L'ombre De La Fondation

700 Words
La lumière bleutée de l'écran était la seule à éclairer le visage d'Élise, blottie dans le sofa, alors que l’horloge passait deux heures. Son PC posé sur ses cuisses, connecté à la clé USB qu'elle avait préalablement formatée sur un ordinateur municipal, celui de la salle d’info de la bibliothèque. Les phrases paranoïaques de sa mère avaient fini par s’enraciner - maintenant, chaque clic lui sciait les nerfs. Son doigt hésita une seconde, puis appuya sur le seul fichier .wav intitulé « VÉRITÉ ». Un bruit électronique sec, ensuite une voix d’homme arrive, tordue par un effet mécanique, envahit la pièce vide. « Élise Corbin. Si tu écoutes ceci, alors tu auras trouvé ma cachette. Et tu es en danger. » Elle bloqua sa respiration. « Ce que je m'apprête à te dire va paraître fou. Ta vie, tes souvenirs, ton identité... Tout est un mensonge. Élise Corbin ? N'a jamais existé. Tu portes le numéro 746 dans les dossiers de la Fondation Mnémosyne. Ce que tu appelles ton histoire a été modifié petit bout par petit bout. » Les paroles l’ont touchée fort, pire que prévu. Numéro 746. Un nom froid comme la glace. « La Fondation ne guérit rien du tout, elle transforme. Elle fait disparaître. Ton père et ta mère, Édith et Jean, c’étaient juste des veilleurs. Des aides sans le savoir. Ceux qui t’ont vraiment mise au monde, Léa et Marc, ont dû payer le prix pour cacher la vérité sur Mnémosyne. Ils étaient au courant. Alors on les a arrêtés net. » Léa, c'est le « L » de la photo. La confirmation lui a coupé le souffle. « Ils te surveillent. Fais attention à toi. Ne fais confiance à personne. Surtout pas à la Fondation. Et si tu veux comprendre... commence par regarder derrière le miroir. La voix a disparu. Après, le calme frappait plus fort que ce qu’elle avait dit. Élise ne bougeait pas, ses bras serrés autour d’elle, comme si elle voulait rester entière. Numéro 746. Les paroles d’Édith – ils suppriment tout – faisaient maintenant peur. Ce n'était pas une métaphore. D’un geste nerveux, elle ouvrit un nouvel onglet de navigation privée. En tapant « Fondation Mnémosyne », un fenêtre sobre s'affiche. Des photos d'hommes et de femmes en blouse blanche souriant devant des scanners cérébraux. Les textes parlaient de progrès majeurs contre la dégénérescence mentale. Des témoignages de patients "reconnaissants". C'était l'image parfaite de ce que la science peut faire. Elle s'est levée, a marché vers la fenêtre et a tiré le rideau avec son index. Dehors, il n’y avait personne. Mais elle avait l’impression qu’on la regardait. Un murmure avait soufflé : Ils te surveillent. Elle est revenue vers l’ordi, effaça l'historique, sortir la clé. Ensuite, d’un coup sec, elle s’est dirigée vers la salle de bains, a attrapé un marteau et, directement dans le lavabo, a broyé le petit bout de plastique mélangé au métal au point où plus rien ne reste. Plus tard, en partant chercher du pain, elle a balancé chaque morceau dans des containers différents. La clé avait disparu. Pourtant, ses mots restaient gravés en elle, bien plus que n’importe quelle marque sur la peau. Plus question de s’appeler Élise Corbin, celle qui réparait des tableaux. Désormais, on l’appelait Produit 746. Alors elle voulait comprendre - et vite. Son prochain geste répondait à un besoin urgent. Pas le choix : elle devait mettre un visage dessus, trouver un nom, en découdre. Elle alluma son portable, chercha vite fait l’e-mail du cabinet du docteur Laurent Vasseur, chef de la boîte Mnémosyne. Ce type avait traîné avec ses parents autrefois. Son mot est bref, direct. Chère Docteur Vasseur, je travaille sur des pièces autour de la mémoire et du cerveau. Ce que fait votre fondation me touche particulièrement. Serait-il possible de vous rencontrer pour en discuter ? Elle a envoyé le message. Après, elle s’est laissée tomber sur le sofa, serrant un oreiller contre elle. L’angoisse traînait encore, collante, comme un animal tapi dans l'ombre. Pourtant, quelque chose d'autre montait en surface, plus puissant qu’avant : Une colère froide. Et cette fois, pas question de reculer. Ils avaient effacé son passé. Ils ne définissent pas son avenir.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD