Chapitre 1

730 Words
Chapitre 1Les pièces étaient arrivées ce matin. Le Musée archéologique de l’Université de Genève fêtait les cent cinquante ans de la naissance du célèbre égyptologue genevois Nicolas Blondel. Une grande rétrospective de sa vie et de ses campagnes de fouilles de Deir el-Bahari, près de Louxor, y était organisée. Michael Kappeler travaillait depuis plusieurs mois au musée, en collaboration avec Laurianne Jaccard, conservatrice et amante occasionnelle. Cette dernière lui avait demandé de compléter l’exposition avec des documents d’archives ayant appartenu à Blondel pour donner un certain relief à la rétrospective de la vie de l’égyptologue. Michael s’éclatait. L’ambiance au musée était plus stimulante que celle des archives de l’Université et son travail passionnant. Il avait sélectionné des parties du journal de fouilles du Genevois ainsi que la correspondance qu’il entretenait avec les égyptologues éminents du tournant du XXe siècle, comme Gaston Maspero, directeur du Service des Antiquités au Caire, ou encore Edward Carter et Jacques De Morgan. Des projections de relevés de ses campagnes de fouilles et des photographies venaient agrémenter l’exposition. Michael assistait au déballage des pièces archéologiques empruntées pour l’occasion. L’effervescence était à son comble. Les vitrines étaient prêtes et n’attendaient plus que les objets. Comme à son habitude, Laurianne gérait d’une main de maître la mise en place des antiquités. Cette étape était toujours délicate. La sécurité était allégée afin de faciliter le transfert du carton de protection à la vitrine et le personnel n’était jamais à l’abri d’une mauvaise manipulation pouvant entraîner un dommage irrémédiable. Grâce à son réseau, elle avait réussi à faire parvenir dans son modeste musée des pièces en or et en céramique d’une grande valeur appartenant au British Museum. Le transport et les assurances lui avaient coûté une fortune, mais les objets allaient attirer un large public et une notoriété dont elle n’était pas peu fière. Michael transporta délicatement une caisse d’ouchebtis, statuettes votives permettant au défunt d’accomplir les tâches quotidiennes dans le monde des morts, et les plaça une à une dans une vitrine qui leur était dédiée. Les manipuler lui procurait une vive émotion. Elles semblaient si vulnérables. Il ne savait pas comment elles avaient réussi à rester intactes durant plusieurs millénaires. D’un simple geste malencontreux, elles pouvaient redevenir poussière. Cette simple pensée le fit frémir. Une fois les statuettes à l’abri dans leur vitrine, il descendit dans le dépôt. La salle était déserte. La plupart des employés prenaient leur pause déjeuner. Son ventre émit une longue plainte. Un petit ravitaillement ne serait pas du luxe, mais comme il se trouvait déjà au sous-sol, il décida de faire un dernier voyage avant de manger. Accroupi, il déballa délicatement une petite statue en terre cuite et la contempla. Son visage finement sculpté possédait encore des fragments de pigments au niveau des yeux et des lèvres, donnant l’impression qu’elle était dotée de vie. Une merveille. Il la reposa dans sa boîte pour ne pas l’abîmer. Il entendit soudain un mouvement dans l’escalier. Un de ses collègues avait sans doute terminé sa pause. Michael referma la boîte et se releva, faisant craquer les articulations de ses genoux. Les pas s’approchèrent. Michael se tourna pour sortir, mais une personne vêtue de noir surgit devant lui. Surpris, il fit un pas en arrière, agrippant fermement ce qu’il portait. L’intrus leva un objet allongé et, avant que Michael ne pût réagir, l’abattit sur l’archiviste. Une douleur foudroyante irradia son crâne. Sa vue se brouilla et il s’effondra. Au loin, il entendit une statuette se briser. Ou était-ce lui ? Puis le silence l’enveloppa. Aphrodite, star de Malibu Le Monde, Roland-Pierre Paringaux et Emmanuel De Roux, le 7 août 1997 ExtraitLe 6 mars 1997, le professeur Guzzo, responsable du site de Pompéi, fait le point sur une affaire qui témoigne de l’aplomb des tombaroli, les pilleurs de tombes italiens. Les carabinieri viennent en effet d’arrêter trois hommes qui avaient entamé une fouille clandestine à moins de 100 mètres de la clôture du domaine archéologique. Pour oeuvrer en paix, les pilleurs avaient tout bonnement élevé une baraque en parpaings. À l’abri de ces murs, ils avaient commencé à creuser un puits, suivi d’une galerie pour explorer et dépouiller paisiblement les vestiges d’une villa romaine. Les tombaroli sont aussi nombreux en Étrurie. Là, ce sont les tombeaux étrusques qui sont l’objet de leurs convoitises. La corporation, aussi vieille que l’art lui-même, recrute chez les agriculteurs, les ouvriers du bâtiment et les petits commerçants qui arrondissent ainsi leurs fins de mois. Leur clientèle est souvent régionale : « En Italie, le mythe de l’Antiquité classique est encore très fort, constate le professeur Guzzo. Un certain nombre de médecins, d’ingénieurs, d’avocats, aiment avoir dans leurs bureaux quelques antiquités, brevets d’authentique culture. »
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