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2198 Words
« Quoi.. ? » Le grisâtre resta bouche bée face aux paroles de son père. Sa mère, quant à elle, semblait très sérieuse, il discerna sur son visage une légère inquiétude ; sans doute elle était aussi en accord avec son mari. « Mais pourquoi, Papa ? Je comprends pas. Ce n'est pas si grave..  Tenta Min Soo à nouveau. - Non, je l'ai décidé et ce sera comme ça. - Mais comment je vais faire pour rembourser et remplacer le miroir ? Et mon appartement, il faut bien que je le paie, aussi ! » S'exclama-t-il. Il avait un peu trop hausser le ton. « Min Soo, ne discute pas avec ton père.  Reprit sa mère, sa voix était stricte. - Mais vous allez quand même pas m'empêcher d'aller travailler juste pour ça ! - Min Soo, tu baisses d'un ton. C'est décidé et ce sera comme ça. » Coupa son père en se levant. Ses lèvres restaient entrouvertes, le jeune garçon fixa son géniteur s'en aller de la cuisine, puis, quelques secondes plus tard, sa femme le rejoindre. La solitude remplaça leur absence, le son de l'horloge résonna dans la pièce. Voilà. Le week-end venait à prendre fin, il était déjà dimanche soir, la nuit gouvernait à elle seule la ville. Min Soo avait comme prévu, dû expliquer tout ce qu'il s'était passé il y a de ça quelques jours, à ses deux parents. Bien sûr, il n'avait rien d'extraordinaire à dire, mise à part le fait que Min Soo cachait l'existence du pyromane. Pourquoi ? Parce que c'était vain. Plus de deux jours séparaient leur dernière rencontre, plus de deux jours où rien n'avait eu lieu. Sûrement mieux ainsi, d'ailleurs. Le jeune étudiant n'allait pas s'en plaindre, et de toute façon, ajouter un autre « problème », -s'il pouvait réellement dire ça comme ça- ne lui servirait à rien. Pourtant, contre toute attente, Min Soo ne s'attendait pas non plus à ce que son père lui interdise de travailler. Surprenant, presque inquiétant pour lui, d'ailleurs. Jamais son géniteur avait semblé être aussi à cran sur quelque chose, au point que le grisâtre se dise qu'il y avait une autre raison. Car son père semblait savoir. Mais quoi ? Et c'était sur ces pensées qu'il restait assis sur la chaise haute du bar de la cuisine, le regard plongé dans le vide, l'esprit occupé et torturé. Certes, Min Soo se doutait bien que ses parents allaient réagir vis-à-vis des événements qui avaient eu lieu, mais, pas jusqu'à ce point. Surtout que sa mère n'ajoutait rien, ne contestait en aucun cas les paroles de son mari. Ils savaient. Mais pas Min Soo. Un soupir s'échappa de sa bouche. Il en avait marre de se poser des questions stupides et qui ne menaient à rien. Il se releva sur ses jambes, un peu agacé sur les bords, et partit de la cuisine sans grande motivation. Quelques secondes plus tard, le jeune garçon arriva dans sa chambre, les traits de son visage affichaient une mine assez déconfite, il paraissait extrêmement déçu de s'être fait « viré » du restaurant pour une durée indéterminée. Comme s'il s'agissait d'une punition. C'était ça. Min Soo était puni. Privé de sortie après 20h, privé d'aller traîner dans la ville, privé d'aller travailler pour son propre intérêt. Et cela ne l'enchantait absolument pas. Il avait juste l'impression que ses parents ne voulaient lui laisser de la liberté, Min Soo avait déjà sa majorité et pouvait vivre seul s'il le voulait, ses économies étaient déjà assez élevées pour se permettre de vivre indépendamment. Mais sa mère ne voulait pas. Non, elle désirait qu'il reste un peu plus longtemps dans le nid familial, sûrement comme une mère poule ne voulant pas que son bébé chéri parte loin d'elle. Et cette idée ne plaisait aucunement à l'étudiant. Resté coincé toute sa vie à squatter chez ses parents, ce n'était pas vraiment son rêve. Comme presque tous les autres, lui aussi voulait partir et commencer à aborder sa vie d'adulte responsable, avec un loyer à payer, les taxes et autres choses enquiquinantes mais néanmoins qui le formaient de jour en jour à devenir un « bon citoyen », même si les injustices pouvaient se faire ressentir à certains moments, c'était ce qu'il voulait. Payer la nourriture, travailler parfois pour se permettre de s'offrir ou bien d'offrir des cadeaux, et étudier ce qu'il aimait, voilà ce que désirait faire Min Soo. Mais visiblement, ses deux parents ne semblaient pas réellement en faire part. Et il en restait un peu déçu, voire même fâché. C'est alors qu'il s'assit sur son lit, au bord du matelas. Son téléphone en main, il tapotait sur son écran à la recherche du numéro de sa Wendy, quand soudain, une notification apparu. Il fronça les sourcils en voyant s'afficher « meurtre » ou encore « cadavre retrouvé devant une université de science », et de suite, un lien s'était créé dans le cerveau du jeune garçon. Il appuya sans attendre sur ce qu'il se présentait comme étant un petit résumé sur l'affaire pas moins lointaine qui le concernait en partie. Son doigts défila le long texte qui parlait du crime, quelques témoignages apparaissaient aussi. Tout à coup, Min Soo repensa à la jeune fille qui avait été évacuée dans l'enceinte du bâtiment. Il continua de lire en diagonale les informations, recherchant d'un œil attentif cette histoire de témoin visuel qu'il avait lui-même pu entendre grâce aux deux étudiantes. Il continua sa recherche, et arriva à la fin de la page sans aucune autre information. Dubitatif sur ce qu'il avait lu, il remonta la page et la relit une seconde fois, mais rien d'autre n'apparaissait. Peut-être était-ce un témoignage bien trop important pour en informer les civils, c'est ce qu'il pensa sur le coup. Non, ça lui parut débile. Très très stupide, presque invraisemblable. Tout le monde, ou du moins, une très grande partie des étudiants avaient vu la fille sortir de la salle, tenue par deux vigiles, criant qu'elle avait été témoin d'un meurtre. Alors pourquoi ils.. « Arrgh ! J'en ai marre de cette histoire ! » Il venait de balancer son téléphone de l'autre côté de son lit. « Sérieux, c'est hyper chiant ! J'apprends que dalle ! Ça m'énerve ! » S'exclama-t-il en se levant. Une idée traversa sa tête ; le voilà qui reprenait presque aussi vite son portable pour le déverrouiller. Il se rassis, bien plus calme qu'il y a une petite seconde, et, les sourcils froncés et une envie débordante de comprendre, ses doigts s'empressèrent de taper dans la barre de recherche sur internet quelque chose d'assez vague. « Pyromane ». Il retapa. « Affaire de meurtre par brûlure Busan ». Ah ! Voilà quelque chose qui s'affichait. Min Soo cliqua dessus, il avait même rapproché l'écran de ses yeux, comme si ça allait l'éclairer spirituellement. La page internet chargea quelques secondes, puis, écran blanc. Rien. Que dalle. Site introuvable était marqué. Il réactualisa la page, une, deux, trois fois, même, mais rien. Rien. Strictement rien. La rage fulminait autour du grisâtre, son aura sembla même s'obscurcir et il posa doucement son téléphone à côté de sa cuisse, soupirant bruyamment en tenant sa tête entre ses mains. Une bonne douche ne pouvait que lui faire du bien. [...] « Je ne comprends pas. - Eh bien, moi non plus, figure-toi. » Wendy le fixa, les bras croisées sur sa poitrine. « Tu m'excuseras, mais c'est débile de la part de ton père. Ajouta-t-elle. Je ne comprends vraiment pas. » Min Soo souffla, les yeux fermés, le dos contre le mur du long couloir de l'université. Ils n'étaient pas seuls, bien entendu, presque tous les élèves qui devaient assister au cours de biochimie attendait patiemment le professeur qui n'était pas encore arrivé. « Il ne veut même plus en entendre parler, ça m'énerve. Je veux bien qu'il s'inquiète pour moi, mais là, ça ne fait qu'empirer mon état. J'ai plus l'impression qu'il me cache un truc qu'il ne veuille me protéger, et de je-ne-sais-quoi, d'ailleurs. Continua le garçon à sa meilleure amie. - Tu ne penses pas qu'il a décidé de t'arrêter pour que tu te reposes ? Tu sais, tu as pu délirer à cause du surplus de travail. Je te rappelle que parfois, tu dormais à peine 5 heures car tu finissais tard, au restaurant. » Il remonta le regard vers son amie, visiblement intrigué par ce qu'elle disait. Ce n'était pas faux, elle avait peut-être même raison. « Oui, c'est vrai. » Wendy sourit. « J'ai pas l'impression que ça te convainc tant que ça. Elle rit. - Je n'arrive pas à oublier l'idée qu'ils me cachent tous les deux un truc. Ils ont réagi trop durement, c'est presque étonnant de leur part. Comme s'ils voulaient me faire oublier cette histoire au plus vite, ou bien qu'ils ne veulent plus que j'en fasse partie. - Tu te fais trop idée, t'es carrément en train de psychoter, là, Min. Soupira la jeune femme. Tu commences à me stresser, moi aussi. - Mais c'est bizarre, tu ne trouves pas ? Mes parents n'ont jamais réagi ainsi. - Parce que ça ne t'es jamais arrivé, aussi. » Parce que ça ne lui était jamais arrivé. Elle marquait un point. « Peut-être. Il avoua. - Oh, arrête avec tes peut-être et dis toi que c'est ça ! Tu vas finir par devenir paranoïaque, mon pauvre. Pouffa-t-elle en levant les yeux au ciel. - N'empêche que.. - Min Soo, j'ai dit quoi. Elle coupa. - Un dernière chose, s'il-te-plaît ! » S'exclama-t-il, une moue au visage. Son amie le regarda, un rictus aux lèvres. Ce qu'il était mignon, quand il s'énervait. Elle avait même envie de se moquer de lui, tellement ça lui paraissait drôle. Elle roula les yeux d'une manière totalement insolente, avant de replonger son regard dans le sien, prête à l'écoute. « Vas-y, vas-y, je t'écoute. » Min Soo sourit, fier d'avoir réussi à l'amadouer. - « Tu as entendu de parler d'un pyromane, en ville ? Il y a eu un meurtre il a pas longtemps, juste à côté de l'université. C'est bizarre, parce que plus personne n'en parle. » Le sourire de Wendy retomba à la seconde. Ses yeux s'écarquillèrent, elle le fixait avec des gros yeux, comme si elle venait de voir un fantôme. « Quel meurtre.. ? » Cette fois, c'était au tour de Min Soo d'être surpris. Ses sourcils se froncèrent, et encore plus lorsque qu'il vit les étudiants à côté de lui s'être retournés, comme si eux aussi, n'avaient jamais entendu parlé de cette histoire. Un doute soudain apparu en lui, il se questionna lui-même sur ce qu'il s'apprêtait à dire. Mais.. Pourquoi tout le monde semblait avoir tout oublié ? « Mais, tu sais, il y a eu les flics et les ambulances qui sont venus.. Et même que je suis arrivé en retard au restaurant, l'autre jour. » Il continua. Il observait les gens à côté de lui le dévisager, comme s'il sortait des propos incohérents. « Mais, Min Soo.. Il n'y a jamais eu de meurtre, à l'université, qu'est-ce que tu racontes.. ? » Lança sa meilleure amie. Et il tomba des nues. Le grisâtre pâlit à la seconde, ses yeux transcendaient Wendy comme ils ne l'avaient jamais fait. Comme si soudainement, un poids s'était formé sur ses épaules, et qu'une porte s'était ouverte dans son esprit, ainsi qu'une multitude de questions. Rien n'allait. « Non, j'en suis sûr.. ! Ajouta-t-il. Il y avait un bouchon dans le couloir, j'ai parlé à deux filles qui m'ont expliqué la scène ! Si je les retrouve je te le dirais ! - T'es sûr que ça va, Min? Tu es tout blanc, on dirait que tu vas vomir.. S'inquiéta Wendy. - Bonjour, excusez-moi d'être en retard ! Commençons le cours, installez-vous vite. » Le professeur passa entre les étudiants, avant d'ouvrir la salle, faisant par la suite entrer tous ceux qui attendaient depuis une dizaine de minutes l'ouverture. Les élèves s'engouffraient alors à l'intérieur, oubliant par la même occasion l'intervention d'un d'entre eux, qui se trouvait à être Min Soo, et son histoire inquiétante. D'ailleurs, celui-ci resta bloqué un instant avant de pénétrer dans l'amphithéâtre, et partit se placer à son habitude, à sa place quotidienne. Wendy le suivait sans broncher, une certaine tension s'était créée entre eux. Il s'assit alors, sortit ses affaires les plus utiles sans jeter un autre coup d'œil à son amie. Il n'avait jamais été aussi perdu de toute sa vie. Tout se mélangeait dans sa tête, depuis la rencontre avec le pyromane, avec le gars du miroir, et pour finir le meurtre proche de l'université. Tout était flou, rien n'allait dans l'ordre. Tout perturbait le cerveau du grisâtre comme cela ne l'avait jamais fait. Il ne comprenait plus rien. Absolument plus rien. Quand soudain, cette sensation étrange d'être comprimé au plus profond de son corps refit surface, si bien qu'il plaça même sa main sur sa poitrine en grimaçant lorsque celle-ci commença à devenir étrangement dérangeante. Et il se sentit de nouveau observé. Épié. Il était épié en ce moment même. Terriblement épié. Terriblement vulnérable.
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