Le matin s'était levé dans un calme étrange, comme si l'air lui-même retenait son souffle. Néryn était encore en train de faire son lit, les doigts rêveurs sur les draps, quand on frappa doucement à la porte. Il se retourne aussitôt, les ailes frémissant un peu. Lyam entra, déjà vêtu pour le voyage. Son manteau sombre laissait deviner la carrure de l'Alpha, et ses cheveux légèrement humides montraient qu'il venait de sortir de la douche. Il avait ce regard indéchiffrable, plus grave que d'habitude.
— Tu pars ? demanda Néryn, la voix basse. Lyam s'approche lentement et hocha la tête.
— Je vais devoir m'absenter, oui. Une semaine… peut-être deux. J'ai quelques responsabilités à régler dans une autre meute. Le cœur de Néryn se serra sans qu'il ne sache vraiment pourquoi. L'idée que Lyam s'éloigne faisait naître un vide étrange dans sa poitrine.
— C'est… loin ? murmura-t-il.
— Assez, répondez simplement à l'Alpha. Mais tu seras en sécurité ici. Et je te laisse entre de bonnes mains. Arlen aura tout t'expliquer si tu veux en savoir plus. Il s'arrête devant lui, son regard accrochant celui de la petite fée. Il reste silencieux quelques secondes, puis tendit la main pour remplacer une mèche blanche derrière l'oreille de Néryn.
— Je veux que tu restes sage, d'accord ? Et que tu fasses attention à toi.
— Je vais essayer, souffla Néryn. Lyam se pencha doucement. Il dépose un b****r sur le front de Néryn, avec une tendresse presque déroutante, si différente de sa nature d'Alpha.
— Tu n'as pas à t'inquiéter, dit-il doucement. Je reviendrai vite. Il fit demi-tour vers la porte, puis s'arrêta une seconde avant de se retourner vers Arlen, qui attendait déjà dans le couloir.
— Prends soin de ma petite fée, d'accord ? Arlen fit un salut amusé de la main.
— Je veille sur lui, promis. Et Lyam disparut dans le couloir, laissant dans l'air l'écho de son odeur chaude et réconfortante. Néryn resta figé quelques secondes, puis referma doucement la porte. Il sentit son cœur connaître un peu plus fort que d'habitude. Il n'aimait pas cette sensation. Ce silence. Ce vide soudain dans l'espace. Une semaine. Peut-être deux. Il s'approche de la fenêtre et observe la lumière du matin se glisser entre les arbres. Il ne savait pas exactement ce que Lyam allait faire, ni pourquoi il devait partir… mais il sentait que ces jours sans lui allaient lui paraître bien plus longs que prévu. Arlen entra doucement dans la chambre, posant un regard compréhensif sur Néryn qui semblait perdu dans ses pensées.
— Alors, Lyam va s'absenter quelque temps, expliqua Arlen en s'asseyant près de lui. Tu sais pourquoi ? Néryn baissa les yeux, la voix tremblante.
— Non… pas vraiment. J'aimerais comprendre. Arlen a pris une profonde inspiration.
— C'est à cause des rutes. C'est un moment difficile pour lui, un instinct puissant qui l'envahit, une sorte de… besoin presque irrépressible. Néryn fronça les sourcils, l'air à la fois intrigué et inquiet.
— Un besoin ? Comme quoi ? Arlen hésite un instant, puis choisit la vérité, douce, mais sans détours.
— C'est un besoin physique, lié au sexe. Pendant les rutes, les alphas ont un besoin très fort d'être avec des omégas, c'est naturel. Ils doivent se soulager de cette tension. C'est leur façon de gérer ces instincts. Néryn sentit son cœur se serrer.
— Mais… il va passer tout ce temps avec d'autres omégas ? exigea-t-il d'une voix basse, presque cassée. Arlen hocha la tête doucement.
— Oui. C'est ce qu'il doit faire. Pour lui, c'est important. Et c'est normal dans leur monde. Le garçon-fée détourna le regard, les joues roses par une jalousie qu'il ne voulait pas montrer.
— Et moi… je ne peux pas faire ça ? Je ne peux pas l'aider ? Arlen pose une main rassurante sur son épaule.
— Ce n'est pas encore ton rôle. Toi, tu dois apprendre, découvrir. Et je sais que ça te fait peur, ce que tu ne connais pas encore. Néryn mordilla sa lèvre, ses yeux brillants d'une curiosité nouvelle.
— C'est quoi, au juste, le sexe ? Arlen sourit, amusé par la question, mais sérieux.
— C'est une façon de partager des émotions et du plaisir, une façon très intime entre deux êtres. Chez les loups-garous, c'est aussi un moyen de renforcer les liens et de calmer les instincts. Mais ce n'est pas seulement ça, c'est compliqué. Néryn se mordit la lèvre encore plus fort, impose de comprendre.
— Est-ce que… est-ce que ça fait mal ? Est-ce que ça fait du bien ? Arlen rit doucement.
— Ça dépend. Ça peut faire mal si on n'est pas prêt ou si on n'est pas avec la bonne personne. Mais ça peut aussi faire beaucoup de bien, surtout quand il y a des sentiments vrais. Le garçon-fée resta silencieux, les yeux pleins d'une émotion confuse : tristesse, jalousie, curiosité, peur… Tout se mélangeait en lui.
— Je veux apprendre, murmura-t-il finalement. Je veux comprendre Lyam… et moi. Arlen le regarda avec tendresse.
— Tu apprendras, Néryn. Et on sera là pour t'aider. Quand Arlen quitta la pièce, laissant Néryn seul avec ses pensées, un étrange vide se fit en lui. Il se recroquevilla un peu plus sur le lit, les jambes repliées contre son torse, le menton posé sur ses genoux.Il allait passer tout ce temps avec d'autres…Des omégas. L'idée lui faisait mal. Une brûlure discrète, mais persistante. Il ne comprenait pas tout, pas vraiment. Il n'avait jamais connu le désir comme le décrivait Arlen, encore moins les liens physiques dont il parlait. Mais ce qu'il ressentait là, dans sa poitrine, c'était bien réel. Comme si quelque chose lui échappait, quelque chose qu'on lui avait à peine effleuré du bout des doigts… pour ensuite le retirer brusquement.
— C'est idiot, murmura-t-il tout bas. C'est normal, Arlen l'a dit. Alors pourquoi j'ai mal ? Il serra un peu plus ses jambes. Son regard s'attaqua sur la porte close, celle que Lyam avait franchie plus tôt dans la matinée. Il revoyait encore son sourire, doux, mais un peu distant, ses yeux graves qui lui disaient de faire attention… Et ce b****r sur le front. Tendre. Chaud. était trop court.
— Il ne m'appartient pas… pas encore, souffla-t-il, sans savoir d'où venait cette pensée. Mais je veux qu'il le fasse. Je crois. Ou peut-être que j'ai juste peur qu'il m'oublie… Il ferme les yeux, inspirant lentement. Un autre sentiment germait, bien plus étrange encore : la curiosité. Arlen avait parlé du sexe. D'un besoin, d'un partage, d'une intensité. Et Néryn, qui n'avait jamais pensé à son propre corps autrement que comme un outil fragile pour voler, fleurir ou ressentir, se découvrait subitement… curieux.
— Est-ce que moi aussi je peux donner envie ? Est-ce qu'il me désire un peu ? Même un tout petit peu ?... Il rougit jusqu'aux oreilles rien qu'à penser cela. Ses ailes frémirent légèrement dans son dos, trahissant l'agitation intérieure. Puis il se leva doucement, fit quelques pas vers la petite coiffeuse installée dans le coin de la pièce. Il se regarde dans le miroir. Son reflet lui renvoya l'image d'un garçon frêle, à la peau pâle, aux grands yeux lilas perdus dans le doute, avec ses cheveux blancs ébouriffés tombant sur son front.
— Je suis… différent. Pas posé, pas non plus magnifique. Juste étrange. Délicat. Différent de tous ceux qu'il avait croisés jusqu'ici. — Peut-être qu'un jour, il ne voudra plus aller ailleurs… Peut-être qu'un jour, il restera pour moi. Il eut un petit rire triste, puis revint s'asseoir sur le lit.
— Je déteste ces omégas… soupira-t-il. Même si je ne les connais pas. Même si c'est injuste. Je les déteste parce qu'ils peuvent lui donner ce que moi je ne sais même pas faire… Il reste là un moment, silencieux, la main posée sur sa poitrine, là où son cœur battait trop vite. Puis il se coucha sur le côté, tirant doucement les draps jusqu'à son menton.
— Il reviendra. Et moi, je serai prêt. Je vais apprendre… tout ce qu'il faut. Sa dernière pensée fut pour les lèvres de Lyam, si proches des siennes ce jour-là, et ce sourire qu'il lui avait laissé en cadeau. C'était peu… mais pour Néryn, c'était déjà précieux.