Brianna
Le reste de la journée passe à toute vitesse. Les cours s'enchaînent ne me donnant pas le temps de me laisser aller à mes pensées. Bien évidemment, nos professeurs de Musique et d'Histoire nous donnent du travail qui vient se rajouter à la liste déjà longue de devoirs. En Musique nous devons présenter un artiste que nous aimons bien et interpréter l'une de ses chansons. Quant à l'Histoire, il s'agit de prendre un film ou une série historique au choix et la comparer aux faits desquels elle est inspirée. Les devoirs notés, je fourre mes affaires dans mon sac à la va vite, soulagée que cette journée soit enfin finie.
— Je dois passer récupérer des affaires chez ma mère pour les deux semaines de stage. Je vous retrouve sur place pour la fête, je dis à l'attention des filles.
— Ok, à toute !
Je leur adresse un sourire et me dépêche de regagner ma voiture. Le trajet jusque chez ma mère se fait rapidement. En une dizaine de minutes, j'y suis. Je passe par la cuisine, le temps d'avaler une barre de céréale et un café au lait, puis monte dans ma chambre pour rassembler mes affaires. Deux valises, une housse pour mon ordinateur, mon sac de cours et le tour est joué. Mes affaires en main, je retrouve Bobby et ma mère qui m'attendent dans le hall d'entrée.
— Tu es prête ma chérie ?
— Oui, je réponds enthousiaste, j'ai tout ce qu'il me faut.
Bobby attrape mes valises et s'occupe de les charger dans le coffre, tandis que ma mère et moi avançons bras-dessus bras-dessous. J'en profite pour lui raconter la conversation que j'ai eu avec mes amies un peu plus tôt m'assurant tout de même à passer les sous-entendus sous silence. En tant que parfaite confidente, ma mère m'écoute avec sérieux et attention. Mon récapitulatif fini, je lui explique que les réactions de mes amis m'ont un peu mise mal à l'aise, ce à quoi elle répond :
— Laisse-les parler. Ce ne sont que des ados, la bêtise leur passera. Et puis, d'après ce que tu m'as dit, Monsieur Stanford semble être un homme tout à fait galant et respectable, non ?
J'acquiesce d'un signe de tête. Ce n'est pas faux. Un peu intimidant et autoritaire aussi, mais l'un n'empêche pas l'autre.
— Quant à vos dîners, ajoute-t-elle, comme tu l'as dit toi-même, ce ne sont que des dîners professionnels, tu n'as donc pas de soucis à te faire. Et quand bien même cela aboutirait à quelque chose de plus sérieux, je ne vois vraiment pas en quoi cela les regarde, ni même en quoi c'est un problème.
— Maman..., je soupire en levant les yeux au ciel.
— Quoi ? C'est vrai, se défend-elle en haussant les épaules, ne laisse pas des espèces d'ados boutonneux te gâcher les deux semaines à venir, d'accord ?
— Oui chef, je réponds dans un rire.
Elle m'adresse un sourire furtif, le regard brillant de cette lueur maternelle propre à chaque bonne mère. Nous échangeons une longue étreinte, puis je me détache d'elle, apaisée par la discussion que nous venons d'avoir. S'il y a bien une chose qui est sûre au sujet de ma mère, c'est qu'elle a toujours eu le mot qu'il fallait pour me calmer dans les moments les plus tendus.
— Tu vas me manquer ma puce, deux semaines sans toi ça va être long.
— Maman, ce ne sont que deux semaines. Je suis déjà partie bien plus longtemps que ça.
— C'est vrai, mais tu me connais. Je suis une grande sentimentale.
— Telle mère, telle fille.
Elle me répond d'un rire auquel je réagis d'un petit clin d'œil complice tout en me tournant vers Bobby.
— Fais bien attention à elle, je souffle.
— Compte sur moi, dit-il en me donnant l'accolade.
Il se détache de moi afin de rejoindre ma mère. Cette dernière se blottit dans ses bras, le regard tendre. Un sourire en coin se dessine sur mes lèvres tandis qu'ils échangent un b****r furtif pensant probablement que je ne fais pas attention. J'en profite pour m'installer derrière le volant, fenêtre grande ouverte.
— Je vous envoie un message dès que je serai arrivée.
— Y a intérêt !
Je leur adresse un dernier signe et remonte la vitre. Je prends quelques minutes le temps d'insérer un CD sur lequel sont gravées des musiques diverses et variées dans le lecteur. Les premières notes de I Put a Spell on You retentissent instantanément dans l'habitacle. J'émets un rire nerveux, le corps parcouru d'une pluie de frissons tandis que des images de mon patron émerge dans mon esprit.
Je secoue furtivement la tête et jette un coup d'œil dans le rétroviseur. Bobby et ma mère s'avancent dans la rue en me faisant coucou avant de disparaître de mon champ de vision, au moment où je tourne à l'angle. Prenant une grande inspiration, je monte le son et augmente un peu la vitesse, le cœur trépignant d'excitation et d'impatience.
Et voilà. Je suis partie.
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I must admit I thought I'd like to make you mine,
As I went about my business through the warning signs,
End up meeting in the hallway every single time,
And there's nothing we can do about it.
Harry Styles-Only Angel
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La route jusqu'à New York est totalement déserte. J'arrive dans la ville en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Cependant, l'accès à la propriété louée par le père de Zac s'avère être plus compliqué. Je m'arrête quelques instants sur une place de livraison, les feux de détresse allumés, le temps de rentrer l'adresse dans mon GPS. Woaw. Les Hamptons au nord-est de l'île, carrément. Je jette un coup d'œil rapide à l'itinéraire et reprends la route. Le trafic new-yorkais est tellement dense qu'il me faut une bonne heure supplémentaire pour rejoindre le lieu de rendez-vous. Et lorsque j'arrive enfin, il me faut quelques minutes pour m'assurer que je ne me suis pas trompée d'adresse. L'endroit est tellement grand et luxueux...Je n'ose imaginer combien le père de Zac a dû investir pour l'obtenir pour la soirée.
Une grande maison style cottage anglais, composée d'un rez-de-chaussée et de deux étages dont les grandes vitres donnent vue sur la mer juste en face. Les arbustes et le grand grillage qui partent de l'arrière de la maison me laissent supposer qu'il y a probablement la piscine, le jardin et peut-être même le terrain de tennis privé qui vont avec.
Je sors de ma voiture, un peu impressionnée par la beauté et la somptuosité du lieu. Si les propriétaires de cette demeure voyaient que des gens comme moi ont été invités à l'anniversaire qui y est organisé, ils feraient probablement une syncope sur place. Clairement.
— Bree !
La voix de ma meilleure amie me sort de mes pensées. Je cligne rapidement des yeux, subitement rappelée à la réalité. Je m'empresse de récupérer mes affaires et de verrouiller ma voiture tandis qu'elle vient à ma rencontre. Nous échangeons une étreinte furtive, bien que cela ne fasse que quelques heures que nous nous sommes séparées au lycée. Je la suis jusqu'à l'intérieur de la maison où nous retrouvons Brit et Becca. Les filles me conduisent jusqu'à une immense chambre dans laquelle ont été installés cinq matelas gonflables en plus du grand lit baldaquin, recouvert de draps et de coussins, qui trône au centre de la pièce.
— Les garçons, toi et nous allons dormir ici cette nuit si ça te va, m'explique Fanny.
J'acquiesce d'un signe de tête, un sourire au coin des lèvres.
— C'est parfait.
— Tu devrais voir le reste de la propriété, c'est vraiment extra !
— Malheureusement, ce sera pour une autre fois, il est déjà huit heures moins dix et nous devons encore nous préparer pour la fête, la coupe Brit.
Fanny pousse un soupir tout en levant les yeux au ciel. J'émets un rire discret amusée par sa réaction une fois de plus digne d'une véritable Drama Queen.
— Aller toutes dans la salle de bain ! s'exclame Brit en frappant dans ses mains.
Mes amies récupèrent tout le nécessaire pour leurs préparatifs pour la soirée. J'en fais de même, en profitant pour écrire un message à ma mère et Bobby afin de leur dire que je suis bien arrivée et que tout va bien.
— Bree magne-toi !
— Oui, j'arrive !
Je remets mon téléphone dans la petite poche intérieure de mon sac réservée à cet effet puis rejoins rapidement mes amies. La musique retentit à travers la grande maison me faisant sursauter. Le son est tel que c'est presque comme si nous étions en boîte de nuit. Je laisse échapper un rire furtif en reconnaissant les premières notes de la chanson Dangerous Woman d'Ariana Grande.
— L'état spirituel de Bree une fois qu'elle aura eu l'occasion de passer un peu de temps avec Mr. Dieu du Sexe, plaisante Brit.
Je tente de réprimer le sourire qui se dessine sur mon visage malgré moi. N'importe quoi. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre. Les filles se mettent à chanter. Je lève les yeux au ciel, de plus en plus amusée. Fanny s'approche de moi, le mode Chat Botté activé afin de m'amadouer pour que je me joigne à leur chorus improvisé. Bon, aller. Après tout cela ne coûte rien de se laisser aller un peu pas vrai ? Au contraire. On ne vit qu'une fois.
Les filles et moi nous époumonons en chœur. La phrase : « All that you got, skin to skin, oh my God, don't you stop boy » résonne dans la pièce autour de nous. Nous chantons si fort que je suis prête à parier que l'on peut nous entendre depuis le rez-de-chaussée et les étages supérieurs, voire même depuis le jardin. Je plains les personnes qui sont déjà là et qui doivent assister à notre concert improvisé. D'autant plus que nous ne nous en arrêtons pas là.
Les chansons ont beau s'enchaîner et nous avons beau être en plein préparatifs pour ce soir, cela ne nous empêche pas pour autant de garder le rythme. De Hold My Hand de Jessie Glyne, Symphony de Clean Bandit et Zara Larsson, Dance Monkey de Tones&I, So Am I d'Ava Max ou encore Love Me Like You Do d'Ellie Goulding, pas une chanson ne nous échappe, contrairement au temps. Je me laisse tellement absorbée par l'instant présent que ce n'est qu'une fois que nous sommes prêtes et que nous rangeons nos affaires que je prends conscience de l'heure qu'il est.
Neuf heures moins dix. Je jette un coup d'œil rapide à mon reflet dans le miroir, inspire et souffle un grand coup puis retourne dans la chambre.
Tenue du soir : robe noire moulante avec un décolleté en V à l'avant et à l'arrière, des manches courtes légèrement ondulées et une ceinture au niveau de la taille. Paire de ballerines, plus pratiques que des chaussures à talon pour danser, cheveux attachés en un demi-chignon tressé et touche de maquillage sur mon visage.
— Si tu n'arrives pas à trouver un mec d'ici la fin de la soirée, alors ça voudra vraiment dire que tous les jeunes hommes célibataires ici présents sont aveugles, me charrie Becca.
— Ne va pas chercher à la mettre en couple alors que Monsieur Stanford ne l'a pas encore prise sur son bureau, intervient Fanny.
Je manque de m'étouffer de travers suite à la remarque de ma meilleure amie. Pitié, ne me dîtes pas que nous sommes reparties pour un tour.
— Aller ça y est, maintenant à cause de toi elle va avoir de drôles de fantasmes en tête pour le reste de la soirée, soupire Becca.
— Euh...
— Mesdemoiselles ?
Les filles et moi nous retournons, surprises. Mon regard se pose sur un jeune homme grand et musclé, aux yeux d'un beau bleu-gris et aux cheveux ébènes avec quelques mèches de rouge. Look rock mais classe.
— Comme quoi tout peut se mélanger dans la vie, souffle Fanny d'une voix imperceptible.
Je lui donne une tape sur le bras, sachant pertinemment que cette remarque m'était destinée.
— Derek ! Tu tombes bien ! s'exclame Brit,
Le jeune homme émet un petit rire croisant les bras derrière le dos.
— Zac m'a dit que je pourrais me rendre utile ici, mais il ne m'a pas dit comment.
— Effectivement. Ton frère pense vraiment à tout.
Son frère...
— Aurais-tu l'amabilité d'escorter Bree au rez-de-chaussée ?
— Bien sûr.
Il se tourne vers moi, sourire aux lèvres, son regard plongé dans le mien. Séduisant, certes. Malheureusement mon esprit est bien trop occupé avec les souvenirs d'un certain autre jeune homme pour que cela ne me fasse quoi que ce soit.
— Brianna ?
Je cligne des yeux, secoue furtivement la tête. Derek se tient devant moi, le bras positionné de façon à ce que je puisse m'appuyer dessus. Je m'en empare, timide mais à l'aise. Sa tchatche et son naturel m'aide à me détendre si bien qu'une fois en bas, nous optons pour nous installer au bar du grand salon transformé en salle de danse pour la soirée, plutôt que de rejoindre son frère en pleine discussion avec tout un groupe de jeunes. La musique retentit aux quatre coins de la pièce nous obligeant à forcer un peu sur la voix.
— Un verre ? me propose-t-il en faisant signe au serveur.
— Pourquoi pas mais je suis mineure.
— Et à une fête dans l'une des maisons les plus importantes des Hamptons donc tu peux te bourrer la gueule !
Je ris amusée par sa franchise.
— D'habitude ce n'est pas mon genre mais puisque c'est si bien présenté, je ne dis pas non.
Ses lèvres s'étirent en un grand sourire.
— Parfait.
Je décide d'opter pour l'effet de surprise et le laisse commander les boissons pour nous. En moins de cinq minutes, nous nous tournons l'un face à l'autre, nos verres de Whisky Coca en main.
— A cette belle soirée ! s'exclame-t-il tandis que nous trinquons.
J'acquiesce enthousiaste. Oui. A cette belle soirée. Cette belle soirée qui passe à grande vitesse sans que je ne m'en rende compte. Deux heures plus tard, Derek et moi sommes toujours assis au bar à discuter de tout et de rien, après avoir fait une pause pour danser sur la Macarena, le Mr. Jack, quelques chansons de David Bowie ou encore la chanson Jailhouse Rock d'Elvis Presley.
Derek est vraiment épatant. Il danse tellement bien que je n'ai rien eu à faire en dehors de me laisser guider. Nous avons même failli nous embrasser. Mais c'était bien évidemment sans compter sur les images de ce matin et du presque b****r avec Mr. Stanford, ou même tout simplement l'arrivée de Fanny et Becca qui ont décidément le don pour tomber au bon moment.
— HariStanfordestlàmeuf, me dit Fanny.
Je lui adresse un regard confus, l'esprit bien embrumé par les Whisky Coca et les White Russian que j'ai avalé.
— Qui ça ? je demande.
— Hari Stanford, répète-t-elle criant presque.
Je frissonne. Mon cœur se met à faire de vives embardées dans ma poitrine. Mon corps s'enflamme. Le temps de quelques instants je me demande si j'ai bien entendu ou si c'est juste l'alcool et la fatigue de la semaine qui commencent à me jouer des tours. Mr. Stanford ici ? Non, impossible. C'est sûrement le brouillard qui leur est monté à la tête à elles aussi. Quoique, si je m'en fie à leur expression sérieuse, peut-être pas.
Ha. Ha. Ha. Supercalifragilistexpialidocious.
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