VIII (8)

691 Words
VIII (8)« Bien le bonjour, Roméo. — Bonjour, Maître. — Alors, cette orgie ? — Passablement ennuyante. — Tu es un général, trop intéressé par la sécurité de tes pairs pour te livrer à cette débauche. J’étais animé d’un même caractère, à ton âge. — Vous avez été Seigneur-Général ? — Oui, il y a de cela bien longtemps. Mon propre précepteur, Grand Académicien, me suggérait de participer à de nombreuses fêtes ; autant d’instants de décadence nécessaires au sérieux. — Je ne comprends pas… — Pour tenir un peuple, il lui faut des amusements. — Quotidiens ? — Non, justement. Il fut un temps, s’appliquait le revenu universel de base. Voyant les peuples se prélasser, heureux, bien trop heureux pour faire la guerre, nous les avons bousculés. — Comment cela ? — Nous leur avons fait craindre la fin du monde. Des rumeurs circulaient, annonçant un coup d’État. Les peuples prirent de plus en plus peur et employèrent leurs revenus au financement de l’armement, de la sécurisation de chaque État-Nation. — Je vous demande pardon ? — Les États-Nations étaient des ensembles très structurés. À chaque Nation correspondait un État, qui était l’expression de celle-ci. Mais tous ces États posaient bien trop de problèmes. — Que s’est-il passé ? — Nous les avons fait éclater, d’abord en communautés ethnico-linguistiques, puis celles-ci en communautés énergétiques, et ces dernières en peuplades, défendant ardemment leur petit territoire. Ces petites structures, bien plus nombreuses que les anciens États-Nations, étaient plus faciles à soumettre. — D’où… — … les actuelles grandes régions. Mais cela s’est fait très lentement. — Pour ne pas choquer ? — Et pour ne pas alerter les esprits les plus vifs. » Romeo se remémore sa discussion… « Maître, j’ai à vous dire… — Oui ? — Un Académicien m’a fait part d’un coup d’État à venir. — Hum… — Un Académicien, dont il ne m’a point révélé l’identité, se fournirait au marché noir. — Rumeur… — C’est ce que je pense aussi. — … ou menace. — Il serait l’armateur, d’après moi, de la révolte des mineurs. — Un complot académico-martien… — Mais ce n’est que ma théorie. — … à l’encontre de ma personne. — Théorie d’un jeune général. — Des traîtres… — Enfin, « Seigneur-Général ». — … partout. — Je pense que le faire surveiller par la PolRobPréCrim serait un bon début. — Des assassins… — Si ce n’est pas suffisant, faire en sorte qu’il demeure constamment dans le viseur d’un Humanibis. — … m’observent. — Une balle, ou un tir de laser, et hop ! nous voilà débarrassés d’un traître. — Une… — Rumeur ou vérité, je ne sais toujours pas. — … seule… — Quadrillons l’ensemble du système solaire, ainsi, il ne nous échappera pas. — … sentence… — Qu’en pensez-vous, Maître ? — … la mort. — Maître ? » Le Grand Académicien regarde au loin, les yeux fixes, le visage figé, le corps raidi. « … Maître ? » Apollo Tyr reste debout, pensif, la bouche bée, les poings crispés sur le dossier de son siège. « Romeo, l’heure est extrêmement grave. — Ce n’est qu’un seul individu. Rien de très… — Tu ne connais donc pas la prophétie maoriare ? — Je ne savais pas ce peuple croyant. — Il est dit qu’un Terrien, exclu par ses pairs, fait prisonnier, devra être libéré. Parce qu’il est celui qui délivrera le peuple maoriar, qui brisera ses chaînes, pour qu’une nouvelle civilisation brille dans l’univers. — Je ne suis pas sûr de tout comprendre. — Cet être incarne l’élu. — Ce n’est qu’une prophétie parmi des milliers d’autres. Il suffit qu’un vieil ivrogne professe la venue d’un sauveur, sur son lit de mort, pour qu’un peuple patiente des siècles avant d’entrer en liesse, à la vue du premier péquenaud venu. — Il se trouve que j’ai fait prisonnier Thom des Plateaux Verdoyants, après l’avoir banni de Notre-Dame-la-Terre. — Ce plaisantin, un élu ? La bonne blague. — Mieux vaut restreindre les risques. — Maître, vous ne pensez tout de même pas que ce noble mineur va renverser notre ordre. Allons… il est seul. Peut-être actuellement aux mains des pirates ou des corsaires, mais je ne l’imagine pas lever une armée. — Ton imagination est des plus bornées, Romeo. Pourquoi penses-tu que je t’ai élevé au rang de Seigneur-Général, alors que tu sors à peine du carcan scolaire ? — Parce que je suis le meilleur, voilà tout. — Sombre idiot ! Je t’ai sélectionné parce que tu es le plus arrogant de tous les académiciens. Tu veux le pouvoir parce que c’est ta raison de vivre. Tu es capable de tuer celui qui prouvera que tu as tort. Tu ne recules devant aucune infamie, pour préserver ce système. Tu es l’être le plus dangereux de l’univers, Romeo. Je t’ai choisi parce que tu m’es le plus cher. — Trop d’honneur, Maître. — M’appeler « Maître » te brûle affreusement les lèvres. — Non, pas du tout, je vous assure que… — Trêve de balivernes ! Je vais te décrire ton rôle. Gravir chacun des échelons de la hiérarchie académique. Tu n’es que le numéro vingt, en tant que mon secrétaire particulier et Seigneur-Général. Trouve une bonne raison de devenir le numéro deux… — … le devoir. »
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