Tragédie humaine

1823 Words
Quelle jeune fille normale souhaiterait vraiment se souvenir de ses quatorze ans ! J’étais une enfant à peine adolescente. Mesquine, jalouse, insupportable, tous les défauts de la première jeunesse coulaient dans mes veines. Si égoïste et entêtée que ce fut impensable pour moi de changer pour n'importe quelle raison et encore moins pour quelqu’un. Quand j’y pense, tout était tellement futile et artificiel avant lui. Si dérisoire et pourquoi ne pas le reconnaître...vide. Et après lui, tout a pris son sens. Ma sœur Fiona venait justement d’amener à la maison le premier garçon qu’elle pensait enfin digne d’intérêt. Ce fut le premier changement qui subvenait dans ma vie. Je les observais comme si en le faisant, je comprendrai la profondeur de leur lien. Puis comme évidemment, ce ne fut pas le cas, j’ai décidé de les laisser seule et sortie me promener un peu pour réfléchir. Elle paraissait si heureuse, que cela m'a conduit à me demander constamment ce que c'était réellement ! Cet amour dont le monde parle et réclame malgré toute la misère qu’il apportait. Était-ce semblable à l'amour maternel, ou l'amitié. Quand je perdais l'affection d'un ami, j'en souffrais plus que je ne le voudrais. Cela revenait comme une fréquence un peu lourde dans mon esprit au cours du temps jusqu'à ne plus rien être. Puis, un deuxième événement effroyable survint dans nos vies si simples, mon oncle Didier mourut. C’était le frère de Maman. Notre grand-père était venu l'annoncer personnellement. C’était un jeudi, il était déjà 20 heure passé, et la soirée était douce. Il avait l'air si fatigué, si résigné avec son manteau gris, sa moustache pendant lamentablement sur son visage déjà ridé, que lorsqu'il annonça la terrible nouvelle, je ne ressentis plus le choc. Comme si cette nouvelle devait couler naturellement de son état d'âme. Il l'annonça à ma grande sœur Fiona qui promit d’avertir mère. Fiona que j’avais longtemps cru être la fille unique d'une connaissance de ma mère, et qui un beau jour disparut sans raison, laissant à sa fille de quatre ans comme cadeau d’adieu quelques mots tendres et des larmes vide de sen, alors qu’avant ma naissance, elle aimait seulement passer beaucoup de temps chez cette amie avant que cette dernière ne déménage sur la côte en raison du travail de son mari. Et quand le couple venait nous rendre visite, ce sujet devait inévitablement passer sur le tapis, à la plus grande joie des amis et à ma plus grande gêne. Mais comme leur fille, bien réelle cette fois-ci, était l’une de mes meilleures amies, je laissais passer volontiers ces petites moqueries sans gravité. Et maintenant, on était toutes les deux à la maison, seules, attendant impatiemment Maman. J’avais essayé d’oublier le chagrin de cette tragédie, je refusais d'y penser, d’y croire. Elle n’était pas encore arrivée, et aussi pour être honnête, ma peine était sans fondement, car je ne savais pas exactement ce qu'était la mort. Cela faisait si mal que ça, de perdre quelqu’un ou de mourir? Pour n’importe qui? Pourquoi l'ignorance faisait-elle si mal ? Faisait-elle plus mal que la conscience même ? - Oh Maman... J’avais perdu la marche du temps, je me suis retrouvée dans un état d'apathie. Et c'est avec une fatigue insoutenable que j'entendis ses pas, les pas d'une femme merveilleuse, les pas d'une femme qui a élevé toute seule, deux petites filles, une femme qui sait aimer, et qui m'a mise au monde dans un lit d'amour. On était toutes les deux dans la cuisine, c’était l'endroit où tout le monde se réunissait le soir. Elle entra, souriante, avec des paquets dans les mains, obligatoirement, et je devinai aussi que des présents s'y trouvaient. Fiona me regardait et je lui rendis son regard avec des larmes. « C’est tellement cruel de lui dire Fiona. Mais c’était ton devoir. Par cela, tu vas briser le cœur de cette femme incroyable que nous croyons fortement ne mériter aucune souffrance. Hélas, on n’a aucun pouvoir de l’épargner ni de la protéger de cela. Nous le savons tous. » Jamais soirée ne m'a causé plus d'amertume comme aujourd'hui. - Alors mes petites chéries, ça va ? Demanda maman. Que de tendresse dans sa voix. Mes larmes étaient invisibles, mais elles n’en étaient que plus douloureuses. - Maman ! Tu as déjà attendu la nouvelle ? Elle nous regarda, sentant déjà un malheur s’annoncer. ­- Non ! Pas encore. - Oncle Didier vient de décéder. Je sentis plus que je n'entendis le « non » qu'elle articula, elle alla tout de suite verser un grand verre d'eau et le but d'un trait. Elle ne pleura pas, elle en était incapable. Elle alla reposer les paquets, et commença à téléphoner à tout le monde. Elle agit comme d'habitude, avec ses habituels pantalons en jean et ce tee-shirt, mais mes yeux de fille ne m'auraient jamais trahi. Je la voyais tomber dans une tristesse plus grande que mon cœur ne pouvait imaginer. On organisa les enterrements. Et comme la tradition l'exigeait, la veillée durait trois jours. Trois longs jours durant lesquels des discours de condoléances et de remerciements seront échangés. J'étais encore une enfant malgré mon âge, donc il m'était impossible de me mêler aux autres. Je n'ai rien fait, rien que rester dans mon coin, à observer le rite. Tout cela m'importait peu du moment que Maman surmontait son chagrin. Du moment que ma mère revienne telle qu'elle était avant tout ça. Si seulement cela pouvait être possible, j‘aurai tout concédé pour cela. Enfin, le jour de l'enterrement arriva. Le moment du linceul, puis la messe, le cortège noir et endeuillé, les cris étouffés, l’image d’un être qui a quitté notre monde, tout ce tableau gris et obscur que je ne voyais qu’à travers un rideau transparent d’ignorance. Ma sœur était restée auprès de moi tout le temps où l’événement avait duré. Et comme elle, aucun sourire ni compréhension n’avait réussi à sortir de nos cœurs vagues. La réalité était trop cruelle. Je cherchai mère des yeux, elle était entourée de sa famille, mais cette saleté noire, qui rongeait petit à petit son cœur, était si évidente que je ne pus m’empêcher de courir et de me jeter dans ses bras. Fiona me détacha d'elle, me murmurant de la laisser s'occuper des invités, puis elle me sortit de la maison. Pour me libérer l’esprit, je regardai autour de moi, contemplant à nouveau le paysage frais et pure de cette partie du pays. Je me suis demandée depuis combien de temps, je n’étais pas venue dans cette Région. C'était ma campagne, les lieux de mes ancêtres. Cette beauté naturelle et sauvage aspirait à la liberté. Ce vent doux et capricieux, apaisait le cœur. Tout était vivant, et authentique, même l'esprit des gens. Ils étaient tous paysans, fermiers, ou artisans. Ils vivaient du peu qu'ils avaient et s'en contentaient allègrement. La joie est toujours pure, comme ce ciel sans nuage que nous offrent les divins en ce jour d'enterrement. C'était le même que la campagne de mon enfance ou chaque jour Maman m'y emmenait. Mais en ces temps-là, je me voyais déjà différente. Si on pouvait réellement demander à une chose d'être éternelle, alors j’aurai exigé que ce soit mon enfance. Mais les années passaient vite, et à la fin, nous cessâmes de venir ici. Ce n'était pas la distance qui causait problème. Ces trente-deux kilomètres de route n'étaient pas le problème, rien n'avait changé, rien sauf moi. J'ai perdu mon innocence. Je me suis secouée, et je souris à la lumière du jour à laquelle je me suis aveuglée. Je ne voyais rien. Et puis à quoi bon ? Voir ne ramènerait rien. J'attendais bien sagement que tout soit terminé avant les derniers adieux. Ma dernière image fut le b****r de mère sur le cercueil de bois. Un geste qui perdura dans ma mémoire à travers le temps, un geste qui ne s’accomplira qu’une fois. Mais en cet instant, j'étais trop vidée pour en atteindre la beauté, et dont je n’avais eu aucune conscience, conscience que l’on exigerait de moi des années plus tard. Une dernière fois, je m’étais retournée pour voir cette caverne remplie de tristesse, nous privant des dépouilles de nos êtres aimés. J'ai été trop lâche jusqu'à aujourd'hui, tous ces jours, durant lesquels on avait gardé auprès de nous ce corps froid, pas une seule fois, je n'ai assumé ma responsabilité de parent, je n'ai pris que l'excuse d'être une enfant, une enfant qui était déjà consciente du profond malheur que puisse être l'existence et d’être moi. Alors, je me suis souhaitée plus que tout, à croire qu’il existe un être fantastique qui pourrait me libérer. Les jours ont passé, les semaines. Je voyais les feuilles emportées par les eaux, toutes particulières, toute une vie partie, et les saisons, belles et si émouvantes, mais qui signifiaient encore un sonnet montrant l'écoulement du temps. Les gens naissent et meurent… une monotonie que la différence d'âme distingue les uns des autres. Chaque chose qu'on vit nous change. Depuis ce malheur, mon cœur a perdu sa sérénité, et je n'ai jamais pu la récupérer. La seule qui compte à présent, c'était de profiter de la vie autant qu'on me permettra de le faire. Pendant longtemps, trop longtemps à mon goût, jusqu'à aujourd'hui notre monde s'est tourné autour de notre famille. Ce furent ce que j’ai cru être les plus beaux moments de ma vie, et maintenant Fiona s'est décidée à être avec un homme qu’elle décrit, avec un ravissement presqu'ennuyeux, de merveilleux. Son cœur a balancé entre sa vie présente et sa vie future, mais n'aurait-ce pas été une plus grande lâcheté que de refuser ce grand bonheur. De toute façon, le malheur n'épargnera jamais personne, même si elle était la prudence, alors s’interdire l’amour serait, sans aucun doute abandonner de vivre. Comme je comprenais son scrupule à franchir ce pas, bien que ce n’était encore que des flirts sans grandes conséquences et non l’amour d’une vie. Moi-même, j'ai refusé toutes les occasions de découvrir l’amour, autant physique qu’émotionnel, simplement parce que je ne ressentais rien. Je vivais en maison close. Cet univers que représentait ma maison me suffisait. C'était ce en quoi je me forçais à vivre, à être…jusqu'à ce jour fatidique qui changea tout.
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