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Un drame sous la Révolution

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Sur la route de Douvres, un vendredi de l’année 1775, la malle-poste montait péniblement la côte de Shooter’s Hill… Soufflant, suant, trébuchant, les chevaux avançaient lentement sur le sol boueux… Par trois fois, malgré les exhortations du cocher et les coups de fouet, ils s’étaient arrêtés déjà et avaient placé la diligence au travers de la route, comme pour affirmer énergiquement qu’ils ne monteraient pas la colline et préféraient redescendre vers Blackheat…

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ILA MALLE-POSTE
I LA MALLE-POSTE Sur la route de Douvres, un vendredi de l’année 1775, la malle-poste montait péniblement la côte de Shooter’s Hill… Soufflant, suant, trébuchant, les chevaux avançaient lentement sur le sol boueux… Par trois fois, malgré les exhortations du cocher et les coups de fouet, ils s’étaient arrêtés déjà et avaient placé la diligence au travers de la route, comme pour affirmer énergiquement qu’ils ne monteraient pas la colline et préféraient redescendre vers Blackheat… De tous les plis du terrain, s’élevait une brume moite et glaciale, si épaisse que la lumière des lanternes parvenait à peine à la percer et à éclairer quelques mètres de route. … Non qu’ils eussent le moindre goût pour la marche en la circonstance, mais pour alléger de leur poids le coche, trois voyageurs étaient descendus… Solidement bottés, emmitouflés jusqu’aux oreilles, tous trois restaient impénétrables à l’œil scrutateur du voisin. Ils marchaient, côte à côte, sans prononcer une parole… Aucun d’eux ne se souciait d’entrer en relation avec son compagnon de route… Savait-on, à cette époque, si l’on n’avait pas affaire à un voleur ou à un affilié d’une b***e de brigands ?… D’un poste de relai, pouvait surgir quelqu’un à la solde du capitaine des malandrins… Tout individu était suspect !… Le conducteur, appuyé sur son bâton traditionnel, suivait à pied, lui aussi, sans perdre un seul instant de vue la caisse d’armes placée à l’arrière de la voiture et qui renfermait, outre une escopette chargée, un arsenal de pistolets et de coutelas… Seul, le cocher paraissait n’avoir qu’un souci, c’était de pouvoir obtenir de ses chevaux un suprême effort pour atteindre le faîte de la colline… Certes, il n’aurait pas osé jurer, en toute conscience, qu’ils étaient capables de faire le voyage et pourtant ils ne se décourageaient point !… — Enfin ! s’écria-t-il. Nous voici arrivés au sommet ! Que le diable vous emporte, j’ai eu assez de mal à vous y amener !… Et il arrêta ses pauvres haridelles pour leur donner le temps de souffler et aussi pour permettre au garde d’enrayer les roues pour la descente… Puis, se tournant vers le conducteur, il appela : — Joé ! — Hallo !… — Quelle heure avez-vous ?… Joé ?… — Onze heures dix, exactement ! — Bigre ! Nous sommes en retard, Joé, nous sommes en retard. Mais, dites-moi, n’entendez-vous pas ?… — Que dites-vous, Tom ?… — N’entendez-vous pas ?… On dirait que, derrière la malle, un cheval s’approche au trot ! — Je crois même qu’il s’approche au galop, répliqua le conducteur en remontant prestement sur son siège… Gentlemen, au nom du roi, tous en garde !… Et, tout en prononçant ces paroles, il armait un fusil et se tenait sur la défensive… Un des trois voyageurs, monté sur le marche-pied, s’apprêtait à entrer dans la diligence… Il demeurait moitié dehors, moitié dedans… Les deux autres restèrent sur la route… Tous portaient leurs regards du cocher au conducteur et du conducteur au cocher, et écoutaient !… On entendait, en effet, le pas d’un cheval qui gravissait rapidement la côte… — Hô !… Hô… cria le conducteur de toutes ses forces… — Hé !… là-bas, halte-là, ou je fais feu !… Le pas du coursier s’arrêta soudain… Une voix d’homme domina à travers la brume : — Est-ce la malle de Douvres ?… — Que vous importe, répliqua le conducteur… Qui êtes-vous ?… — Est-ce la malle de Douvres ? répéta la voix. — Qu’avez-vous besoin de le savoir ? — Si c’est elle, j’ai besoin de parler à un voyageur !… — Quel voyageur ?… — M. Jarris Lorry ! — M. Jarris Lorry, dit le gentleman qui n’avait pas quitté le marchepied… C’est moi !… Le conducteur, le cocher et les deux autres voyageurs se regardèrent avec défiance. — Restez où vous êtes, commanda le conducteur à celui qui parlait dans la brume, car si je fais erreur, ce sera irréparable en ce monde !… Gentleman Lorry, répondez directement ! — Qu’y a-t-il ?… demanda M. Lorry, avec un léger tremblement dans la voix… Qui me demande ?… Est-ce vous, Jerry ?… — Oui, Monsieur Lorry… — Qu’y a-t-il ?… — Une dépêche vous est envoyée du continent. — Je connais ce messager, conducteur, affirma M. Lorry, en descendant du marche-pied, aidé de façon plus prompte que polie par les deux voyageurs qui s’empressèrent de se hisser dans le coche, en ayant bien soin de refermer la portière… Il peut s’approcher, ajouta-t-il, il n’y a rien à craindre, je réponds de lui !… — Eh, vous là-bas, avancez, cria le conducteur, tout en maugréant à part lui : « Je n’aime pas la voix de ce Jerry, elle est bien enrouée ! » — Salut à vous, dit le cavalier !… — Oh, oh ! avancez au pas ! s’il vous plaît ! Et surtout que je ne vois pas vos mains se poser dans les arçons de votre selle !… Car au diable, si je fais erreur !… Elle vous touchera en forme de plomb !… — Je vous assure, conducteur, affirma de nouveau le voyageur, il n’y a rien à craindre !… je suis représentant de la banque Telson et C°, de Londres… Je vais à Paris, pour affaires… Voici un écu à boire… — S’il en est ainsi, faites vite ! M. Lorry s’approcha du messager qui lui remit un pli cacheté. — Il y a une réponse, monsieur. À la lueur des lanternes du coche, M. Lorry put lire ces quelques mots, tout en bas d’abord, tout haut ensuite : « Attendez Mademoiselle, à Douvres. » — Vous voyez, conducteur, déclara-t-il, après lecture, ce n’est pas long !… Et s’adressant à Jerry : « Reprenez cette dépêche ajouta-t-il, ils sauront que je l’ai reçue quand vous leur donnerez cette réponse : « Ressuscité ! »… Bon voyage et bonne nuit !… — C’est une réponse étrangement resplendissante, conclut Jerry, de plus en plus enroué !… Et, il fit tourner bride à son cheval… Le voyageur ouvrit la porte et y monta, nullement aidé par ses compagnons de route qui avaient caché subitement leur montre et leur porte-monnaie dans leurs bottes et faisaient les endormis… La malle-poste se remit en marche lentement, enveloppée de brume qui s’épaississait au fur et à mesure qu’elle descendait… Le conducteur replaça son fusil dans la caisse d’armes et tout en jetant un coup d’œil sur le contenu, interpella le cocher par-dessus la voiture. — Tom, avez-vous entendu lire la dépêche ?… — Oui, Joé !… — Qu’en pensez-vous, Tom ?… — Rien du tout, Joé !… — Coïncidence curieuse, j’en fais tout autant !… Une fois seul, au milieu de la brume, Jerry mit pied à terre… Quand il n’entendit plus les roues de la malle-poste, il entreprit de descendre la colline… — Après un pareil galop, depuis Temple-Bar jusqu’ici, ma vieille, dit-il, en jetant un regard sur sa jument, je ne me fierai pas à tes quatre pattes avant que nous ne soyons en terrain plat !… Mais c’est égal, c’est une étrange et resplendissante dépêche que nous portons… « Ressuscité ! »…

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