PROLOGUE – Départ matinal

482 Words
PROLOGUE – Départ matinalJ’ai d’abord été séduit par son excentricité, définitivement conquis par sa sensibilité. Vendredi, J+5. L’aube pointe. Avec elle, un paradoxal parfum de fin. Nos sonneries respectives n’ont même pas eu à jouer leur rôle, je me suis réveillé une bonne demi-heure avant le moment fatidique, besoin pressant faisant loi, mais surtout empreint, déjà, d’un étrange sentiment d’absence. Nina ne m’a pas rejoint cette nuit. Je la découvre profondément endormie sur le canapé. Je pressentais cette issue quand, la veille, elle avait insisté pour traîner devant une de ces comédies romantiques dont Hollywood s’est fait la spécialité. Pour une fois la soirée avait été plutôt fraîche. Aussi, n’avait-elle pas été dérangée de devoir s’exempter de l’air du ventilateur. Je prends néanmoins soin d’orienter le petit gadget vers elle. Sera-t-elle bercée ou gênée par cette modification climatique soudaine ? Me reprochera-t-elle une nouvelle fois de « tout faire pour me rendre indispensable », quand j’agis par pure spontanéité, et en vertu de ce qui me semble être la décence élémentaire d’un hôte vis-à-vis de son invitée ? En acceptant par exemple sa lubie de ne s’endormir qu’avec la télévision en fond, n’y imposant qu’une légère touche personnelle en programmant l’extinction automatique de l’écran, pour éviter que le bruit de fond, cajoleur de prime abord, ne se révèle au final perturbateur. Mauvaises vibrations en ce réveil inéluctable. Elle vient de prendre place dans le lit, je suis le seul à savoir que son sommeil sera éphémère et dérisoire, qu’il est d’autant plus abscons de replonger moi-même dans les bras de Morphée. Je choisis donc de l’entourer des miens, élan de tendresse viscéral me permettant d’avaler la pilule de son départ imminent. Un câlin identique à ceux des quatre derniers matins, sauf qu’il dénote par son destin tronqué. Six heures approchent et il sera impossible aujourd’hui de rogner joyeusement sur la matinée, comme nous en avions pris goût. Cinq jours de vie commune en tout et pour tout, et déjà des habitudes. De celles rassurantes, avenantes, vibrantes. Aucune place à l’ennui ou à l’incompatibilité. Un constat qui pour un peu la contrarierait : ainsi doit-elle repartir sans griefs en stock à mon égard, ni même avec le soupir du soulagement qui suit généralement une période de fusion totale, susceptible de dégager un goût de trop-plein. Nous avions passé le test avec brio. Sans avoir forcé le trait, sans non plus avoir eu l’impression de renier ou concéder la moindre part de nos identités individuelles. Sa liberté de fumer en déambulant dans tout l’appartement, alors que je l’eus initialement enjoint d’utiliser les chaises situées près des fenêtres ? Guère autre chose qu’une illusoire perspective de ma part, mettre un mouchoir dessus avait été d’autant plus simple que je ne crus pas un instant en l’efficacité de la mesure. Et que dire de sa rencontre, dès le premier jour, avec mes principaux amis, alors qu’elle avait formulé le souhait théorique de ne pas côtoyer mon entourage ? Piètre mensonge à elle-même, tant sa facilité à s’intégrer et sa nature sociable devaient déboucher sur cette conclusion. Une même voie. Un seul élan. Une volonté partagée. Un attachement réciproque. Le tout drainé par un pouvoir d’attraction à la limite du rationnel.
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