Chap. 5
Oloun était en larme en quittant l’immense demeure de son grand-père, elle se rendait compte maintenant, de ce que son père avait tenté de lui expliquer, au sujet de sa mère. Elle n’était pas du tout, le genre de personne que la gamine s’attendait à rencontrer. On peut même dire qu’elle était carrément à l’opposé de ce à quoi Oloun pensait faire face. La jeune ado n’imaginait certes pas une grande scène de retrouvaille, pour autant, elle était loin d’imaginer l’indifférence dont sa mère avait fait preuve. Il faut avouer, que ce n’était pas non plus la grande scène de retrouvaille qu’espérait Oloun, la gamine n’était pas naïve à ce point. En fait, elle espérait secrètement que sa mère serait au moins curieuse de savoir quel genre de jeune fille elle était devenu, et aussi que peut-être, elle lui expliquerait pourquoi elle était partit, en la laissant derrière elle sans jamais prendre le temps, ni de donner des nouvelles, ni d’en prendre.
Cela n’aurait pas effacé toutes ces années d’absence, mais au moins cela leur aurait donné un sens, si futile soit-il. Durant tout ce temps et ce malgré le rêve qu’elle caressait de vivre un jour avec elle, Oloun savait au fond d’elle que sa mère n’était pas le genre de mère qu’avaient ses copines d’école. Le genre qui comme son père se levait aux aurores pour vous préparer le petit déjeuner, vous déposait à l’école ou alors vous emmenait faire les magasins le samedi, mais bon, personne n’est parfait. Mais même sans être ce genre de mère, elle s’attendait tout de même à avoir en face d’elle une maman.
Au lieu de rentrer chez elle, elle se rendit au bureau du chérif. De tous les membres de sa nombreuse famille, il avait toujours été celui dont elle était le plus proche. C’était surtout celui qui lui avait montré le plus d’affection depuis son enfance, les autres se tenaient à distance d’elle sous le prétexte que son père n’était pas commode et que l’homme refusait de faire des courbettes aux membres fortunés de son ex compagne. Ce qui en soi était déjà à la limite de l’excuse bidon, mais elle ne leur en voulait pas, d’ailleurs elle avait toujours aimé la vie aux côtés de son père alors… le chérif lui était différent des autres membres de cette famille. Il avait du temps pour tous ceux qui le voulaient, et aussi pour elle et son père.
Après le départ de sa mère, alors qu’elle était encore enfant, et après les multiples refus que son père avait opposé à sa riche famille qui aurait bien voulue la récupérer. Le chérif s’était fait un devoir, de leur rendre visite aussi souvent qu’il le pouvait, afin de prendre des nouvelles, et de voir comment Oboun s’en sortait avec elle. Et avec le temps, son père et le chérif étaient devenus très bons amis et elle, elle avait toujours put compter sur son oncle lorsque les choses étaient un peu compliquées à expliquer à son père. Et en matière de complication, cette rencontre décevante, il faut l’avouer, avec sa mère, battait tous les records. C’est donc tout naturellement qu’elle se rendit à son bureau en revenant de cette étrange entrevue.
Le chérif était en train de discuter, des mesures de sécurité à mettre en place, et à l’organisation à mettre sur pied afin de prévenir les débordements pendant la fête. Ce type de manifestation était toujours l’occasion pour les idiots du coin de faire parler d’eux, en mettant le bazar. Les accidents les plus étranges étaient aussi légion dans ce genre de fêtes. Deux années plus tôt, lors de la même célébration un type avait trouvé le moyen d’emboutir un lampadaire et de coincer sa voiture entre les plis de l’objet. Il avait fallu découper à la scie électrique la voiture et le lampadaire. Cependant vu l’épaisseur des métaux qui composaient les deux mécaniques, le gars avait dû attendre trois longues heures dans sa voiture, le temps que les pompiers trouvent le bon calibre de lame. Les habitants et le type s’en souviennent encore.
L’homme et ses gars étaient en réunion dans son bureau lorsqu’Oloun débarqua les larmes aux yeux. Il fit signe à ses collègues de tout arrêter, et les mis à la porte assez rapidement. Ce n’était pas courant de voir la gamine en larme, il pensa qu’elle avait eu un problème à l’école et s’attendait au pire. Il installa Oloun dans le fauteuil du petit salon de son bureau, et lui fit une tasse de chocolat. Cela lui prit un petit moment pour retrouver ses esprits, et tout expliquer au chérif. Il était soulagé d’entendre la jeune fille lui relater une simple histoire de famille au lieu de ce à quoi il s’était attendu d’abord. Pour autant il ne prit rien de tout ce qu’elle lui raconta à la légère, car il savait à quel point sa cousine pouvait être désagréable, lorsqu’elle s’y mettait mais, de là à humilier sa propre fille. Et ça devant les autres membres de la famille. Il n’en revenait pas.
Il attendit patiemment, que la petite se calme en buvant lui aussi une tasse de chocolat en sa compagnie. Il la regardait, lui qui n’avait pas eu la chance d’avoir des enfants, et se disait que s’il pouvait choisir un enfant, il la choisirait certainement elle. Une jeune fille douce et patiente, cultivée et organisée, il sourit en se disant cela. Aucun parent ne choisit un enfant pour ses talents d’organisatrice. D’ailleurs aucun parent ne choisit son enfant, ils se contentent de les aimer, et font au mieux pour leur donner ce qu’ils ont de mieux. C’est tout. Au final être parent ce n’était que ça, faire au mieux, avec ce dont on dispose afin de prendre soin de ses enfants. Le chérif ne savait pas s’il aurait fait un bon père, mais ce dont il était sûr, c’était qu’il aurait été un meilleur parent que sa cousine, cela ne faisait aucun doute.
Dès qu’Oloun eu terminée de boire son chocolat, elle sourit à son oncle. Elle savait que lui non plus, n’avait pas une très haute opinion de sa mère, alors… elle ne voulait plus parler d’elle, ce qu’elle voulait c’était rassurer l’homme que tout irait bien, et qu’elle allait bien. Mais ce qui l’inquiétait ou du moins qui la rendait triste, dans toute cette malheureuse histoire, c’était qu’elle avait brisé le cœur de son père, et tout ça pour qui ? Une mère qui n’avait aucune envie de la connaitre :
_ Ton père n’est pas quelqu’un de méchant, laisse lui du temps, mais j’ose espérer que cette rencontre avec ta mère t’aura servi de leçon
_ Oui tu peux en être certain,
_ Oh je ne crois pas, dit le chérif en la regardant
_ Comment ça ? S’étonna Oloun
_ Le vieil homme a pris certaines dispositions qui, vont modifier le comportement de ta mère envers toi dans quelques temps, j’ose espérer que tu garderas cet épisode en tête, et que tu ne détruiras pas le peu de cette relation privilégiée que tu as avec ton père, le chérif lui dit cela en la fixant le regard dur
Oloun ne comprenait pas, de quel vieil homme parlait le chérif ? Et quelles dispositions ce type avait-il prit ? Et aussi comment ces dispositions allaient-elles modifier le comportement de sa mère ? Elle aurait bien voulue le savoir. Mais soit, si le chérif ne voulait pas lui en dire plus, il avait probablement ses raisons. Elle n’allait pas commencer à l’interroger dessus, surtout qu’elle n’était pas venue pour ça. Elle s’attarda dans le bureau du chérif, le reste de l’après-midi, en lui expliquant qu’elle n’avait aucune envie de se retrouver seule chez elle :
_ Papa passe tout son temps libre chez madame Nkoghe, dès qu’il sort du garage, il va la retrouver et passe du temps avec elle et ne rentre qu’en début de soirée, je crois qu’il ne veut plus de moi, il considère que je l’ai trahi, et il n’a pas tort…
_ Bien sûr qu’il a raison, comment aurais-tu réagit toi à sa place ?
_ Mais c’est ma mère, j’ai le droit de vouloir la connaitre non ?
_ Je ne dis pas le contraire, mais il m’a raconté votre conversation, tu lui as donné l’impression, qu’il était responsable de la distance entre ta mère et toi, comme si durant toutes ces années, il avait volontairement gardé ta mère loin de toi, comme si c’était lui qui interdisait à ma cousine de prendre contact avec toi, c’est vrai ou pas ? Il dit qu’il croit que tu penses qu’il a fait en sorte que tu n’aies aucune nouvelle d’elle parce qu’il voulait la punir d’être partit, c’est vrai ça ? Interrogea le chérif
La gamine baissa la tête sans dire un mot, l’homme avait raison. C’était ce qu’elle avait insinué, lorsque son père avait tenté de la mettre en garde contre le comportement désinvolte de sa mère. Elle n’avait pas raison de se plaindre, son père ne faisait que réagir à ses accusations. N’importe qui d’autre aurait été aussi choqué que lui. Il l’avait élevé seul tout ce temps, et pensait avoir une place de choix dans son cœur, et avec ce qu’elle lui avait balancé à la figure, il avait dû se dire qu’elle n’était avec lui que parce qu’elle ne pouvait pas faire autrement, et que son cœur ne battait que pour sa mère. Et que tout ce temps ce qu’elle espérait, c’était de pouvoir aller vivre auprès de sa mère. Et maintenant que celle-ci l’avait rejetée, elle ne pouvait plus simplement retourner vers son père. Comme si rien de tout ceci ne s’était passé. Il penserait que ce n’était que par dépit qu’elle se rapprochait de lui. Encore une fois. Et qu’à l’image de sa mère, elle aussi finirait par le quitter sans se retourner.
Elle avait sacrifiée sa relation si belle avec son père. Les paroles de certaines de ses copines à l’école, qui n’avaient pas la chance de vivre quelque chose de semblable avec leurs parents, lui revinrent en mémoire, et elle s’en voulu encore plus. L’homme n’était pas rancunier, pour autant, il ne redeviendrait plus le père qu’elle avait eu jusqu’à aujourd'hui :
_ Et tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, tu n’es plus une enfant, fit le chérif, tu pouvais demander à rencontrer ta mère sans le blesser comme tu l’as fait
_ Je le réalise, j’ai brisé quelque chose en lui
_ Si vraiment tu veux que les choses s’arrangent avec ton père, il va falloir prendre tes distances avec ta mère quelques temps au moins, et excuse-toi, ce n’est pas une faiblesse de reconnaitre ses torts
_ Je sais bien, mais je ne suis pas sûre qu’il ait envie de me parler en ce moment et il le voudra encore moins lorsqu’il apprendra que je suis passée la voir
_ C’est vrai, mais tu as pris cette décision, tu vas devoir l’assumer maintenant, parles avec ton père et essaie de ne plus le blesser, il en a baver pour prendre soin de toi, tu ne sais pas le dixième de ce par quoi il est passé, alors il mérite que tu aies un peu de respect pour lui, tu vois bien comment les autres le traite, tu étais sa raison de tenir bon pendant les moments difficiles, tu n’avais pas le droit de le traiter comme ça, allez rassemble tes affaires, je te ramènes chez toi
Oloun remis dans son sac, les quelques babioles qu’elle en avait sorti pour s’occuper, et suivit le chérif hors de son bureau. L’homme avait beau ne pas être de la famille de son père, il avait cependant beaucoup de respect pour lui et le considérait comme un ami. Oboun lui avait terminé sa journée depuis peu, il était encore au garage parce que le patron avait insisté pour que tous les mécanos restent sur place, un petit nouveau allait rejoindre les rangs à partir du lendemain et il voulait que tout le monde le rencontre le soir même et que son espace de travail soit montré aux autres avant qu’il ne débute.
Oboun s’installa donc sur une chaise placée près de son établi, et attendait maintenant que le patron descende avec le gamin, il était d’humeur plutôt triste aujourd’hui et n’allait pas aller faire sa visite quotidienne à la vieille dame. Il avait envie de se retrouver au calme chez lui. Si la petite réunion avec le patron et le nouveau ne durait pas il prendrait du temps pour son potager. Ça faisait un moment qu’il n’y passait plus que le week-end, et encore. Il avait eu tellement de boulot ces dernières semaines que lui qui s’était toujours efforcé de finir son travail durant la semaine pour avoir des fins de semaines tranquilles, passait désormais ses samedis au garage.
Une demi-heure qu’ils étaient tous réunis dans la grande salle, et le patron n’était toujours pas descendu avec le nouveau. Les autres mécanos commençaient à s’échauffer et à s’impatienter. Ils se demandaient ce que ce « nouveau » pouvait bien avoir de si spécial pour que tous soient obligés d’attendre qu’on le leur présente. Akap l’ancien fut le premier à s’en prendre à la secrétaire qui les avait réunis dans la grande salle :
_ Tu es sûre que c’est le patron qui t’a demandé de nous retenir après le boulot aussi longtemps toi ? Fit-il en s’adressant à elle
_ Si tu veux en être certain tu n’as qu’à t’en aller et tu verras bien ce qu’il en dira lorsque tu viendras bosser demain
_ Continue de faire la maligne, tu verras un jour tu viendras ramper à mes pieds pour avoir du boulot ma pauvre
_ C’est ça tu peux toujours rêver Akap, j’ai un bon boulot ici et si le garage devait fermer, hé bien je t’annonce que tu es la dernière personne auprès de laquelle j’irais demander du taf, pauvre idiot
_ Qui tu traites de pauvre idiot ? S’enquit l’homme en fonçant sur elle
Oboun, qui se trouvait sur la trajectoire d’Akap, alla se tenir devant lui après avoir ôté son blouson. Le jeune homme ralentit en s’apercevant qu’Oboun était certes le moindre d’entre eux pour les « bons plans » mais il avait une carrure assez imposante. Et même s’il avait des doutes concernant le goût d’Oboun pour la bagarre, cela ne le désignait pas pour autant vainqueur en cas de face à face avec lui. Il freina donc son élan et se contenta de lui jeter un regard en biais :
_ Il ne sera pas toujours là ton chevalier servant, mademoiselle, lança-t-il en direction de la jeune femme
_ Ah tu veux dire que tu n’es capable de te battre qu’avec des femmes Akap c’est pitoyable,
_ Alene arrêtes de le provoquer toi aussi, d’accord, tu ne vas pas commencer à te disputer avec les employés de ton père, lui dit Oboun en se tournant vers elle
_ Tu sais bien que ce n’est pas mon genre mais celui-là il m’exaspère mon oncle, il m’…
_ Je comprends, coupa Oboun en montrant à la jeune femme le patron du doigt, mais ton père est là et il ne sera pas content de te voire faire un tel raffut d’accord
Elle se tourna sans plus rien ajouter vers la direction que l’homme lui avait indiquée du doigt. Son père arrivait en compagnie du nouveau, qui avait plus l’air d’un apprenti que d’un mécano. Elle remercia discrètement Oboun et se rapprocha de son père :
_ Je vois que tout le monde est là c’est une bonne chose, dit le patron en venant se tenir au centre de l’assemblée, le jeune que voici est un nouvel arrivant, il se nomme Ovono et il est primordial que vous vous habituiez à travailler avec lui. D’ici quelques mois vous saurez pourquoi, c’était tout pour aujourd’hui,
_ Papa la fête… suggéra la secrétaire en murmurant
_ Oui c’est vrai, à l’occasion de la célébration de la fête de la ville, le chérif a demandé que nous formions des équipes d’astreintes, la fête durera cinq jours et normalement cette période et fériée, mais avec les incidents et accidents divers qu’on compte chaque années à cette période, il faut que quelques-uns d’entre vous se portent volontaires pour travailler il me faut au moins trois équipes de deux, Oboun je voudrais que tu fasses partie de l’une d’elle
_ Comme vous voudrez patron,
_ Tu seras avec le nouveau, il sera plus à son aise en travailler avec toi, les autres vous inscrirez vos noms demain sur une fiche si vous êtes partant, et précisez avec qui vous allez bosser, je ne veux pas former des équipes qui passeront leur temps à se taper dessus, on aura bien assez à faire avec cette fête et les dingues qui viendront y assister
Les neuf mécanos assemblés autour du patron ne firent aucun commentaire, ils ne s’entendaient pas vraiment très bien entre eux, mais chacun savait avec qui il pouvait bosser sans que cela ne vire au drame. Façon de parler. Ceux d’entre eux qui étaient issus des anciennes familles de la ville, se considéraient comme des élites et, le patron savait qu’il ne pourrait pas compter sur eux c’était peine perdue. Mais fort heureusement, il ne lui fallait que quatre volontaires de plus. Il se dit que, certainement, ce serait les derniers embauchés qui accepteraient de se dévouer. Mais qu’importe, l’essentiel était de réunir les équipes dont il aurait besoin, pour le reste…
Une fois le speech du chef terminé Oboun alla récupérer son sac à dos et sortit du garage. Il faisait bon, l’air était frais et cela lui fit penser, que chaque année à cette époque tout le monde priait pour qu’il ne pleuve pas durant les quelques jours qu’allait durer la fête. La petite saison des pluies avait commencée et, paradoxalement c’était la période où il pleuvait le plus, même si ce n’était pas de grosses pluies. Il marchait tranquillement, en prenant le temps d’admirer les quelques décorations déjà mises en place par la ville. Il y avait comme chaque année, des guirlandes de fleurs accrochées aux lampadaires, et c’était toujours des fleurs odorantes si bien que toute la ville sentait bon le jardin.
Les peintures sur les routes avaient été refaites à neuf, ainsi que celles des bâtiments administratifs. Ceux qui en avaient les moyens refaisaient aussi peindre leurs palissades et souvent leurs maisons. La plupart des bureaux en ville arboraient désormais des pots de fleurs, ou des guirlandes de fleurs à leurs fenêtres, on aurait dit que cette fête était celle de la floraison. Quoiqu’il en soit, l’homme trouvait ce spectacle magnifique. Il ne prenait jamais part à la fête, mais les jours avant et après celle-ci, il aimait trainer dans les rues et regarder les décorations. En dehors des fleurs et des plantes qu’on mettait un peu partout, les gens du coin, aimaient accrocher ou disposer un peu partout des luminaires. Et ça c’était la nuit que c’était le plus intéressant à observer. Les formes et les couleurs de toutes ces lumières donnaient un air de petit coin de paradis à la petite ville.
Il n’allait pas avoir la chance de voir les luminaires allumés ce jour-là parce qu’il était à peine cinq heures de l’après-midi et il rentrait chez lui sans passer par la maison de la vieille dame. Aucune des ampoules n’était allumée à cette heure-là. Mais il appréciait tout de même les odeurs que répandaient les fleurs, pendues aux lampadaires, c’était incroyable. Et puis même sans être allumées toutes ces ampoules apportaient quelque chose de plus au paysage, il fallait bien le reconnaitre. Normalement pour arriver chez lui, à pieds, il ne fallait pas plus d’une vingtaine de minutes à l’homme, mais il arriva au bout d’une heure et demie. Il avait pris son temps et pour une fois, lorsqu’il avait croisé madame Elone, il s’était arrêté pour lui parler.
Elle s’était plainte de ne pas pouvoir arriver à prendre soin de ses filles, toute seule. Son salaire ne suffisait pas et les baby sitter lui revenaient beaucoup trop cher, les jours où elle était de garde la nuit :
_ Ce que je gagne en heure de nuit, et qui devraient m’aider un peu avec les charges de la maison va pour moitié en salaire de garde d’enfant, avait-elle dit à l’homme
_ Tu embauche des personnes qui travaillent pour des agences c’est pour cela,
_ Je sais bien mais tu sais que je n’ai pas de famille moi ici, et la famille de mon défunt mari fait comme si les filles et moi étions morte en même temps que lui,
_ Désolé je ne savais pas, fit Oboun sincèrement émut
_ Oh ! Qu’est-ce que tu aurais pu faire de toutes façons ?
_ Te proposer l’aide de la p’tite, Oloun est très responsable et puis tes filles ne sont pas des bébés,
_ Tu crois qu’elle serait d’accord ?
_ Je n’en sais trop rien, en ce moment je doute de savoir encore qui est ma fille
_ De quoi tu parles Oboun ? Il y a un problème avec la gamine ?
_ Oui et non, en fait je ne pensais pas que le retour de sa mère lui ferait cet effet, elle me reproche d’être la cause de la distance entre elles, elle a utilisée des mots que j’ai encore du mal à digérer, mais ça n’a rien à voir avec toi, tu devrais lui demander si elle peut faire ça pour toi et tu lui paieras ce que tu peux
_ D’accord, je vais discuter de tout ça avec elle demain après le boulot, je suis de garde cette nuit mais demain je serais libre alors je passerais vous voir avec une tarte
Oboun avait souri en entendant mentionner une pâtisserie, il savait que sa fille en raffolait. Cette conversation avec la jeune femme l’avait mis de bonne humeur. Il arborait maintenant un sourit niais en marchant. Et c’est dans cet état qu’il arriva chez lui. Il monta se changer, et se mis en tenue pour jardiner. Cela faisait un petit moment qu’il ne prenait plus de temps pour son potager. Il y faisait désormais triste mine. Les mauvaises herbes avaient envahi l’endroit, et quelques légumes trop mûrs pendaient au bout de leur tige tristement. Il commença par cueillir tous les légumes et fruits mûrs, puis, après les avoir déposé sur la table de la cuisine, en se disant qu’il verrait ce qu’il allait en faire plus tard dans la soirée, il se mit en tête de désherber.
Lorsque le chérif arriva avec Oloun, c’est occupé à nettoyer son potager de la mauvaise herbe, qu’il le trouva. Il nota qu’Oboun chantonnait, c’était bon signe se dit-il à lui-même. Il reprenait le dessus sur la tristesse qui le minait depuis des semaines à cause de sa conversation avec la gamine. Il se dirigea tout droit vers lui :
_ Bonsoir Oboun ! Fit le chérif en venant se tenir à ses côtés
_ Chérif ! Dit Oboun en sursautant, je ne vous ais pas entendu approcher
_ C’est normal, tu as l’air tout entier absorbé par ton boulot,
_ Oui, ça fait un moment que je n’ai pas mis les pieds ici, j’ai du travail en retard
_ Je connais ça, mais contrairement à toi, moi ce n’est pas au potager que j’ai du boulot en retard, c’est au bureau,
L’homme éclata de rire en entendant le chérif dire ça. Il s’imaginait bien que les préparatifs de la fête n’étaient pas une partie de plaisir pour tout le monde. Madame Elone lui avait dit qu’à l’hôpital c’était la folie, des commandes de plusieurs produits avaient été passées, des lits supplémentaires avaient été ajoutés aux urgences et dieu sait quoi d’autre encore. Les pompiers s’entrainaient deux fois plus, et avaient fait réviser tous leurs véhicules. Alors il s’imaginait bien que la situation du chérif pendant cette période n’était pas à envier.
Il se leva et le salua. Puis il l’invita à aller s’assoir sur la terrasse arrière. Il y avait là une table ronde en plastique entourée de quatre chaises. Ils y prirent place. Oboun demanda au chérif s’il voulait boire quelque chose mais il lui sembla préoccupé par tout autre chose :
_ Elle est allé voir sa mère ! Dit le chérif
_ Je m’en doute, c’est moi qui lui ai donné l’adresse de son grand-père, en partant d’ici sa mère a vendu tous ce que ses parents lui avaient légués, je me suis dit qu’elle allait sûrement descendre chez l’ancien
_ Et tu avais raison,
_ Alors ??? Elle va aller vivre là-bas avec elle ??
_ De qui tu parles Oboun ? Tu crois que cette folle est capable de s’occuper de ta fille ? Tu aurais dû me demander comment ça s’est passé d’abord, dit le chérif le regard sévère
_ Oh mes aïeux ! S’exclama Oboun, et dire que j’ai essayé de l’avertir de ne pas trop attendre de cette rencontre, qu’est-ce qu’elle lui a dit ?
_ Rien de bon, et la gamine et revenu de chez l’ancien les larmes aux yeux…
Oboun se passa la main dans les cheveux et soupira. Pourquoi avait-il fallut que la gamine s’obstine. Il comprenait bien que c’était sa mère mais, il avait beaucoup de mal avec son ex compagne. Cela lui avait pris du temps pour accepter qu’elle ne l’avait jamais aimé, et puis de se faire à l’idée qu’elle ne reviendrait pas, même pas pour la p’tite.