Chapitre 1
11 janvier 2015.
Aéroport international de San Francisco. L’hôtesse invite les passagers du vol United à embarquer immédiatement porte 47. Une fois dans l’avion :
— Bienvenue à bord du vol United Airlines...
— Et bla-bla-bla, bla-bla-bla...
Assis dans son fauteuil en « Classe Affaires », Peter n’écoute même plus le baratin du chef de cabine.
— Toujours le même discourt sur tous les avions, dans toutes les compagnies. Je me demande qui les écoute en-core...
Il fixe le dossier du siège devant lui, mais ne le voit même pas. Personne à côté de lui. Quelle aubaine ! Il n’a pas le cœur à discuter avec qui que ce soit. Les portes sont verrouillées. L’avion ne va pas tarder à rouler vers la piste d’envol. Enfin ! On a déjà perdu pas mal de temps en salle d’attente avant l’enregistrement.
— Les zincs ne sont plus jamais à l’heure ! Moi ça ne m’arrange pas ! J’ai juste un battement d’une petite heure pour prendre ma correspondance...
Au bout de cinq minutes, il commence à s’impatienter. Il arrête l’hôtesse qui passe.
— Vous pouvez me dire pourquoi on est toujours à l’arrêt et...
— Désolé monsieur, mais nous attendons un client im-portant. Il va arriver d’une minute à l’autre.
— Mais moi j’ai une correspondance à prendre...
— Nous sommes désolés et nous comprenons, mais cette personne haut placée doit prendre ce vol.
— Désolé, désolé ! p****n quelle compagnie ! La prochaine fois j’en choisis une autre, grommelle Peter.
Sur ces entrefaites, un petit gros, qui s’essuie le front avec un mouchoir, traverse la cabine et va s’installer en Première.
— Un mec, un seul, un gros plein de soupe qui fait at-tendre une centaine de passagers ! Et pas un mot d’excuse le bougre ! Ah ! L’impolitesse de ces fonctionnaires ou de ces gradés, ce qui déjà hérissait le poil de mon père. Rien n’a changé ! J’ai bien envie d’aller lui dire ce que je pense.
Il va pour se lever, puis se ravise.
— Par le Grand Coyote, vaut mieux ne pas trop se faire remarquer. Mais à l’escale si je le revois...
Il regarde sa montre. 14 heures 47.
— 37 minutes de retard sur l’heure prévu. Pourvu que les vents ne soient pas contraires et que le pilote pousse un peu les réacteurs, marmonne-t-il.
Quand l’avion a atteint l’altitude de 33 000 pieds, l’hôtesse repasse, poussant un petit chariot.
— Que puis-je vous servir à boire, monsieur ?
— Un double whiskey. Jack Daniels, si vous avez ?
— Oui ! Désolé, mais je ne peux vous en servir qu’un pour l’instant. Nous n’avons pas un stock suffisant de cette marque. Si personne n’en demande, il n’y aura aucun problème à vous resservir. Autrement nous avons du bourbon « Four Roses ».
Peter est sidéré. Il ouvre la bouche pour marquer son vif mécontentement, mais reste bouche bée un instant et finit par ravaler sa rancœur. Un quart d’heure plus tard, on est venu lui apporter non pas une mignonnette, mais deux...
— Pour vous remercier de votre patience, dit l’hôtesse avec un grand sourire.
Il savoure son whiskey lentement et repense aux jours précédents quand il a appris, comme tant d’autres de part le monde, à la télévision, la terrible nouvelle. Il n’a pu rester que 5 jours chez lui dans la petite ville de Sisters, dans le comté de Deschute, en Oregon. Ensuite, il a précipité son départ.
À Portland, il lui a fallu encore 2 jours pour avoir un nouveau passeport. Un faux. Avec un faux nom. Au cas où... qui lui a coûté un max ! Il a foncé à San Francisco, une trotte, pour prendre un vol qui l’amènerait d’une traite jusqu’en Europe. À Paris. Il aurait pu tout aussi bien prendre un avion à Portland, mais deux escales, quelle perte de temps !
La fatigue de ces derniers jours pendant lesquels il s’est démené comme un beau diable, pendant lesquels il a préparé son paquetage et a pris la route, ou peut-être le Jack Daniels, font leur effet. Il s’assoupit. Et bizarrement, il replonge dans son enfance.