Je suis réveillée par la porte de ma cellule qui s'ouvre dans un bruit électronique, suivit d'un grincement qui fait mal aux oreilles. Deux agents m'attendent devant ma porte. Je me lève et vais les rejoindre sans rien dire. Ils me menottent de suite sans un mot et se dirigent dans le labyrinthe de couloirs en me poussant dans le dos.
Je prends le temps de regarder dans chaque cellule qui m'entoure. Elles sont maintenant pratiquement toutes occupées, mais ils en restent encore des vides à certains endroits. Certaines personnes qui se trouvent dedans me dévisagent passer avec les agents. Ils ont tous des yeux au diamètre plus grand, comme les miens, avec un regard bestial. Je remarque également que tous les hommes sont torse nu avec juste un pantalon noir, tandis que les femmes sont souvent avec des combinaisons moulantes similaires à la mienne. On est tous jeunes aussi, cela dit, je ne sais pas l'âge que j'ai. Je m'en fous, mais je constate ce que mes yeux me disent.
Après un énième tournant dans un couloir, les agents me laissent dans la même salle de laboratoire que la dernière fois avec le miroir vitre au centre du mur. Le lit a disparu mais un grand bureau blanc fait place au centre. Des fioles de couleurs différentes, rangées par diamètre, reposent sur chaque coin libre de la table avec une pile de dossiers mal rangée.
- Numéros Treize, me fait l'homme à lunettes de la dernière fois. Tu peux t'asseoir, me dit-il en me montrant le bureau au centre.
Je m'installe sans parler et le regarde s'asseoir à son tour et griffonner sur le même bloc note de la dernière fois. J'étudie son visage. Sous ses lunettes de scientifique, je distingue des rides et des cernes, ses sourcils gris lui encadrent ses yeux marron et son nez à moitié retroussé me donne envie de le lui écraser de ma main droite. Ses cheveux gris en pagaille lui donnent l'air d'un fou. Je pose, mes yeux sur son bloc note et je remarque que la première page est marquée d'un gros, « Numéros Treize ».
J'imagine que ça doit être mon nom.
- Alors comment te sens-tu ?
Je hausse un sourcil. Il griffonne encore une fois quelque chose sur son carnet.
- Alors ?
- Je ne sens rien.
Il me regarde sans ciller et regriffonne sur son carnet.
- C'est-à-dire ?
Je rehausse un sourcil.
- dis-moi comment ça se fait que tu ne ressentes rien ?
Je rehausse un sourcil.
- Bon, passons, fait-il en griffonnant encore une fois avec un air agacé sur le visage.
Il marque une pause et me regarde par-dessus ses lunettes.
- As-tu une question à me poser ?
- Non, dis-je du tac au tac sans réfléchir.
- Non ?
- Non, réponds-je sans hésitation.
Je ne m'étais vraiment pas préparée à ce genre de question, question stupide.
- Tu ne veux rien savoir ?
Je suis curieuse, donc, une part de moi oui, mais je sais qu'ils ne nous diront pas la vérité, et une autre part de moi s'en fout complètement de savoir le comment du pourquoi.
- Non, dis-je encore une fois.
- Bon très bien, dit-il en griffonnant encore.
Il se lève de sa chaise, va prendre une seringue dans un coin et manipule un produit jaunâtre. Il se retourne vers moi la seringue en l'air. Je me sens soudain agressée et fais un bon sur ma chaise. Une part de moi, que je ne connais pas prend le contrôle de mes gestes et je me retrouve dans un coin de la pièce, collée au mur. Je cligne des yeux en constatant le plus surprenant dans tout ça, je ne suis plus par terre. Je me tiens en haut, contre le plafond, en face de la caméra qui clignote comme à son habitude. Il me regarde les yeux écarquillés et jette un coup d'œil vers la vitre. Il fait un geste dans cette direction et marque quelque chose sur le carnet.
- Tout va bien, me dit-il enfin où peut être pour se rassurer lui-même. Tu peux redescendre, n'ai pas peur.
- je n'ai pas peur. Le son de moi voix neutre et terrifiante me surprend encore une fois.
Je tends mes muscles et saute du plafond. J'atterris en douceur devant lui comme si de rien n'était. Il me regarde surpris. Il note encore une fois quelque chose dans son carnet et me demande de m'asseoir calmement.
- Je vais te prendre un peu de ton sang, me dit-il en prenant une seringue vide ce coup-ci.
Je le regarde me prendre le bras et bizarrement, je ne sens pas ses doigts sur ma peau. Je ne sens rien. Ni la chaleur humaine, ni la pression sur ma peau, rien. Il cherche mes veines, mais je vois bien à son regard que quelque chose ne va pas. Il avance la seringue vers mon bras et au moment de l'enfoncer dans ma peau, celle-ci se casse dessus comme une brindille. Il hausse les sourcils étonné. Je regarde mon bras et le regarde ensuite se retourner. Il marque encore une fois quelque chose dans son carnet. Pourquoi ma peau est-elle si dure ? Je ne dois pas être la seule à être comme ça de toute façon... Je regarde l'homme soupirer et se parler à lui-même puis se retourner vers moi.
- Bon, très bien, on va s'arrêter là pour aujourd'hui, dit-il plus pour lui-même.
Ok... il est très bizarre cet homme. Il est peut-être fou pour du bon. Mais, qu'est-ce que j'en sais ? Après tout, c'est moi qui me trouve ici, sur cette chaise. C'est moi qui suis interrogée. C'est peut-être moi la folle dans tout ça. Je ne sais pas ce que j'ai fait avant pour me retrouver là mais ça ne devait pas être très bien. Sinon pourquoi serai-je ici ? Je dois sans doute le mériter.
D'un geste vers le miroir avec ses mains, l'homme à lunettes fait un signe et deux secondes plus tard, les deux agents de tout à l'heure reviennent, me prennent par les épaules et me raccompagnent dans ma cellule.