Lundi matin.
Le ciel de la ville était couvert, mais Nora Morel brillait.
Sa journée s’annonçait décisive : le contrat qu’elle allait tenter d’obtenir aujourd’hui représentait la somme nécessaire pour financer le traitement de sa sœur Elina.
Elle ne pouvait pas échouer. Pas cette fois.
Dans le miroir de sa chambre, elle se fixa longuement. Sa chemise de soie ivoire épousait parfaitement la courbe de ses épaules, sa jupe noire taillée au millimètre soulignait son allure d’arme fatale.
Ses lèvres légèrement teintées de rouge foncé s’étirèrent en un sourire calculé.
— Aujourd’hui, c’est moi qui gagne, murmura-t-elle.
Pendant le trajet, elle relisait mentalement les informations qu’elle avait glanées sur son futur interlocuteur : Adrian Valcourt, 28 ans, PDG d’une entreprise technologique en plein essor. Diplômé brillant, travailleur, célibataire, mais réputé froid. On disait qu’il ne supportait pas les femmes trop confiantes, surtout celles qui utilisaient leur charme pour obtenir gain de cause.
Autrement dit, le type d’homme que Nora adorait défier.
Dès qu’elle entra dans le hall principal, tous les regards se tournèrent vers elle.
Sa démarche lente et assurée résonnait sur le marbre du sol. Ses talons semblaient battre une mesure invisible : celle du pouvoir.
Le réceptionniste, bouche entrouverte, annonça d’une voix tremblante :
— Mademoiselle Nora Morel, de chez S&K Consulting, est là pour Monsieur Valcourt.
— Faites-la entrer, répondit une voix grave dans l’interphone.
Elle entra.
Adrian Valcourt ne leva mĂŞme pas les yeux de son dossier.
— Asseyez-vous, je vous prie, dit-il sèchement.
Nora arqua un sourcil. Voilà qui était nouveau.
Habituellement, les hommes perdaient leurs moyens dès les premières secondes. Lui, semblait immunisé.
Elle s’assit lentement, croisa les jambes, déposa la mallette de cuir sur la table et le détailla.
Il portait une chemise bleu nuit retroussée aux avant-bras, révélant des veines fines et une montre sobre. Son visage, sérieux, était sculpté par une mâchoire ferme et un regard d’acier.
— Voici le contrat, dit-elle d’un ton professionnel. Il vous apportera une expansion internationale immédiate.
Il la regarda enfin. Ses yeux gris croisèrent les siens, sans ciller.
— Je vois, répondit-il. Vous voulez que je signe, comme ça, en cinq minutes, sans étude préalable ?
— En général, cinq minutes suffisent, lança-t-elle avec un sourire charmeur.
Adrian eut un léger rire sarcastique.
— Je suppose que c’est votre manière de travailler. Vous comptez sur le charme plutôt que sur la compétence.
Cette remarque la piqua au vif, mais elle conserva son masque de marbre.
— J’avais prévu cette réaction venant de vous, dit-elle doucement.
Il fronça les sourcils.
— Ah oui ? Et pourquoi donc ?
— Parce que j’ai étudié votre parcours. Vous êtes brillant, mais blessé. Deux ans plus tôt, une certaine Camille Duret, fiancée modèle, vous a quitté du jour au lendemain pour votre associé. Depuis, vous prenez soin de vous protéger en méprisant tout ce qui brille.
Il se figea.
Le ton de Nora était calme, presque tendre, mais chaque mot frappait juste.
— Sortez d’ici, ordonna-t-il d’une voix froide.
Elle se leva lentement, s’approcha du bureau, et se pencha vers lui.
— Vous savez, toutes les femmes ne vous rejettent pas. Certaines comprendraient votre douleur.
Elle effleura le bureau du bout des doigts. Adrian sentit son parfum, mélange d’ambre et de vanille, l’envelopper. Son cœur accéléra malgré lui.
— Les femmes ne vous manquent pas, murmura-t-elle à son oreille. Puis elle releva doucement de sorte a le laisser voir sa poitrine qui dans cette position donnait une vue bien grande sur l'ensemble.
Il releva la tĂŞte, la regarda droit dans les yeux.
— Aucune de vos techniques ne marchera sur moi, Mademoiselle Morel.
— Quelles techniques ? demanda-t-elle, feignant l’innocence. Je ne vous ai encore rien fait.
Puis elle ajouta, avec un petit rire :
— Vous êtes plus difficile que je ne pensais, mais j’aime les défis. Merci de me donner ce plaisir.
Adrian inspira profondément pour garder son calme.
— J’ai une réunion dans dix minutes, dit-il en se levant. Revenez une autre fois… mais habillée convenablement.
Nora cligna des yeux, surprise.
— Pardon ?
— Vous m’avez bien entendu. La prochaine fois, venez sans provoquer une émeute dans mes bureaux. Je ne veux pas qu’on dise que j’invite ici une source de distraction massive.
Ses joues rosirent. C’était la première fois qu’un homme lui tenait tête ainsi.
Elle sortit du bureau, fière en apparence, furieuse en dedans.
— Vous me signerez ce contrat, Adrian Valcourt, murmura-t-elle entre ses dents. Coûte que coûte.
En sortant, elle remarqua un badge posé sur la table d’accueil : Pass pour la Conférence internationale des dirigeants, un événement prestigieux où Adrian devait prendre la parole le lendemain.
Sans hésiter, elle le glissa discrètement dans son sac.
Un sourire en coin illumina son visage.
— Partie remise, monsieur le PDG.
Deux heures plus tard, Adrian, de retour dans son bureau, remarqua la disparition du pass.
Il fouilla, renversa ses papiers, chercha sous la table. Rien. Il se rappelait pourtant de l'avoirposé a l'acceuil privé et personne n'était passé par là sauf peut être
Son esprit fit immédiatement le lien.
— Cette femme !
Il saisit son téléphone.
— Mademoiselle Morel, vous avez trente minutes pour me rapporter mon badge, sinon j’appelle la police.
— (rire moqueur) De quoi parlez-vous, monsieur ? Quel badge ?
— Vous jouez au mauvais jeu, Mademoiselle Morel.
— (d’un ton faussement blessé) En me forçant la main tout à l’heure, j’ai dû le prendre sans m’en rendre compte. Peut-être pour me protéger ? Vous vous souvenez ?
Il resta muet. Cette femme était incroyable. En une phrase, elle inversait la situation.
— Vous êtes d’une hypocrisie rare, dit-il froidement avant de raccrocher.
Mais il ne pouvait pas laisser passer ça.
Il lança une recherche rapide : adresse professionnelle, dossier RH… En quelques minutes, il trouva l’adresse de Nora.
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La maison était simple, élégante, avec un petit jardin parfumé de jasmin.
Il frappa. La porte n’était pas verrouillée.
— Mademoiselle Morel ? cria-t-il.
Une voix féminine douce répondit depuis la cuisine :
— Nora ? C’est toi ?
Puis une jeune femme aux longs cheveux châtains apparut, tenant un petit couteau qu’elle dissimula discrètement.
— Oh… bonsoir, monsieur, dit-elle d’un ton hésitant. Vous cherchez ma sœur ?
— Oui… je… je suis Adrian Valcourt.
— Elle n’est pas encore rentrée. Mais entrez donc. Vous voulez des biscuits ? Ils sont faits maison.
Adrian resta figé. Il n’avait jamais entendu une voix aussi tendre.
— Euh… oui, volontiers, dit-il, presque malgré lui.
La jeune femme sourit et s’approcha.
— Je suis Elina Morel, la petite sœur de Nora.
Elle tendit la main dans la mauvaise direction. Adrian la prit doucement et comprit aussitôt : elle était aveugle.
Son cœur se serra.
— Enchanté, dit-il doucement.
— Votre nom m’a fait sourire, répondit-elle. Ce n’est pas souvent qu’une nouvelle voix entre ici. Ça fait du bien.
Elle rit légèrement.
— Alors, ces biscuits ?
Adrian prit un biscuit, le goûta. Un souvenir éclata dans sa mémoire : sa nourrice lui faisait les mêmes, quand il était enfant. Le goût du beurre et de la vanille le frappa en plein cœur. Des larmes montèrent à ses yeux.
— Ils ne vous plaisent pas ? demanda Elina, inquiète.
— Si… si, au contraire. Ils sont parfaits.
— Alors prenez-en d’autres, insista-t-elle.
Il rit.
— Pourriez-vous me les emballer ? J’aimerais les garder… c’est un peu étrange, je sais.
— Pas du tout ! répondit-elle joyeusement. Ce serait dommage de laisser des biscuits sans avenir.
Ils éclatèrent de rire ensemble.
Elina alla dans la cuisine, mit quelques biscuits dans une boîte et revint.
— Voilà . J’espère que votre famille les aimera.
— Je vis seul, murmura-t-il.
— Oh… je suis désolée.
— Ce n’est rien, vraiment.
Elle pencha la tĂŞte.
— Vous êtes charmant, monsieur Valcourt.
Il sourit, presque gêné.
Et c’est à ce moment que la porte claqua derrière eux.
— Que faites-vous chez moi ? lança Nora, furieuse.
Adrian se retourna brusquement. Elle portait encore sa tenue du matin, mais ses yeux lançaient des éclairs.
— Je suis venu chercher ce que vous m’avez volé, répondit-il froidement.
Elina, surprise, sentit la tension.
— Nora ? Tout va bien ?
Nora força un sourire pour sa sœur.
— Oui, tout va bien, ma chérie. Monsieur Valcourt s’en allait justement.
Adrian la fixa un instant. Entre la femme manipulatrice qu’il avait vue le matin et celle qui protégeait sa sœur, il y avait un monde.
Il prit la boîte de biscuits sur la table.
— Merci, Elina. Ils sont parfaits.
Puis, Ă Nora, il dit simplement :
— Nous reparlerons du contrat. Bientôt.
Il sortit sans un mot de plus, laissant Nora interdite.
Elle referma la porte lentement.
Elina, curieuse, demanda :
— C’était qui, ce monsieur ?
Nora soupira.
— Juste un homme compliqué.
Mais au fond d’elle, elle savait que c’était le premier homme qui l’avait vraiment déstabilisée.
Et, sans comprendre pourquoi, son cœur battait un peu plus vite qu’à l’ordinaire.