La rencontre
La nuit s’étendait sur la ville, enveloppant les rues dans un voile de mystère, mais au sommet d’une colline, un manoir brillait comme un joyau. C’était une résidence digne d’un roi moderne, et cette nuit-là, elle appartenait à Alexandre Solis – un homme dont la richesse et le pouvoir suscitaient autant l’admiration que l’envie. Pourtant, ce soir, Alexandre ne partageait pas son palais avec des invités, du moins pas dans le sens traditionnel. Ce n’était pas une fête où l’on célébrait un événement particulier, mais une occasion qu’il organisait pour lui-même, une soirée où il exerçait son pouvoir et son influence de la manière la plus brute.
Les femmes arrivaient une par une, chacune vêtue de sa plus belle robe, chacune avec l’espoir de capter l’attention d’Alexandre, ne serait-ce qu’un instant. Car ce soir, les règles étaient claires : Alexandre choisirait. L’homme le plus influent de la ville avait décidé que ce soir, il n’y aurait pas de prétentions, pas de jeux subtils. Il se choisirait une compagne pour la nuit, et toutes savaient que même quelques heures passées à ses côtés pouvaient changer leur vie. C’était comme un rêve fou pour certaines, un trophée à décrocher. Pourtant, dans cette ambiance teintée d’excitation et de tension, une femme se tenait à l’écart.
Lyana Verdan n’avait jamais voulu être ici. Elle avait été entraînée par une amie, Carla, qui nourrissait une fascination presque obsessionnelle pour Alexandre. "Lyana, c’est une opportunité que tu ne reverras jamais !" avait insisté Carla en la convainquant de venir. "Juste être vue dans ce manoir peut ouvrir des portes." Mais Lyana n’était pas impressionnée. Le luxe l’étouffait, la superficialité des gens l’exaspérait, et l’idée de participer à ce spectacle ridicule – où des femmes se battaient pour un homme arrogant et manipulateur – la remplissait de dédain.
Lyana portait une robe simple, pas criarde mais élégante, choisie uniquement pour éviter de se faire remarquer. Pourtant, il y avait quelque chose chez elle qui attirait les regards. Pas parce qu’elle essayait de se faire voir, mais parce qu’elle semblait si différente. Contrairement aux autres femmes, nerveuses et prêtes à tout pour plaire, Lyana restait calme, indifférente, comme si elle était au-dessus de tout cela.
Et Alexandre le remarqua.
Debout en haut de l’escalier central, il observait la foule. Son regard, aiguisé par des années à lire et manipuler les gens, balayait les femmes présentes. Certaines tentaient désespérément de capter son attention avec leurs rires trop forts ou leurs poses calculées. Mais son intérêt se figea sur une silhouette près de la fenêtre. Une femme. Immobile. Absorbée par la vue extérieure comme si elle voulait s’échapper de cette scène.
C’était rare qu’une seule personne puisse capturer l’attention d’Alexandre aussi rapidement. Elle ne cherchait pas à être vue, et pourtant, elle était impossible à ignorer. Intrigué, il descendit les escaliers, ses pas mesurés résonnant dans l’immense pièce. Les conversations autour de lui baissèrent d’intensité alors que les regards se tournaient vers lui. Alexandre Solis, maître de la soirée, avançait parmi eux, mais son regard restait fixé sur une seule destination.
Lyana sentit sa présence avant même qu’il n’arrive. C’était comme si l’air autour d’elle changeait, devenant plus lourd, plus intense. Mais elle ne bougea pas. Même lorsque la voix grave et suave d’Alexandre brisa le silence. "Est-ce que ma fête est si ennuyeuse que vous préférez regarder la ville ?" demanda-t-il, un sourire énigmatique sur les lèvres.
Lyana se tourna lentement vers lui, et leurs regards se croisèrent pour la première fois. Ses yeux, glacés et perçants, rencontrèrent les siens, chauds et pleins d’arrogance. Elle le détailla brièvement, comme si elle évaluait ce qu’il représentait – un homme trop sûr de lui, habitué à ce que tout le monde danse sur ses ordres. Elle répondit, sans sourire, d’une voix calme et tranchante : "Je ne savais pas que j’étais censée être impressionnée."
C’était une déclaration simple, mais qui frappa Alexandre comme une gifle. Pour un homme habitué à des réponses flatteuses et des regards admiratifs, c’était une nouveauté déconcertante. Il pencha légèrement la tête, intrigué. "Vous êtes unique," répondit-il après une pause. "Je ne crois pas avoir eu l’honneur de vous rencontrer avant ce soir."
Lyana haussa un sourcil, dégageant une indifférence calculée. "Et pourtant, vous semblez si certain que c’est un honneur," lança-t-elle avec une pointe de sarcasme. Elle se détourna de lui, remettant son attention sur la vue, comme s’il ne méritait pas plus de son temps.
Alexandre sentit quelque chose bouillonner en lui – de la frustration, de la curiosité, et, pour la première fois depuis des années, une forme d’excitation qu’il ne comprenait pas. Il observa son profil, la courbe de son cou, la force tranquille qu’elle dégageait. Cette femme n’était pas comme les autres, et il avait l’intention de découvrir pourquoi. Mais il savait qu’il devait jouer prudemment. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Le jeu ne faisait que commencer.
Lyana, de son côté, sentit son cœur battre un peu plus vite qu’elle ne l’aurait voulu. Elle ne savait pas pourquoi cet homme l’affectait autant. Peut-être parce qu’il représentait tout ce qu’elle détestait : le pouvoir, l’arrogance, et cette capacité à contrôler tout et tout le monde. Mais il y avait quelque chose dans son regard – une intensité qui la déstabilisait. Elle secoua la tête, chassant cette pensée. Ce n’était rien. Un moment, une interaction qu’elle oublierait rapidement.
Elle quitta la fête peu de temps après, ignorant les regards curieux des autres femmes. Elle ne voulait pas faire partie de ce jeu. Mais en partant, elle ne savait pas qu’elle avait déjà laissé une empreinte indélébile dans l’esprit d’Alexandre.
Debout sur le balcon de son manoir, Alexandre fixait les lumières de la ville en contrebas. Son verre de whisky brillait sous la lune, mais son esprit était ailleurs. Il revoyait son visage, ses yeux qui semblaient lire à travers lui, ses mots qui avaient défié tout ce qu’il croyait connaître des femmes. Qui était-elle ? Pourquoi semblait-elle immunisée contre lui ? Et surtout, pourquoi ressentait-il ce besoin presque obsessionnel de la revoir ?
Un sourire se dessina lentement sur ses lèvres. Il ne savait pas encore si elle serait un défi qu’il surmonterait ou une leçon qu’il apprendrait. Mais une chose était sûre : il allait découvrir tout ce qu’il y avait à savoir sur Lyana Verdan. Et cette fois, elle ne pourrait pas lui échapper.