Justina
Dring ! Dring ! Dring !
Mon téléphone vibre sur la table. Je jette un œil à l’écran : Tiya.
— C’est comment, ma Juju ? dis-je en décrochant, un sourire dans la voix.
— Je vais bien, et toi, la Mera ?
— En pleine forme, comme toujours.
— Ton diplomate t’a appelée ?
— Pourquoi cet intérêt soudain pour lui ?
— J’ai entendu dire qu’un sommet diplomatique se tient en ce moment, ici même, dans la capitale.
— Ah ! Voilà donc pourquoi il me bombarde d’appels depuis trois jours.
— C’est pile le temps qu’ils sont arrivés en ville.
— Intéressant...
— Attends... tu veux dire qu’il t’appelle en boucle et que tu l’ignores ?
— Exactement.
— Mais qu’est-ce qui s’est passé entre vous ?
— Il a dépassé les bornes la dernière fois qu’on s’est vus. Je le laisse mariner un peu, le temps qu’il se fasse pardonner correctement.
— Tu devrais peut-être écourter sa punition.
— Depuis quand tu t’occupes de mes affaires sentimentales ?
— Je ne m’en mêle pas, chérie. Disons plutôt que j’ai besoin d’un petit service…
— Mauvaise approche. Je ne sais même pas ce que tu veux, mais je te dis déjà non.
— Allez, s’il te plaît…
— Tiya, il va vraiment falloir que tu apprennes à formuler tes demandes avec plus de finesse.
— Promis. Je m’applique la prochaine fois.
— Bon après-midi.
— Non, raccroche pas ! Laisse-moi au moins plaider ma cause… S’il te plaît, la Mera...
— Deux minutes. Pas une de plus.
— Merci, ma petite maman !
— Il t’en reste une. Parle.
— Ce soir, le PR organise une soirée de clôture pour le sommet. Un événement ultra-sélect.
— Et alors ?
— Je dois absolument y être… Et j’ai besoin que tu sois mon passeport d’entrée. Toi, on ne te refuse rien.
— Hors de question. J’ai d’autres plans.
— Je t’en supplie. J’ai repéré l’un des diplomates. On s’est croisés à Dubaï, mais à l’époque, j’étais prise. Là, c’est l’occasion rêvée.
— Et la personne qui t’a balancé l’info, elle ne peut pas t’y introduire ?
— Non. C’est trop fermé. Toi, tu es un sésame vivant. Je compte sur toi.
— Bon, écoute. Je ne promets rien. Je vais voir si je peux libérer ma soirée. Je te tiens au courant en début de soirée.
— Merci, merci ! Tu es la meilleure !
— Ne crie pas victoire trop vite. Prévois un plan B, au cas où je ne pourrais pas t’arranger ça.
— C’est noté. À tout à l’heure !
— À plus.
Clic ! Je raccroche.
Je raccroche, le regard perdu un instant. Tiya est encore nouvelle dans notre monde. Je la prends sous mon aile depuis quelques mois. Il y a une forme de hiérarchie, implicite. Ce n’est pas écrit, mais tout le monde la respecte. Même si on n’a de comptes à rendre à personne.
En y repensant… cette soirée pourrait me faire du bien. Ça fait plus d’une semaine que je suis rentrée, et je n’ai pas mis un pied dans une seule réception. Pas une seule coupe de champagne dans une main gantée, pas un seul regard ébloui sur ma tenue, pas une seule pluie de compliments sur « la Mera ».
J’ai besoin de respirer. De retourner dans mon élément. De faire tourner les têtes.
D’entendre à nouveau ces mots sucrés qui nourrissent mon ego comme du nectar. D’être vue.
C’est décidé : j’irai.