Chapitre 6

734 Words
Chapitre 6Une sorte de torpeur régnait dans le musée. La police interdisait toujours l’accès au dépôt, la mise en place de la future exposition était donc suspendue. Les collègues de Michael déambulaient sans but précis, en tuant le temps comme ils le pouvaient. Dissimulé derrière son écran, Michael observait avec curiosité leurs allées et venues. Richard, le photographe, s’était assoupi, caché derrière une plante verte qui mangeait la moitié de son bureau. Le professeur Fioramonti, grand maître des lieux, avait fait une brève et bruyante apparition. Le cambriolage l’avait mis dans un état d’agitation extrême. Cela se traduisit en cris et insultes en tout genre. Heureusement, il s’essouffla rapidement et disparut aussi vite qu’il était apparu. Florian, le stagiaire, avait fui à la cafétéria pour y boire un café et fumer une cigarette. Seule Marion, l’assistante de Laurianne, semblait ne pas souffrir du manque d’activité. La pauvre femme courait sans cesse, sous les ordres tyranniques de sa patronne. C’était une femme extravagante, au maquillage abondant et aux jupes à froufrous sorties tout droit de friperies. Chez elle, tout était généreux : ses formes, son caractère, les pâtisseries qu’elle apportait régulièrement ou les histoires qu’elle aimait raconter. Michael l’imaginait vivre dans une maison aux murs colorés remplie de fleurs, sentant le biscuit chaud, en compagnie d’un chat obèse et câlin. La parfaite antithèse de Laurianne. Contre toute attente, elles s’entendaient bien, même s’il arrivait parfois qu’une crise explose, comme c’était le cas aujourd’hui. Les heures défilaient sans que Michael ait osé entreprendre quoi que ce soit. Il était temps d’agir. Son objectif : mettre la main sur l’inventaire de la salle de dépôt qui se trouvait dans le bureau de Laurianne. Il profita de ce que son amie courait après le policier et avait quitté momentanément son bureau pour s’y engouffrer discrètement. Le bureau était le reflet parfait de sa propriétaire. Chaque objet possédait une place bien définie. Les stylos étaient alignés et classés par taille et catégorie ; les classeurs rangés par ordre alphabétique. Pas une poussière ne perturbait l’ordre établi. L’inventaire devait être facile à trouver dans un tel endroit. Par contre, ne laisser aucune trace de son passage allait être plus délicat. Il fouilla rapidement la pièce, vérifiant régulièrement que Laurianne ne revenait pas. Il trouva finalement la liste dans un tiroir, rangée dans une housse en plastique. Il prit le document et sortit. Installé sur la terrasse de La Clémence, le soleil lui réchauffait agréablement le dos. Rien de tel qu’un petit rafraîchissement après une mission bien accomplie. Michael commanda une pression et sortit l’inventaire de son sac. Il comportait la liste de tous les objets de la salle de dépôt, accompagnée d’une courte description de ceux-ci et de leur provenance. Les pièces issues des fouilles de Nicolas Blondel, qui appartenaient pour la plupart au musée d’art et d’histoire de Genève, se trouvaient sur une page à part. Laurianne y avait souligné les objets manquants. Comme Jeanne le lui avait expliqué la veille, il s’agissait de trois ouchebtis en terre cuite d’environ 15 cm de hauteur. Ces statuettes représentaient le défunt, emmailloté comme une momie, les bras croisés sur la poitrine. Selon leur description, elles étaient dans un excellent état de conservation. On y voyait encore quelques traces de peinture qui mettaient en valeur la délicatesse du visage du défunt. Mais l’usure du temps avait effacé toute inscription éventuelle. De belles antiquités sans être exceptionnelles, comparées à d’autres qui se trouvaient dans le dépôt. La quatrième pièce volée représentait une statuette de 39 cm de hauteur, aussi en terre cuite. Son visage était presque entièrement effacé et son corps façonné sans grande finesse. Il avait beau lire et relire la description des objets volés, Michael ne comprenait toujours pas le choix du cambrioleur. Il n’était pas plus avancé qu’avant. Enquête sur l’étrange pillage du musée de Bagdad Libération, Christophe Ayad, le 26 avril 2003 ExtraitLorsqu’il est entré dans la deuxième salle du rez-de-chaussée, celle réservée à l’art sumérien, Donny George s’est affaissé doucement et il est resté là, assis par terre, de longues minutes en silence. Les gardiens qui l’accompagnaient n’ont pas osé le tirer de sa prostration. « C’était ma pièce favorite, celle que je préférais », explique le directeur général des recherches et des études du Musée de Bagdad. À la place du vase de Warka, juste au-dessus de la base de gypse (pierre à plâtre) qui est encore là, le néant, du vide, rien. Le précieux vase sumérien a été emporté par des voleurs lors du pillage du Musée archéologique de Bagdad durant lequel des centaines, peut-être des milliers d’objets d’une valeur inestimable ont disparu, tandis que quantité d’autres ont été saccagés, vandalisés comme par pur désir de destruction.
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