La rencontre

3455 Words
Chap. 4 Les préparatifs de cette grande célébration allaient bon train. Chacun à son niveau s’organisait pour rehausser l’évènement de sa touche, et les nouveaux arrivants attendaient avec impatience de voir à quoi ressemblait cette fête, afin de pouvoir eux aussi, l’année suivante y participer et non pas simplement y assister. De nombreux visiteurs étaient attendus, la plupart étaient des ressortissants de la petite ville qui étaient allés s’installer ailleurs et avaient fait fortune. Ils étaient nombreux à venir chaque année participer à cette célébration, qui prenait alors des allures de fête familiale à grande échelle. Les descendants de ces grandes familles arrivaient de tout le royaume. Et de même que lorsque la ville traversait des difficultés, on les voyait accourir au secours des populations, de même ils ne manqueraient ces festivités pour rien au monde. Cependant comme pour tout, il y avait les brebis galeuses, ceux qui avait quitté la ville pour des raisons nous allons dire suspectes, ne revenaient que très rarement et bien souvent… ne revenaient pas du tout. Fête ou pas. Le shérif et le juge Etô étaient cousins, et depuis quelques temps un drame familiale les touchait tous les deux. Leur grand-père, Ndoum, ancien maire de la ville était malade, très malade. Le vieil homme de quatre-vingt-dix-huit ans, avait un anévrisme et à son âge les médecins n’osaient se prononcer. Cela faisait plusieurs jours qu’il était gardé à l’hôpital, sous surveillance médicale. La famille, dispersée à travers le royaume avait déjà été informée de son état et la grande célébration de la ville, ressemblait désormais à une fête d’adieu. La dernière occasion de revoir le vieil homme encore en vie. Du moins c’est ce que pensaient certains, et nombreux de ceux qui pensaient ainsi, ne viendraient au final à la fête que pour parler de l’héritage qu’il allait laisser aux siens. Il faut dire qu’il était très riche. Chacun pensant avoir une place spéciale dans le cœur de l’homme. Certains s’imaginaient donc déjà revenir de ce voyage, les poches pleines. Enrichit des milliers de Miang que le vieil homme allait leur léguer. C’était l’heure du déjeuner et le shérif était allé retrouver le juge Etô dans son bureau à la demande de celui-ci. Les deux hommes étaient assis l’un en face de l’autre dans le petit salon privé du juge. Leur conversation, comme celles de nombreuses personnes de la famille tournait autour de l’état de santé de leur grand-père ainsi que de l’héritage que laissait le vieil homme. Mais contrairement aux autres membres de la famille qui ne pensaient qu’à leurs propres intérêts, le juge Etô et le shérif s’inquiétaient des intérêts d’une autre personne, trop jeune pour se défendre toute seule contre tous les autres rapaces de leur grande famille :   _ Je lui en ai parlé hier soir encore, et il m’a confirmé que c’est ce qu’il voulait, alors j’ai dit oui, mais il va falloir veiller sur la fillette, annonça le juge _ Cela va de soi, il ne faut pas qu’elle voit son quotidien virer au drame familiale à cause d’un héritage si énorme soit-il, dit le shérif _ On est sur la même longueur d’onde, elle a une vie qui semble la rendre heureuse et il n’est pas question que les autres lui fassent miroiter dieu sait quoi et l’en éloigne, juste pour pouvoir mettre la main sur son Miang _ J’y veillerais, je vais prendre du temps pour passer lui en parler de vive voix, et la conseiller _ Oui, c’est mieux en effet, tu es celui de la famille qui est le plus proche d’elle, et elle t’écoutera surement   Les deux hommes discutaient encore lorsque le téléphone du juge se mit à vibrer sur la table basse. L’homme ramassa l’appareil et le porta à son oreille :   _ Juge Etô j’écoute _ … _ Oui docteur je comprends, _ … _ Je suis avec le shérif dans mon bureau, nous allons arriver   L’homme raccrocha et s’adressa au shérif :   _ Il semble que grand-père nous réclame cousin, il a dit au docteur que c’était urgent _ Bien allons-y, fit le shérif en se levant   Ils sortirent du bureau du juge en se demandant certainement ce que le vieil homme avait à leur dire de si urgent. Mais en arrivant à l’hôpital, la question ne se posa plus. En entrant dans la chambre dans laquelle était hospitalisé le vieil homme, ils trouvèrent assise à son chevet, ni plus ni moins que… Ôndete, l’ancienne compagne d’Oboun et mère de son unique enfant. Elle se tenait assise à côté du vieil homme, et faisait triste mine. Le shérif se dit en lui-même qu’elle tentait surement comme le reste des rapaces qui gravitait autour du vieil homme, de lui faire croire qu’elle s’inquiétait pour lui. Alors là même qu’elle était partie de la ville sans se retourner et depuis près de onze ans n’avait plus donné de nouvelle. En apercevant les deux hommes, leur grand-père se redressa légèrement sur son lit et demanda à la jeune femme de sortir de la chambre. Tout ce qu’elle entendit le vieil homme dire, c’était qu’il voulait changer certaines dispositions de son testament, et qu’il tenait à ce que ceux-ci restent un secret jusqu’au jour de sa mort. Elle s’en alla donc le sourire aux lèvres, pensant avoir atteint son objectif. Les deux hommes restèrent avec le sieur Ndoum quelques heures puis, une infirmière entra les informer que les heures de visites étaient passées depuis quelques minutes et qu’il leur fallait laisser le vieil homme se reposer. Le juge fit parvenir au notaire de la famille les dernières modifications que l’ancien maire avait apporté à son testament et lui signifia que nul dans la famille ne devait avoir cette information avant que cela ne soit « nécessaire », l’homme de loi acquiesça, depuis la maladie de l’ancien maire, les membres de sa nombreuse famille défilaient régulièrement à son étude, tentant de lui soutirer des informations concernant le montant de l’héritage, qu’ils allaient chacun recevoir de lui. Triste ! Le vieux notaire se disait que c’était tout même une bien mauvaise chose de ne se préoccuper des autres que lorsqu’on en espérait une « récompense ». Mais il tenait bon et gardait les volontés du vieil homme en sécurité dans un coffre-fort chez lui, et vu le caractère de son épouse que l’on savait pas commode, personne ne tenterait d’obtenir une quelconque information en passant par elle. Depuis qu’elle était revenu dans le village, la mère d’Oloun n’avait pas pris le temps de passer la voir. Ni elle, ni même son père qui était maintenant au courant qu’elle était de retour. L’homme ne s’en inquiéta pas outre mesure. Il savait que la santé de son grand-père inquiétait toute la famille et se dit qu’elle aussi était certainement revenu pour faire ses adieux au vieil homme. Et même s’il aurait voulu qu’elle prenne un peu de son temps pour leur petite, il ne lui en voulait pas. Pourtant, chaque fois qu’il rentrait du garage, Oloun lui posait inlassablement la même question « Tu l’as vu aujourd’hui papa ? Est-ce qu’elle a demandé de mes nouvelles ? Tu penses qu’elle viendra me voir dis ? etc… » et invariablement il lui répétait la même chose « Non Oloun, je n’ai pas vu ta mère, et honnêtement je ne sais pas si elle a l’intention de passer te voir ». Et à chaque, fois la jeune fille baissait les yeux tristement, et montait dans sa chambre pour ne plus en sortir de la soirée. Oboun venait de rentrer chez lui et cette soirée ne fut pas différente des autres depuis plus d’une semaine maintenant. Mais cette fois il prit son courage à deux mains et alla frapper à la porte de la chambre de sa gamine. Il la trouva allongée en position fœtale dans son lit et tournait le dos à la porte :   _ Hey Oloun ? Regarde-moi ma belle, je t’en prie, il faut qu’on parle _ De quoi ? Répondit-elle sans bouger _ De ta mère, _ Pourquoi tu veux parler d’elle, depuis que je suis petite tu refuses de parler d’elle et là d’un coup… _ Ça semble important pour toi, alors il faut bien que je fasse un effort tu ne crois pas ??   La jeune fille se tourna et fit face à son père :   _ Tu n’es pas heureuse avec moi, tu voudrais aller vivre avec elle ? _ Papa c’est ma mère, je voudrais apprendre à la connaitre, ce n’est pas juste de me faire payer l’échec de votre relation… _ Ce n’est pas ce que je fais Oloun, coupa l’homme, tout ce temps je ne savais pas où elle était… mais… si je ne l’ai pas cherchée, c’est parce que je devais m’occuper de toi… _ Parce que c’est de ma faute maintenant ??? _ Oloun, cria l’homme, depuis quand on n’arrive plus à se parler ma belle ???   Lorsque la jeune fille voulue répondre mais elle remarqua que le regard de son père était triste. Elle vit ses yeux briller et eut honte. Son père était malheureux à cause d’elle, alors que l’homme avait toujours tout fait pour qu’elle soit heureuse et ne manque de rien. Pour une mère qui l’avait abandonnée à un an à peine elle attristait celui qui avait toujours été là. Elle savait bien que son père avait beaucoup souffert du départ de sa mère, et pourtant il ne le lui avait jamais reproché. Avant qu’elle ait pû s’excuser l’homme s’était lever et était sorti de la chambre. Pour la première fois depuis des années Oboun se sentait triste. Il avait pensé tout ce temps que la gamine avait oublié sa mère et choisi de vivre sans elle, comme il l’avait fait lui-même, mais il s’était trompé. Si elle n’avait été pour lui qu’une histoire d’amour qui avait mal tournée, cette femme était la mère d’Oloun, et qui peut faire une croix sur sa mère ??? Il avait lui-même encore mal en pensant à sa défunte mère, qui était partie trop tôt et n’avait pas eu la chance de connaitre sa petite-fille, et de le voir devenir père. Il entra dans sa chambre et s’enferma à double tour, il devait se faire à l’idée que la gamine elle n’était pas que sa gamine. Et que pour une raison ou une autre, elle pouvait décider de partir vivre avec sa mère, elle en avait le droit. Et si jusque-là, elle avait été sa seule raison de vivre et de se battre, ce n’était pas de sa faute à elle. Il avait sciemment refusé de refaire sa vie. Son petit train-train quotidien rien ne devait le perturber. Il y tenait tellement que cela lui avait couter une femme qu’il avait aimé, et aujourd’hui cela allait lui couter sa fille, sa petite Oloun. Il n’aurait jamais refusé qu’elle voit sa mère si celle-ci était passée, mais il ne se doutait pas la petite avait déjà envisagée d’aller vivre avec elle. Les jours qui suivirent furent pénibles pour l’homme. Depuis peu madame Nkoghe était rentrée de son séjours chez son frère, alors au lieu de rentrer directement après le boulot, Oboun passait ses après-midi avec elle, et ne rentrait qu’en début de soirée. Il avait mis en place une nouvelle routine afin de s’habituer à ne pas voir sa fille de temps en temps, et celui qui en payait le prix durant la semaine c’était son potager. Il ne lui accordait plus de temps que durant le week-end. Il avait donné à Oloun l’adresse de sa mère, en lui disant qu’elle pouvait aller lui rendre visite quand elle voulait, et que dans le cas où elle devait dormir là-bas, ou encore rester, qu’elle lui fasse juste un message. Au début, la jeune fille avait pensé que le changement d’organisation de son père, était juste un caprice de ce dernier pour la punir de vouloir partir elle aussi. Il ne lui parlait plus autant, et plus du tout de choses sérieuses qui le touchait de près. Il travaillait à son potager sans lui demander son aide, et n’intervenait pas dans la façon dont elle s’occupait de son potager, ni de rien d’autre en fait. Elle réagit en se disant que de toute façon s’il ne voulait plus d’elle, hé bien qu’à cela ne tienne, elle irait vivre avec sa mère. Un mercredi, après les cours, elle décida de faire un tour chez sa mère. Cela faisait deux mois maintenant qu’elle était en ville, et Oloun pensa que c’était le fait qu’elle ne veuille pas croiser l’homme qui la tenait loin d’elle. Elle se présenta donc à la porte de la grande demeure de son arrière-grand-père malade où était logée sa mère. C’était la première fois qu’elle y allait. Le domaine était immense, et le jardin devant la maison fut la première chose qui l’impressionna. C’est d’ailleurs le jardinier qui l’accueillit :   _ Bonjour jeune fille vous admirez mon œuvre ? Fit l’homme   Oloun se tourna et vit que le vieil homme souriait en disant cela, puis il lui demanda ce qui l’amenait car, dit-il, il ne l’avait jamais vu dans le coin :   _ Je suis O… _ Je sais très bien qui vous êtes mademoiselle Oloun, ici tout le monde connait tout le monde, surtout si vous faite partie des premières familles de la ville, votre histoire est connue de tous, enfin je veux dire l’histoire de votre grande famille _ Je ne le savais pas, je pensais que vous vouliez savoir… _ … qui vous étiez… non, je demandais ce qui vous amènes _ Je suis ici pour voir ma mère, j’ai appris qu’elle était en ville depuis… _ deux mois déjà, et vous ne vous êtes pas étonnée qu’elle ne soit pas venue vous voir chez votre père ? S’enquit le vieux jardinier _ Si justement, et puis je me suis dit que peut-être son histoire avec mon père… _ Je vous assure que ce qui s’est passé entre eux n’a rien à voir avec l’indifférence de votre mère, mais puisque vous voulez en avoir la preuve vous-même venez, suivez-moi   Oloun suivit le vieil homme jusque sur la terrasse où sa mère et quelques membres de sa nombreuse famille étaient réunis, et discutaient en riant autour d’un copieux repas. La jeune fille avait entendu dire que le vieil homme à qui appartenait le domaine était très malade, et à l’article de la mort, pourtant, toutes les personnes réunies chez lui, autour de sa table alors qu’il était lui à l’hôpital, ne semblaient aucunement préoccupées de son état. Bien au contraire on aurait dit qu’elles l’avaient déjà enterrées. Le jardinier lui indiqua sa mère, et fit signe à l’une des servantes de l’annoncer et lui retourna au jardin :   _ Tiens donc Ôndete, ton rejeton, elle est jolie dis donc, lança l’un des jeunes hommes assis près de sa mère   Oloun ne le connaissait pas non plus mais nota que sa mère et lui se ressemblaient pas mal. En se tournant vers elle sa mère lui lança un regard en biais :   _ Si tu es là toi aussi pour l’héritage du vieux, tu vas devoir faire la queue ma belle, et si c’est sur ma part que tu comptes il te faudra attendre que je crève… _ S’il en reste encore à ce moment-là, fit encore en riant le premier jeune homme qui avait parlé _ Non, tu es ma mère je voulais… _ Le fait que je ne sois pas venue te voir ne t’as pas mis la puce à l’oreille ?? Coupa la femme _ Pardon ! Fit Oloun étonnée _ Je n’ai jamais voulu avoir d’enfant, c’est pour ça que je t’ai laissée à ton père, et franchement que tu débarque à l’improviste pour me voir, c’est franchement gênant pour moi tu vois, alors je ne sais pas ce que ton père… _ Mon père n’a rien à voir avec ma présence ici, mais il avait raison, vous les riches vous n’avez rien à donner aux autres, rien du tout,   Après avoir dit cela la gamine se retira en larme. Les autres personnes assises autour de la table se turent en lançant des regards menaçant à Ôndete :   _ Quoi ? Fit-elle comme surprise de la réaction des autres _ C’est ta fille, fit l’une des jeunes femmes autour de la table, tu aurais pu faire preuve d’un peu de délicatesse… _ Pourquoi faire ? Au moins elle saura qu’elle ne doit pas revenir, conclut la mère de la gamine   Une à une les autres femmes présentes à table et certains des hommes se levèrent et quittèrent la petite assemblée qu’ils avaient formées sur la terrasse. Le vieux jardinier vit Oloun s’en aller en larme, il secoua la tête tristement, les enfants ! A force d’idéaliser des parents absents ils finissaient souvent par être déçu de cette affreuse manière. Il jeta un regard au petit groupe encore sur la terrasse et sourit. Ceux-là, ils seraient bien surpris par les dernières volontés du vieux, il y aurait bientôt des pleurs et des grincements de dents, n’en déplaise aux fainéants. Il était du genre à donner aux bosseurs et à laisser les paresseux dans la m***e, c’était tout lui. Et pour son dernier acte, ceux qui pensaient qu’il avait changé à cause de sa maladie allaient être plus qu’étonnés. Le vieil homme se remis au travail en remerciant le ciel d’avoir une famille aimante. Ses deux fils étaient des jeunes gens très attentionnés et il avait toujours une place pour lui à leur table, et dans leurs pensées. Il se rendait compte maintenant de sa chance. Et il le savait bien lui, que la méchanceté n’avait rien à voir avec la fortune d’une personne, il y avait des irresponsables et des méchants partout, c’était un fait. Et il espérait que la gamine s’en rendrait compte, et qu’elle n’en tiendrait pas rigueur à tous les membres de sa grande famille. Parce que, depuis que le vieux jardinier était entré au service de l’ancien maire, il avait vu défilé tout genre de personnalité et de caractère et il y avait beaucoup de bonne personne parmi elles.
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