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2982 Words
Brianna Mademoiselle Andrews, comme on se retrouve.Je me racle discrètement la gorge, les joues en feu. - Monsieur Stanford, je suis vraiment désolée. - Il n'y a pas de mal. Je me mets à triturer mes écouteurs de façon automatique ne sachant trop comment continuer la conversation. - Que faîtes-vous dans New York à une heure aussi matinale ? Sa voix est rauque, profonde. Son regard déstabilisant ne lâche pas le mien d'une seconde. - J'ai passé la soirée avec mon père et sa famille. Il acquiesce d'un signe de tête, imperturbable. - Et vous ? - Mon jogging, comme tous les matins. Son jogging. Que suis-je bête. Cela se voit à sa tenue. Jogging, tee-shirt, veste à capuche. Bravo Bree. Bien joué. Un léger sursaut s'empare de moi tandis que je me rends compte que son visage s'est dangereusement rapproché du mien, ses lèvres à seulement quelques centimètres des miennes. Calme Bree. Respire. Son souffle tiède caresse ma peau me faisant frissonner. Ses lèvres effleurent les miennes ce qui me procure une drôle de sensation de la tête aux pieds, en passant par l'extrémité des doigts, comme si j'avais été électrisée. Je me demande comment cela est possible qu'il ne perçoive pas l'emballement de mon cœur. Ce dernier bat si fort que j'ai l'impression qu'il pourrait surgir de ma poitrine à tout moment. Il cligne rapidement des yeux, recule légèrement, comme s'il venait soudainement de sortir d'une sorte de rêverie. Ne me dîtes pas que... - Je dois y aller et vous aussi, souffle-t-il d'une voix basse. Il dépose un b****r furtif au coin de ma bouche, puis se redresse tout en remettant ses écouteurs en place. - A lundi Brianna. Pas le temps de répondre. Après un dernier regard, il reprend sa course comme si de rien n'était. Je le regarde s'éloigner, jusqu'à ce qu'il ait disparu de mon champ de vision. Je reprends le trajet jusqu'à ma voiture non sans jeter un regard perplexe par-dessus mon épaule. Bon sang. C'était quoi ça ? ** Le b****r manquer ne cesse de me prendre la tête toute la durée du trajet. J'ai beau essayer de trouver une raison logique, rien à faire. Aucune explication ne me vient en tête. Il n'y a pas à dire, cet homme est une véritable énigme. - Super... Je coupe le contact, récupère mes clés et mon sac et descends de voiture. Je jette un petit coup d'œil à ma montre. Cinq minutes de retard. De mieux en mieux. Je ferme ma voiture et me dépêche de regagner le bureau vie scolaire afin de faire signer mon mot d'excuse. Prenant une grande inspiration, je souffle un bon coup et franchis la porte déjà ouverte. A mon plus grand soulagement, je me retrouve nez à nez avec Inanna, la stagiaire extravagante aux cheveux d'un violet électrique qu'au moins la moitié des garçons du lycée, si ce n'est plus, rêveraient d'avoir dans leur lit. En même temps, entre son look original et sa gentillesse, elle a de quoi se démarquer des autres filles, moi compris. - Salut Bree, dit-elle d'une voix enthousiaste le regard pétillant. J'émets un rire discret, souriante et m'approche tandis qu'elle referme son magazine qu'elle abandonne sur un coin du bureau - Salut Ina. - Si tu viens pour faire signer ton mot, ça n'est pas la peine tu peux aller en cours ton prof est au courant. - Comment est-il au courant ? - Ton patron l'a appelé pour le prévenir. Un drôle de frisson me parcourt le long de la colonne vertébrale à la mention de Mr. Stanford. Ce dernier manque de m'embrasser, se rétracte, et la minute d'après appelle mon professeur pour lui dire que je serai en retard. D'ailleurs je ne savais pas qu'ils se connaissaient. Comme quoi, le monde est petit. - Merci Ina. - Pas de quoi. Je remets mon sac sur l'épaule, prête à filer en cours. - Alors comme ça tu t'es dégoté un dieu du sexe en tant que directeur de stage ? Jeez. Plus directe qu'elle, ce serait dur à trouver. - Eh bien... Je m'interromps, coupée court par les images de ce matin qui se rejouent dans mon esprit malgré moi. Les lèvres de Mr. Stanford à quelques centimètres des miennes, le b****r manqué, celui furtif et provocateur au coin de ma bouche...Bon sang. Je prends une grande inspiration et m'humecte rapidement les lèvres, le corps en feu. Elle émet un rire discret, un sourire taquin au coin des lèvres. Au moins une que ça amuse. Tant mieux. - Je rigole. Quoique d'après ce qu'on dit c'est un véritable aimant à femme. Non, sans rire. - Enfin d'après les médias et les quelques femmes avec lesquelles il a été aperçus depuis qu'il est devenu célèbre. Après, peut-être qu'en privé il est attiré par les hommes, ajoute-t-elle pensive. Mr. Stanford homosexuel ? Non quand même pas, si ? Oh et puis de toute façon quand bien même ce serait le cas, cela ne me concerne absolument pas. Il fait ce qu'il veut avec qui il veut, c'est son problème pas le mien. Je prends une inspiration et lui adresse un sourire aussi naturel que possible, malgré mes lèvres crispées. - Je vais y aller, je lui dis en regagnant la porte du bureau. - D'accord. - A plus In. - A plus Bree. Oh et si jamais tu n'es pas intéressée pour le mettre dans ton lit, je veux bien prendre ta place ! Je reste silencieuse me contentant de faire comme si je n'avais rien entendu et me dépêche de regagner ma salle de cours située un étage au-dessus. Mr. Paine me laisse entrer sans rien dire comme prévu. Je lui adresse un bonjour furtif tout en m'asseyant à ma place habituelle aux côtés de Fanny et Becca. - Alors comment ça s'est passé ? demande l'une. - Tu en pinces pour ton patron pas vrai ? renchérit l'autre. Je lève les yeux au ciel. En pincer pour un homme qui me fait croire qu'il va m'embrasser alors que non. Pas vraiment top comme situation. - Je pense que ça veut dire oui, souffle Fanny d'une voix taquine. - Les filles... - Becca, Fanny, silence ! leur intime Mr. Paine d'une voix ferme. Son regard croise le mien. Sans exagérer, c'est la première fois que je me sens aussi reconnaissante vis-à-vis d'un prof, même si au final le répit ne va être que de courte durée malheureusement pour moi. Connaissant Fanny, Becca et le reste de la b***e, je vais avoir droit à un véritable interrogatoire dès la pause déjeuner. Mr. Paine regarde une dernière fois mes deux amies puis se tourne à nouveau face au reste de la classe. - Donc comme je vous le disais avant d'être interrompu, je trouve cela très intéressant de voir à quel point vos choix sont divers et variés en ce qui concerne les stages à venir. C'est pourquoi j'ai prévu d'organiser deux séances dès la rentrée au cours desquelles nous échangerons là-dessus, à condition bien évidemment que vous fassiez le travail demandé en contrepartie. - Et quel est ce travail ? demande Jessica l'une des élèves. - Eh bien, pour commencer un rapport complet et détaillé de votre stage ainsi que deux rédactions, dont l'une sera sur l'œuvre Jane Eyre de Charlotte Brontë et l'autre sur Raison et Sentiments de Jane Austen. Des marmonnements de protestation emplissent la salle. - Je me doute bien que cela ne vous enchante pas, mais je vous rappelle que vous avez des examens à passer à la fin de l'année. Plus vous vous entraînerez, mieux ce sera. D'ailleurs à la rentrée nous étudierons Tess d'Urberville de Thomas Hardy et Les Hauts de Hurlevent d'Emilie Brontë. Je ne peux m'empêcher de sourire à cette nouvelle, malgré le mécontentement général de la classe. En même temps comment ne pas être heureuse alors que je prévoyais de lire le premier, de mon plein gré, et que j'ai déjà lu le second ? Cela me permettra de gagner un peu de temps pour le reste. Mr. Paine fait revenir le calme en frappant dans ses mains. Les derniers marmonnements de protestation fusent depuis le fond de la salle, faisant rapidement place au calme. - Bien, maintenant que cela est dit, revenons-en à Mr. Rochester et Miss Eyre. ** Deux heures de littérature et deux heures de Français plus tard, Fanny, Becca et moi sortons de la salle, des informations plein la tête ainsi qu'une tonne de devoirs à faire pendant les vacances. Nous optons pour passer par nos casiers avant de rejoindre le reste de la b***e à la cafétéria. - Je ne vais jamais m'en sortir avec tous ces devoirs, soupire Fanny, enfin quoique pour une fois nous ne sommes pas envahies par les devoirs de Sciences. - Oui, ça aurait pu être pire, acquiesce Becca en refermant son casier. Pour ma part, je réponds d'un signe de tête, un petit sourire aux lèvres, l'esprit à moitié ailleurs. Il est vrai qu'en ce qui concerne les matières scientifiques nous ne sommes pas à plaindre pour une fois. Tant mieux. Je vais avoir une équation suffisamment complexe comme ça à régler dans les deux semaines à venir. Mon téléphone se met à vibrer dans ma poche me sortant de mes pensées. Je m'en empare et déverrouille l'écran à toute vitesse. Je peux sentir mon cœur faire des embardées en lisant le nom qui s'affiche sur l'écran. Quand on parle du loup...Je prends une inspiration et clique sur la notification. Bonjour ou plutôt rebonjour. Je me permets de vous déranger pour vous dire que vos deux tenues pour nos dîners sont prêtes. Vous pourrez les récupérer lundi. Nous en profiterons également pour parler de deux trois autres choses. Passer un bon week-end. Hari Stanford. Je jette un coup d'œil furtif en direction de mes deux amies, profitant de leur inattention pour taper une réponse rapide, les mains légèrement tremblantes. Ces deux trois choses incluent-t-elles votre comportement de ce matin ? Bon week-end à vous. Brianna Andrews. Je range mon téléphone dans ma poche et ferme la porte de mon casier d'un coup sec. Il risque de me prendre pour une folle mais tant pis. Je ne suis peut-être qu'une future nouvelle stagiaire mais cela ne veut pas dire que je ne chercherai pas à avoir des explications si besoin. - De retour parmi nous ? me taquine Fanny en haussant un sourcil. J'émets un rire discret bien que faussement amusée par sa question. - C'était mon patron de stage. Nous entrons dans la cafétéria où le reste de la b***e nous attend déjà à la table du fond, près de la porte de sortie qui donne sur la cour. - Quoi de neuf ? demande Josh. - Des tonnes de devoirs, soupire Fanny en levant les yeux au ciel tandis qu'elle s'installe à côté de lui. Je les regarde échanger un b****r furtif, distraite. C'est ce qui a failli se passer entre...Non-stop. Bree, arrête de penser à ça. Je cligne rapidement des yeux et relève la tête. Mes amis me regardent tous d'un air à la fois curieux et interrogateur. - Est-ce que tout va bien ? me demande Brit les sourcils légèrement froncés. - Oui. J'étais juste perdue dans mes pensées. - Elle devait probablement être en train de fantasmer sur son patron de stage, lâche Fanny du tac au tac. Je lui jette un regard réprobateur. Bordel Fa... - Ah oui ! C'est vrai que tu as eu un entretien chez Stanford Édition ! - Oui. Monsieur Stanford m'a donné rendez-vous lundi matin pour que nous signions les papiers et m'expliquer un peu en quoi consisteront mes missions pendant le stage. - Mais ça n'est pas pour ça que tu es la tête dans les nuages depuis ce matin, pas vrai ? me demande Becca. Je pousse un soupir et prends une grande inspiration tout en m'humectant les lèvres nerveusement. Mieux vaut que je sois honnête. Cela m'évitera d'avoir droit à un véritable interrogatoire plus tard. - Ce qui me prend la tête n'est pas tant le fait que je vais bosser pour l'une des plus grandes maisons d'édition, mais surtout le fait que le patron, Monsieur Stanford, m'a invitée à dîner avec lui. Les filles émettent un cri de surprise attirant l'attention de quelques autres élèves. Je sens le rouge me monter aux joues tandis que je sors mes affaires pour travailler. - Ah non ! Hors de question que tu travailles jeune fille ! Je lève les yeux au ciel et tourne la tête juste à temps pour voir Zac me piquer toutes mes affaires afin de les cacher derrière son dos. Je tente de les récupérer mais en vain. Mes cahiers, ma trousse et mes livres se retrouvent hors de portée avant même que je n'ai vraiment eu le temps de faire quoi que ce soit. - Zac, rang moi mes affaires bon sang, je râle exaspérée. - Nope. Pas tant que tu ne nous auras pas tout raconté. - Il n'y a rien de plus à dire vraiment. Il m'a invitée à dîner avec lui mardi soir et à l'accompagner à une soirée vendredi soir voilà tout. Les filles se jettent des petits regards complices tandis qu'un silence s'installe à notre table. Josh, Zac et Isaac échangent un regard entendu qui me laisse perplexe, jusqu'à ce qu'Isaac se lève sur sa chaise, les mains en coupe autour de la bouche. - Brianna Andrews a une touche ! Je répète Brianna Andrews a une touche ! - Isaac ! - L'ex de Matthew ? demande quelqu'un. L'ex de Matthew. Les nouvelles se répandent comme de la poudre à canon dans ce lycée. C'est effrayant. La majorité de ces élèves sont au courant de ma vie sentimentale alors que je ne les connais même pas. - Ouais, celle-là même ! - Ah bah enfin ! - Et pour Bree aller aller ! Brit se lève à son tour marquant la cadence en frappant dans ses mains. La salle s'embrase. Les applaudissements et les sifflements retentissent de part et d'autre. Des rires nerveux incontrôlés s'échappent de mes lèvres. Bon sang. Quelle b***e d'enfoirés. Habituellement je les adore, mais là je ne peux pas dire que ce soit le cas. Mon téléphone vibre à nouveau. Je l'attrape et le déverrouille tout en secouant la tête, un sourire au coin des lèvres malgré moi. Nous en reparlerons, oui. Ne vous en faîtes pas. Il y a certaines choses que j'aimerais vous dire mais je préfère le faire en face. Je trouve cela lâche de se cacher derrière un écran quand on peut avoir la personne en face de soi. H.S ** Le déjeuner fini et le calme revenu, je suis mes amis pour leur pause cigarette dans la cour du lycée. Je ne peux m'empêcher de me répéter le message encore et encore, telle une chanson dont les paroles ne veulent pas me sortir de la tête, malgré les efforts que je fais pour y remédier. De quoi peut-il bien vouloir me parler qui nécessite que nous soyons l'un en face de l'autre pour ça ? - Encore en train de penser à ta touche Bree ? me nargue Isaac. Je me contente de lui répondre d'un doigt d'honneur. Comme ça le message est clair. - Alors là, c'était v*****t, dit Josh en tirant une taffe de sa cigarette. Isaac lui assène une tape derrière la tête. Les deux garçons se lancent dans une sorte de mini-bagarre à laquelle Zac se joint de bon cœur. Les filles profitent de ce moment pour me rejoindre. Nous nous asseyons dans l'herbe, le regard rivé sur les garçons. Elles me posent des questions sur l'entretien, l'entreprise et bien évidemment Mr. Stanford. Je leur réponds calmement, restant évasive sur certains détails, notamment mon patron et son dernier message auquel je n'ai toujours pas répondu. - Ma petite laisse-moi te dire que tu as bel et bien une touche, me dit Becca d'une voix sérieuse. - Ce ne sont que deux dîners professionnels, rien de plus Bea, je soupire. - Ah ça, pas forcément...Je ne le connais pas suffisamment pour savoir ce qu'il en est, mais d'après les rumeurs à son sujet c'est un vrai Don Juan. Et même si cela n'a rien à voir avec toi, je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a anguille sous roche. Je vois. - Si c'est le cas, pas de soucis à se faire, je dis calmement, je ne suis pas plus attirée par lui qu'il ne l'est pas moi. Menteuse que je suis. Il s'est passé quelque chose, c'est indéniable. - Je n'en serais pas si sûre si j'étais toi, me contredit Becca, à mon avis il est après toi. - Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Elle hausse les épaules, le regard évasif. - Je ne sais pas. Probablement le fait que tu es gentille, mignonne, drôle, intelligente et que tu n'as jamais rien fait avec un garçon. Le fait que tu n'as jamais rien fait avec un garçon. Oh non. Ne me dîtes pas que... La sonnerie annonçant la fin de notre pause déjeuner retentit. Les filles se lèvent et attrapent leurs affaires. J'en fais de même, soulagée que la discussion soit finie, même si je dois reconnaître que je suis perplexe. Mr. Stanford m'aurait-il engagé pour ça ? Est-ce la raison pour laquelle j'ai obtenu mon stage dans son entreprise ? Non. Impossible. Comment pourrait-il le savoir ? Ce n'est pas non plus écrit en gros sur ma figure. Mais cela se voit probablement à la façon dont je me comporte. C'est même fort probable. Et si c'est le cas, cela veut donc dire que mes amies ont tout simplement vu juste et que les attentions d'Hari Stanford à mon égard sont bien plus complexes qu'à première vue. ** ** ** ** ** 
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