Chapitre I

295 Words
I Cicéron Angledroit… Ça vous épate hein, ça, comme nom ? Et pourtant, ça fait trente-cinq ans que je me le traîne. « Angledroit » ils n’y pouvaient rien, mais « Cicéron », quand même ! Je leur en ai voulu longtemps. Enfin quand je dis « leur » je devrais dire « lui », car ma mère, quand je suis né, elle parlait à peine le français. Alors ce genre de jeu de mots lui passait un peu au-dessus. Lui, mon père, ce devait être un rigolo… ou, du moins, devait-il le croire. Ma mère, il l’avait ramenée de je ne sais quel voyage en Yougoslavie. Probable qu’il l’avait achetée comme on achète un souvenir. Une femme, vous parlez si ça va bluffer les potes, et belle avec ça ! Bien sûr elle ne parlait ni ne comprenait notre admirable langue de Shakespeare VF mais, au moins, quand elle l’ouvrait, il pouvait imaginer qu’elle le félicitait. Il a quand même attendu mes dix-huit mois et nos premiers balbutiements en français à ma mère et moi pour nous laisser Quimper. Juste le temps de me déclarer à l’état civil sous ce prénom débilisé par son nom. Maintenant, vu ce qui se passe là-bas, dans le pays émietté de ma mère, je lui en veux moins. Sans le faire exprès, il l’a sauvée. Elle vit, peinarde, dans son deux-pièces cuisine du XVIIe arrondissement, près de la Cité des Fleurs. Elle parle français et a oublié sa langue natale faute de la pratiquer. * Et moi, Cicéron Angledroit, je suis détective privé. Pourquoi détective privé ? Eh bien parce que j’estime qu’il est temps de réhabiliter, dans la littérature française, les détectives privés. On en manque. Ils ont été délaissés au profit des flics, plus classiques, plus « autorisés » aussi. Remarquez que, dans cette histoire qui commence, on ne m’a encore rien demandé. Je passais juste… comme témoin… et encore, j’ai pas vu grand-chose. Je suis arrivé après l’événement. Mais dans les premiers quand même.
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