans la lune ! Je rétorque tout en montant les escaliers pour rejoindre ma chambre.

-Ah oui ? C'était qui dans la voiture ? Fit-elle en s'asseyant sur mon lit.

Je fais de même puis retire mes chaussures.

-Un ami d'Alexa. Elle a proposé de me raccompagner et comme j'étais la dernière voilà...

-Hum je comprends, bref la dernière à arriver fait la vaisselle et le dîner, annonce-t-elle en sortant à toute vitesse de la chambre.

-Tricheuse ! Crié-je en l'imitant dans l'espoir de la rattraper.

C'est ok pour le dîner mais faire les deux n'est pas ce qui me ferait plaisir. Je cours avec l'espoir d'être la première à arriver, cependant c'était trop rêvé. J'arrive devant la cuisine où ma sœur est déjà, elle me pousse à l'intérieur puis ressort en me tirant la langue.