Chapitre 4Quatre jours, quatre interminables journées que Michael était prisonnier de son lit d’hôpital. Il n’en pouvait plus. La nourriture était infecte, le matelas inconfortable et il s’ennuyait ferme. Le moment de plier bagage était donc arrivé. Il arracha son goutte-à-goutte et s’assit sur le lit. La douleur le lança et sa vue se troubla, mais il n’y prêta aucune attention. Il ramassa les habits accrochés dans le casier de sa chambre. Sa chemise n’était pas lavée, des taches de sang coagulé maculaient le col. Tant pis, c’était de toute manière mieux que sa chemise d’hôpital. Il enfila son pantalon et ses chaussures, puis partit sans se retourner. Les infirmières, trop occupées, ne prêtèrent aucune attention à l’homme qui marchait le long du couloir, un bandage lui recouvrant la tête. Que c’était bon de respirer à nouveau la brise polluée de la ville !
Son appartement ne lui avait jamais semblé si accueillant, malgré le désordre qui y régnait. Affamé, Michael jeta un paquet de pâtes dans une casserole d’eau bouillante et alla chercher au fond du frigo un reste de sauce tomate. Pour l’allonger, il ouvrit une boîte de thon qu’il versa dans la sauce et fit mijoter le tout. Il y ajouta un peu de poivre et de tabasco. Un véritable festin.
Une fois le repas terminé, il déposa négligemment la vaisselle dans l’évier avant de s’offrir une bière. L’effort avait attisé son mal de tête. Affalé confortablement au fond de son canapé, il commençait à sentir le sommeil l’envahir quand on frappa à la porte. Il se releva en gémissant.
Jeanne se tenait sur le palier, agitée.
– Tu as quitté l’hôpital sans avertir personne !
– Je ne supportais plus de faire le légume.
– Tu n’es pas encore en état de sortir.
– Je suis libre de faire ce que je veux, s’irrita Michael. Je vais très bien.
– Si tu le dis… Tiens, tes médicaments. Les infirmières m’ont immédiatement contactée en découvrant ton lit vide. J’ai négocié avec le médecin. Il t’a fait une ordonnance. Au moindre souci, tu devras immédiatement retourner à l’hôpital.
– Tu es une vraie mère poule... Tu as faim ? Il me reste un peu de pâtes au thon.
– Pourquoi pas ? Je n’ai rien avalé de la journée.
Michael retourna à la cuisine, remit la casserole sur le feu et alla chercher une nouvelle bière.
– Tu ne devrais pas boire, lui reprocha-t-elle.
– Arrête avec tes ordres. Dis-moi plutôt si vous avez une piste.
– On y travaille. Ta cuisine est toujours aussi délicieuse, dit-elle en réprimant une grimace.
– Nous voilà à nouveau embarqués sur le même bateau, comme au beau vieux temps… Cette fois par contre je suis la pauvre victime et non le suspect. J’ai eu quand même plus de chance qu’Adrien1. Je suis toujours vivant. Vous avez trouvé quoi ?
– Je ne peux pas discuter de l’enquête avec toi.
– Comme tu veux, mais je ne vois pas de quoi d’autre on pourrait parler.
Michael observa Jeanne avaler son repas. Son visage était pâle et ses yeux exprimaient une anxiété inhabituelle. Sa vulnérabilité la rendait séduisante. Il dut faire un effort pour ne pas la prendre dans ses bras. Avec elle, il ne savait jamais sur quel pied danser. Une fois, elle était tendre et la fois suivante, aussi froide qu’un glaçon. À quel jeu allait-elle jouer ce soir ?
Jeanne termina son assiette en silence, l’esprit confus.
– Tu m’as fait une sacrée frayeur. Ne recommence plus jamais cela.
– … C’est promis.
Elle but une longue gorgée de sa bière puis s’enfonça dans le canapé.
– Quatre pièces de la collection Blondel ont disparu, lança-t-elle rapidement. Trois statuettes en terre cuite et une autre en moins bon état. Les pièces de plus grande valeur qui appartiennent au British Museum n’ont pas été touchées.
– C’est tout ?
– Oui… d’après la conservatrice, ce ne sont pas des pièces majeures.
– Étrange. Je ne comprends pas pourquoi les voleurs ont pris autant de risques pour si peu. Ça n’a aucun sens…
– La conservatrice est formelle. Seuls ces quatre objets sont manquants.
– Qui est officiellement sur l’enquête ?
– Castiglioni et moi enquêtons sur l’agression. Pour le vol, c’est la Brigade des vols et effractions qui est sur le coup. Matthias Longjean, je t’en ai parlé à l’hôpital.
– Un spécialiste des vols d’œuvres d’art ?
– Non, mais il est compétent. En Suisse, nous avons le Fedpol2, mais le nombre de spécialistes est restreint, contrairement à l’Italie, qui possède une brigade forte et très présente sur le terrain.
– Je pense qu’il ne manquera pas de venir m’interroger, surtout si Castiglioni lui glisse un petit mot me concernant.
– Tu aurais dû voir sa tête quand il a découvert l’identité de la victime, sourit Jeanne. T’avoir à nouveau dans les pattes ne le transporte pas de joie.
– D’autant plus que je n’ai pas l’intention de rester là sans rien faire. Je retrouverai le s****d qui m’a fracassé le crâne. Je dois découvrir pourquoi il a choisi de prendre ces pièces… Il me faut l’inventaire complet des objets. Une recherche historique concernant ces antiquités nous mettra peut-être sur une piste.
– Ne t’ai-je pas dit que nous avons la situation en main et que tu n’as pas à t’en mêler ?
1. Voir Le Jugement de Seth.
2. Office fédéral de la police.