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**CHAPITRE 01**
**TEMPLAR – P.O.V**
Encore un pas. Un dernier pas et je serai hors du territoire de la meute de Greenrock.
La vraie question est de savoir si je veux vraiment franchir cette dernière étape.
Je vis dans ce pays depuis quinze ans. La vie est belle… jusqu’à la mort de mes parents. Je n’ai que cinq ans quand c’est arrivé. Notre meute est attaquée par des brigands. Mon père, le Bêta, fait son devoir et va protéger la meute. Je me souviens très bien des paroles rassurantes de ma mère. Elle me dit que tout ira bien et que papa reviendra, mais c’est avant que la marque dans son cou ne disparaisse. Après sa disparition, elle s’enfuit sur le champ de bataille et ne revient jamais. J’apprends plus tard qu’elle s’est suicidée à cause du chagrin d’avoir perdu son compagnon. Je vois son corps, le couteau dans sa gorge.
Mon frère, ma sœur et moi sommes tous adoptés par la sœur de mon père, Teresa, et son compagnon, Allan, peu de temps après la mort de mes parents. Le titre de Bêta est donné à Allan après la mort de mon père. Notre famille a toujours été la deuxième plus forte et elle le reste, nous permettant de garder la place de famille bêta de la meute.
Mais garder la position de ma famille est le cadet de mes soucis. Tout commence le jour de mon treizième anniversaire. Avoir deux parents loups-garous signifie qu’on s’attend à ce que je me transforme le jour de mes treize ans. Ma sœur Trudy et mon frère Terence ont tous deux changé de peau à cet âge. Tous les gens que je connais se transforment le jour de leur treizième anniversaire. Mais moi ? Ha ! Je ne le fais pas. Ni à quatorze, ni à quinze ans.
Parce que je ne bouge pas à treize ans, on me colle les étiquettes de perdante, de monstre et de faible de la meute. C’est un changement brutal pour moi : n’avoir plus personne.
Trudy a trois ans de plus que moi et ne m’a jamais aimée. Bien que nous soyons sœurs, nous ne nous ressemblons pas du tout. Alors que j’ai les cheveux châtain foncé, les siens sont blond foncé. Ses yeux sont verts, alors que les miens sont bruns. Il n’est pas étonnant qu’elle pense que je ne corresponds pas à l’idée qu’elle se fait de la famille parfaite. Quand tout le monde commence à être d’accord avec elle, elle est plus que ravie.
Terence, le paon, a un an de plus que moi. Lui et ses copains unissent leurs forces pour m’intimider. En fait, il leur donne même des conseils pour mieux me tourmenter.
Mon frère et ma sœur sont la seule famille qui me reste après la mort de mes parents, mais ils ne me considèrent jamais comme leur sœur. Je suis une figurante.
Ma meilleure amie Abby devient rapidement mon ex-meilleure amie. C’est elle qui choisit ces mots, pas moi.
Mon nouveau père, l’homme qui m’a adoptée, a honte de moi. Je suis une insulte à sa solide famille. Ma nouvelle mère, la sœur de mon vrai père, se range à son avis sans broncher. On me jette rapidement hors de la maison et on me fait dormir dans le garage. Je ne reçois aucune aide financière, hormis les frais de scolarité, et je dois donc travailler dans une bibliothèque locale pour gagner un peu d’argent. On me prête seulement les vieux vêtements de Trudy.
La seule raison pour laquelle j’ai le droit d’entrer dans la maison de la meute, c’est pour faire la cuisine, nettoyer leurs chambres, faire la vaisselle, laver leurs vêtements, compléter leurs notes… et la liste continue. Je n’ai pas le choix, c’est l’ordre de l’Alpha.
L’Alpha de la meute Greenrock, Alpha Ron, me déteste. Il me considère comme une malédiction pour sa meute, et son fils, Everett Green, est tout à fait d’accord avec lui.
Everett Green, le meilleur ami de mon frère et le prochain Alpha de la meute, est la plus grande brute. Pour lui, être le suivant dans l’ordre de succession signifie qu’à son anniversaire (16 ans), il prendra la relève de son père en tant qu’Alpha de la meute. Mais je jure devant la Lune qu’il peut écrire sa propre série de livres sur la façon d’intimider quelqu’un. Son seul but dans la vie est de ruiner la mienne. Tous les membres de la meute le traitent comme un dieu.
Ce rhinocéros ! Je le déteste. Il est l’une des principales raisons pour lesquelles je quitte ma meute. La vie sous le règne de son père est un enfer. Je ne peux qu’imaginer ce qu’il en sera lorsque Rett prendra le pouvoir en tant qu’Alpha, dans deux mois. J’ai déjà pitié de la fille qu’il découvrira être sa compagne.
Chaque loup a un compagnon. Ce n’est que le jour de son 16e anniversaire qu’un loup découvre celui ou celle qui lui est destiné(e). Un compagnon est la personne qui t’aimera inconditionnellement. C’est ce qu’il y a de mieux dans le fait d’être un loup-garou, une grande bénédiction de la déesse de la Lune pour notre espèce.
Dans notre pays, des temples sont construits par chaque meute pour la déesse. Nous la vénérons. Il est du devoir de chaque meute de protéger le temple. De nombreux brigands viennent dans notre meute et essaient de s’emparer de la statue d’argent que nous avons fabriquée à son image, ainsi que des autres trésors présents dans le temple. Pour ton information, les loups-garous sont immunisés contre l’argent.
Être un loup-garou, c’est tout ce qui compte à la fin. Mais moi, je ne suis pas un loup, je suis juste une humaine.
Hier, c’était mon 15e anniversaire. Personne ne s’est souvenu que c’était mon anniversaire, et j’en suis heureuse. Au lieu de me lancer des œufs et des ballons de basket, mon père m’a fouettée avec sa ceinture parce que je n’avais pas repassé sa chemise. Trudy et ma mère m’ont crié dessus à leur tour.
Personne ne m’a vue pleurer. Personne ne m’a vue regarder la lune dehors, attendant que le changement se produise.
Je n’ai personne avec moi. Ni famille, ni amis, ni compagnon, ni même mon propre loup. Peut-être que je suis vraiment maudite. Je me suis toujours demandé si mes parents biologiques me traiteraient de la même façon. Me considéreraient-ils aussi comme une moins que rien ?
Je ne sais même pas pourquoi je ne suis pas encore un loup. Je n’ai aucune réponse à mes questions.
La nuit dernière est insupportable. L’idée même de continuer à vivre comme une esclave pendant encore un an, voire pour toujours, m’effraie.
Je pleure jusqu’à ce que je m’endorme.