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Leonis Tenebrae

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Les aventures d'Adam Leroy, astrophysicien et soigneur de fauves dans un zoo slovaque.

Quelle est cette singulière trajectoire qui amène un jeune et brillant astrophysicien à soigner des fauves dans un zoo Slovaque ? Adam Leroy aime son travail, et il n’en changerait pour rien au monde ! Et pourtant… L’univers de ce rasta aux dreadlocks rousses est sérieusement ébranlé quand les griffes du lion Hastur se font menaçantes. Les événements qui en découlent l'obligent à fuir aux quatre points cardinaux, et à s’interroger sur sa véritable identité, et celle de ses proches... Il lui faut des réponses, et elles seront synonymes d’initiation. Seront-elles dans l'irrévérence d’un homme d’Église, son inquiétant tuteur, le père Krakov ? Où sur le visage de sa fiancée, la troublante Alizée ? À moins qu’elles ne soient dans les machinations de « LEONIS TENEBRAE » une redoutable et mystérieuse organisation sectaire. Et le feulement des fauves est si plein d’enseignements… La fosse aux lions n’est qu’une étape, le point de départ d’une aventure hallucinante en Europe, en Afrique, et au Canada. Isidore Marlin, un vieux policier en disgrâce, ignore que ses pérégrinations s’accorderont avec le rythme des étoiles. Pourtant la conjonction est si proche... Parviendra-t-il à éviter l’inévitable ? L’auteur nous plonge dans une enquête haletante, jalonnée par les rites mystérieux des messes noires antiques, mais... Aurez-vous l’audace de vous engager sur ce chemin sulfureux ?

Découvrez une enquête haletante, jalonnée par les rites mystérieux des messes noires antiques.

EXTRAIT

Trois chocs discrets à la porte. C’était Adam ! Ivan Ondrusov était calé dans son fauteuil, face à l’entrée. Il posa ses mains à plat sur le bureau d’acajou. Rapide coup d’œil au miroir mural. Sourire satisfait. Il s’éclaircit la voix discrètement, se préparant à un entretien en français, la langue de son épouse. Cela ne lui posait pas de difficultés, au contraire… Il aimait les intonations latines ; il y voyait une préciosité conforme à son image de chef. Le soigneur l’intriguait. Il avait relu rapidement son dossier, et il ne comprenait pas comment un parisien diplômé en astrophysique avait pu échouer dans un zoo slovaque. Le lien entre l’observation stellaire et le nettoyage d’excréments ne tombait pas sous le sens ! Cette énigme le mettait sur la défensive… Il n’oublia pas de crisper ses mâchoires avant de crier l’ordre d’entrer, un ultime détail pour incarner l’autorité. Adam entra, referma la porte derrière lui. Il se présenta devant le bureau, le dos légèrement ployé, ses dreadlocks dansant sur ses épaules. Au premier abord, le directeur interpréta cette attitude comme une marque de soumission, mais il lut autre chose dans le regard gris de l’employé. Du calme, de la distance, avec un soupçon d’ironie. Mauvais début ! Ivan Ondrusov l’interpella d’un ton rogue.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-François Thiery travaille dans l’industrie automobile. Il réside en France, en Franche Comté. Il commence à écrire en 2009, et fait publier des romans et des nouvelles. Leonis Tenebrae est son troisième thriller paru en collection Rouge chez Ex Æquo.

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Chapitre 1-1
Chapitre 1 * 1 * Des feulements sourds résonnaient dans l’enclos. La basse continue était entrecoupée de halètements, de bruits humides. Des filets de salive coulaient le long des babines. Le lion se déplaçait d’un mur à l’autre, dans un mouvement circulaire, sans hâte. Il avait une oreille cassée. Sans doute les séquelles d’un combat… Sa démarche était souple ; les muscles de ses pattes roulaient sous la robe marron. Impérial, il dégageait une impression de calme indifférence. Trop calme, et trop indifférent pour la dizaine d’enfants pressés contre la grille. Le groupe piaillait, gesticulait. Les plus excités pestaient contre la placidité du félin. Dans un concours interclasses, ces collégiens de Bratislava avaient remporté un cadeau de choix : une visite au zoo de la capitale slovaque. Au final, quelle déception ! Tous en rêvaient de ce monstre aux crocs impressionnants, le nouveau pensionnaire de l’établissement. Ah, non ! Ils n’allaient pas se laisser faire ! Il n’était pas question de quitter la ménagerie sans avoir assisté à un spectacle digne de sa réputation ! Cette bête de deux cents kilos devait rugir, sauter, essayer de les attraper ! Ils voulaient frissonner de plaisir devant la hargne du fauve. La barrière électrifiée grésillait. La certitude d’être protégés les enhardissait ; ils lançaient de petits cailloux dans l’enclos. Le lion Hastur restait impassible. Il poursuivait ses déambulations, sous le regard attentif du reste de sa famille. Dès l’arrivée des enfants, les trois femelles s’étaient regroupées au fond de l’enclos. Les pattes jointes, le mufle haut, elles observaient la scène en silence. Deux lionceaux se tenaient à l’affût derrière la femelle alpha ; ils sentaient un danger. Malgré leur jeune âge, leurs aînés leur avaient déjà enseigné un élément essentiel de leur vie de prédateur : l’absence de rugissements n’était pas toujours de l’indifférence. Parfois, elle était le signe d’une colère contenue, un combat imminent. Hastur attendait le bon moment. Un observateur avisé aurait trouvé suspect le raclement des griffes sur le béton. Elles étaient sorties de leurs fourreaux, prêtes à déchirer des chairs imprudentes. Dans son déplacement, la tête du fauve restait orientée vers le groupe de collégiens. Chez les jeunes, personne ne s’effraya du regard léonin. Deux têtes d’épingle dans deux cercles sur fond jaune. Anodins, presque deux yeux de nounours. Pourtant, ils ne cillaient pas, braqués sur le plus grand de la b***e, un blond au visage couvert d’éphélides. Ses voisins l’appelaient Youri ; il était le meneur. Sa voix était grave ; son amplitude couvrait celles des autres. Il avait été le premier à ramasser des cailloux, et à les lancer dans l’enclos. Le jeu était plaisant ; la plupart le suivirent. Quand il prenait son élan, son corps se penchait en avant, bien au-delà de la zone de sécurité. Il visait Hastur, sans réaliser un instant qu’il était lui-même une cible. Une petite fille le secoua par la manche. Effrayée, elle lui criait d’arrêter. Ce n’était pas bien ! Madame Ivanovna était partie acheter des cartes postales. Leur professeur allait revenir d’un moment à l’autre ; elle allait être fâchée. Sûr ! L’adolescent dépassait l’enfant d’une tête. Il haussa les épaules avec désinvolture. Pfff… Avant qu’elle ne revienne, il aurait bien réussi à lui tirer un rugissement à ce gros fainéant... D’un moulinet d’épaule, il se dégagea, puis empoigna un galet. Il en choisit un gros, de la taille d’un œuf de pigeon. Avec ça, il allait forcément réagir ! Il le lança de tout son corps. Trente paires d’yeux accompagnèrent le projectile. Le jet manqua la tête de quelques centimètres ; il termina sa course aux pieds des femelles, immobiles. Cris de dépit ! Quelle guigne ! Youri jura plus fort. Dans son mouvement, sa sacoche s’était détachée de son épaule ; elle chuta avec un bruit mat dans l’enclos, à l’aplomb des collégiens. L’intrusion n’avait pas échappé à Hastur. Le fauve s’arrêta net. Un quart de tour, et il se coucha face aux enfants, le mufle dressé. Un silence gêné s’installa. Plusieurs voix chuchotaient qu’il fallait demander de l’aide, appeler madame Ivanovna. Qu’y avait-il d’autre à faire ? Youri secoua la tête d’un air têtu. Ah, ça non ! Quelle honte… Il s’était assez ridiculisé avec ce tir maladroit ; il n’allait pas en rajouter avec des pleurnicheries dans les jupes de sa prof ! Il avait remarqué une porte en fer forgé, à un mètre de sa sacoche ; elle devait être la voie d’accès des soigneurs. Le lion était beaucoup plus loin, au moins à dix mètres. Paresseux comme il l’était, un cul-de-jatte aurait le temps de pénétrer dans l’enclos, d’agripper la lanière, et de ressortir avec le sourire. Peut-être aurait-il même le temps de lui faire un pied de nez au passage ? Le public adorerait ! Chez les collégiens, les réactions étaient mitigées. Elles étaient partagées entre la peur du danger, et l’attrait de l’interdit. L’inconscience l’emporta. Déterminé, l’adolescent descendit en quelques enjambées les marches. Hastur ne bougeait pas. Des mouches couraient sur ses babines, mais il ne les chassait pas. Près de la porte, une desserte roulante était plaquée contre le mur. Des outils en émergeaient ; le soigneur ne devait pas être loin. Un coup d’œil à la serrure. Une clé était engagée ; un porte-clés en forme de lion oscillait sur son axe. Quelle chance ! Elle ne durerait peut-être pas, alors il fallait faire vite… Youri se dépêcha. Il tourna la clé. Claquement sec. C’était ouvert ! Il posa la main sur la clenche ; elle céda sans difficulté. Son pouls s’accéléra. Maintenant il devait y aller ! Coup d’œil derrière lui. Madame Ivanovna était encore au stand des cartes postales ; elle lui tournait le dos. Il regrettait presque qu’elle ne le remarquât pas. Finalement, cet acte de bravoure n’était peut-être pas une si bonne idée, et le veto d’un adulte serait une excellente excuse pour ne pas aller plus loin. Mais son professeur ne le regardait pas. Ce n’était pas le cas de ses camarades. Ils étaient restés en hauteur, et ils attendaient le dénouement avec une anxiété mêlée d’excitation. Il poussa la porte de quelques centimètres. Le fauve ne réagissait pas ; sous la robe marron, pas un muscle ne bougeait. Rapide évaluation. La sacoche était à moins d’un mètre. Pendant l’opération, il pourrait se replier en une fraction de seconde. De sa position, le lion n’aurait jamais le temps de lui sauter dessus. Aucun doute ! La menace était nulle... Youri s’enhardit. Il ouvrit le battant plus largement. Les gonds grincèrent, et il s’élança. Exclamations. En deux enjambées, il saisit la lanière, et rebroussa chemin. La porte se refermait déjà toute seule. Surpris, il l’agrippa pour agrandir l’accès. Les gonds rouillés résistèrent. L’ouverture n’était plus assez grande pour y glisser son corps. Il secoua frénétiquement les barreaux métalliques. Il ignorait qu’un mouvement plus doux l’eût libéré sans difficulté. En réalité, les brusques secousses accentuaient le blocage ! Il grogna en jurant. Coup d’œil en arrière. Hastur s’était levé. Il se rapprochait de lui, sans hâte. Il avait retroussé ses babines, dégageant des crocs luisants de salive. Les collégiens poussèrent des cris d’effroi. Hastur s’arrêta à quelques centimètres de l’adolescent. Il se coucha à nouveau, haletant. Youri s’effondra en pleurant ; ses pieds effleuraient les larges griffes. Il était perdu ! Soudain une silhouette apparut derrière la grille, un homme coiffé à la mode rasta. Ses mèches étaient rousses, la couleur de la crinière léonine. Sans crainte, il poussa le battant, en habitué. Il connaissait la façon de déjouer les pièges de la rouille. Le badge des employés sautait sur sa poitrine. Il entra dans l’enclos. Un pas en avant. Sans quitter des yeux le lion, il se pencha vers le collégien, et lui glissa quelques mots à l’oreille. Sa voix était étonnamment grave ; elle grondait. Youri se releva, électrisé. L’employé lui posa les mains sur les épaules, et l’accompagna jusqu’à la grille, sans tourner le dos aux bêtes. Il ne suivit pas son protégé au-dehors. Il s’approcha d’Hastur. Ses baskets s’immobilisèrent devant les griffes, et il s’agenouilla, le visage à hauteur de la gueule haletante. Presque tête contre tête, œil gris contre globes jaunes. Ils restèrent ainsi plusieurs secondes, immobiles, et muets. Puis l’homme quitta l’enclos à reculons, sans gestes brusques. Quand il referma la porte, Hastur se releva à son tour, et rejoignit le groupe de femelles. La tension retomba. Les collégiens s’animèrent. Ils applaudirent leur camarade, approchèrent pour voir de plus près le sauveur. Youri feignait la décontraction, essayant maladroitement de masquer la tache humide qui assombrissait sa braguette. Madame Ivanovna arriva enfin ; elle bouscula ce petit monde en vociférant. Elle venait de réaliser la situation. Elle se planta devant Youri, lui hurla qu’elle allait faire un rapport carabiné. Il allait voir ! Et maintenant, tout le monde dehors ! Allez, hop ! Elle s’attira des regards courroucés, des susurrements désobligeants, mais elle tint bon. Avec nervosité, elle poussa les collégiens vers la sortie. Ils l’avaient bien cherché, ne cessait-elle de répéter… L’homme roux sourit à la cantonade, mais il se tint à l’écart. Il ne voulait pas participer à cette scène collective, d’une manière ou d’une autre. Pour Adam Leroy, c’était fini. Il estimait n’avoir fait que son travail : prendre soin des fauves, et… leur éviter des ennuis ! Si Hastur avait blessé le garçon, il aurait été abattu, conformément à la procédure. Tournant le dos à la foule reconnaissante, il verrouilla la grille, ôta la clé. Il leva la tête, balayant les allées du regard. Il cherchait un visage. Un groupe de quatre employés du zoo approchait ; ils poussaient des poubelles sur roulettes. Parmi eux, une jeune fille s’immobilisa, laissant les autres s’éloigner. Elle portait la blouse orange des stagiaires. Le jeune homme faisait osciller la clé entre deux doigts ; il la tenait à hauteur de visage, près de ses sourcils arqués en accent circonflexe. Moue navrée. À l’évidence, elle l’avait oubliée. En embrassant la scène du regard, elle réalisa qu’un drame avait été évité de justesse. L’imprudente posa sa main sur la bouche, écarquillant de grands yeux. Elle s’en voulait. Elle s’approcha, la mine contrite… Il se contenta d’empocher la clé, et il lui tourna le dos, se dirigeant vers le parc aux cervidés. La stagiaire s’arrêta, interdite, hésitant sur l’interprétation de cette manœuvre d’évitement. Mépris, colère ? Peut-être les deux ? Elle rebroussa chemin à son tour, rejoignant ses jeunes collègues. Pour elle, l’incident était clos. Pas pour tout le monde… Au quatrième étage de la tour administrative, Ivan Ondrusov n’avait rien perdu de cet épisode. Les cris des collégiens l’avaient attiré à la fenêtre, et il avait manqué s’étrangler en voyant l’adolescent franchir la porte. Pendant quelques précieuses secondes, il s’était battu avec le téléphone, incapable de composer le numéro des urgences, ou de la police. Il ne savait d’ailleurs pas très bien qui alerter ! Derrière le jeune, il avait reconnu le soigneur, Adam Leroy… Cette intervention ne l’avait pas rassuré, au contraire ! Cet employé effacé n’avait pas le profil d’un héros, et le lion avait une mauvaise réputation… Quel con ! Le zoo allait se retrouver avec deux cadavres sur les bras… À présent, la zone était sécurisée, et personne n’avait été blessé. Un miracle ! Ivan Ondrusov porta la main à son col, et dénoua sa cravate avec nervosité. Il respirait encore avec difficulté. Le stress n’était pas très bon pour son asthme… Il était incapable d’expliquer ce qu’il avait vu. Comment ce petit français malingre avait pu tenir tête à ce fauve adulte ? La scène restait dans sa mémoire, comme une illusion mal digérée, ou une mauvaise blague. Moue suspicieuse. Mmmm… Ce soigneur était excentrique. Peut-être mêlait-il l’inconscience à des penchants suicidaires ? En tous cas, il avait une chance de tous les diables ! Il pesta. Il fallait tirer ça au clair ! Et ce gosse, comment avait-il pu pénétrer dans l’enclos ? Il avait deviné la réponse quand Adam avait agité la clé devant la jeune fille. Il avait reconnu la longue chevelure ramassée en queue de cheval. Ah, Alizée… Son physique de danseuse, la douceur de ses traits, sa jeunesse… Bref, tout le portrait de sa propre femme, vingt ans plus tôt. Et avec le même manque de sérieux, lui semblait-il. D’un air décidé, il empoigna le talkie-walkie du zoo. Depuis sa nomination en qualité de directeur, Ivan Ondrusov avait acquis une solide réputation d’intransigeance, particulièrement sur les questions de sécurité. Ces deux-là allaient très vite en faire l’expérience ! * 2 * Trois chocs discrets à la porte. C’était Adam ! Ivan Ondrusov était calé dans son fauteuil, face à l’entrée. Il posa ses mains à plat sur le bureau d’acajou. Rapide coup d’œil au miroir mural. Sourire satisfait. Il s’éclaircit la voix discrètement, se préparant à un entretien en français, la langue de son épouse. Cela ne lui posait pas de difficultés, au contraire… Il aimait les intonations latines ; il y voyait une préciosité conforme à son image de chef. Le soigneur l’intriguait. Il avait relu rapidement son dossier, et il ne comprenait pas comment un parisien diplômé en astrophysique avait pu échouer dans un zoo slovaque. Le lien entre l’observation stellaire et le nettoyage d’excréments ne tombait pas sous le sens ! Cette énigme le mettait sur la défensive… Il n’oublia pas de crisper ses mâchoires avant de crier l’ordre d’entrer, un ultime détail pour incarner l’autorité. Adam entra, referma la porte derrière lui. Il se présenta devant le bureau, le dos légèrement ployé, ses dreadlocks dansant sur ses épaules. Au premier abord, le directeur interpréta cette attitude comme une marque de soumission, mais il lut autre chose dans le regard gris de l’employé. Du calme, de la distance, avec un soupçon d’ironie. Mauvais début ! Ivan Ondrusov l’interpella d’un ton rogue.

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