Introduction-1

2028 Words
Introduction (…) Aucune introduction ne peut être mieux appropriée à ce roman que quelques détails sur le personnage singulier dont le nom lui sert de titre et qui, à travers la bonne et la mauvaise renommée, a conservé une importance remarquable dans les souvenirs populaires. Cette importance ne peut être attribuée à la distinction de sa naissance qui, bien que celle d’un gentilhomme, n’avait aucune illustration et lui donnait peu de droits à commander dans son clan ; non plus que, malgré une vie agitée et remplie d’événements, ses hauts faits n’égalent ceux des autres pillards ou bandits qui ont acquis moins de renommée. Sa gloire vint en grande partie de ce qu’il habitait sur les limites des Hautes-Terres et qu’il joua au commencement du dix-huitième siècle les mêmes tours que ceux qu’on attribue généralement à Robin-Hood dans le Moyen Âge et cela à quarante milles de Glascow, grande ville de commerce et siège d’une savante université. Un homme qui réunissait les vertus sauvages, la politique la plus subtile et la licence sans bornes d’un Indien d’Amérique vivait en Écosse dans le siècle auguste de la reine Anne et de George I er . Il est probable qu’Addison ou Pope n’auraient pas été peu étonnés s’ils eussent appris qu’il existait, dans la même île qu’ils habitaient, un personnage de la profession de Rob-Roy. C’est ce contraste frappant de la civilisation d’un côté des montagnes et des entreprises aventureuses et contraires aux lois qui étaient accomplies par un homme vivant du côté opposé de cette ligne imaginaire qui créa l’intérêt attaché à son nom ; et même encore aujourd’hui : « Près et loin, à travers les vallons et les montagnes sont des êtres qui en attestent la vérité et s’animent comme le feu qu’on remue au seul nom de Rob-Roy. » (Wordsworth.) Rob-Roy possédait plusieurs avantages pour soutenir avec succès le rôle qu’il voulait jouer. Le plus grand était son intimité avec le clan Mac-Gregor dont il descendait : clan si fameux par ses infortunes et par l’indomptable énergie avec laquelle il se maintint uni en corps, malgré les lois qui poursuivaient avec la plus sévère rigueur ce nom proscrit. L’histoire de ce clan était celle de plusieurs autres dans les Hautes-Terres qui furent écrasés par des voisins plus puissants et forcés pour leur propre sûreté de renoncer à leur nom de famille et de prendre celui de leur vainqueur. Ce qu’il y a de plus particulier dans celle des Mac-Gregors, c’est leur obstination à conserver leur existence séparée et leur union comme clan, dans les circonstances les plus difficiles. (…) Le sept ou clan de Mac-Gregor prétend descendre de Gregor ou Gregorius, troisième fils, dit-on, d’Alpine, roi des Écossais, qui régnait vers l’an 787. Son origine patronymique est donc Mac-Alpine et on l’appelle communément le clan d’Alpine, nom que conservera une des tribus ou sous-divisions. C’est un des plus anciens des Hautes-Terres et nul doute qu’il ne soit d’origine celtique et qu’il n’eut à une époque des possessions très étendues dans le Perthshire et l’Argyleshire, auxquelles il continuait imprudemment à prétendre par le coir a glaive c’est-à-dire par le droit de l’épée. Vint un temps où les comtes d’Argyle et de Breadalbane essayèrent de faire comprendre les terres occupées par les Mac-Gregors dans ces chartes qu’ils obtenaient si facilement de la couronne, se constituant ainsi un droit légal, sans beaucoup d’égards pour la justice. Saisissant toutes les occasions d’empiéter sur les propriétés de leurs voisins moins civilisés, ils étendirent peu à peu leurs propres domaines sous le prétexte de concessions royales. Sir Duncan Campbell de Lochow, connu dans les Hautes-Terres sous le nom de Donacha-Dhu nan Churraichd, c’est-à-dire Duncan le Noir au Capuchon, parce qu’il avait la manie de porter une coiffure de ce genre eut, dit-on, de grands succès dans ces actes de spoliation sur le clan des Mac-Gregors. Chassé injustement de ses possessions, le clan dévoué se défendit courageusement et souvent obtint quelques avantages dont il usa avec une grande cruauté. Cette conduite, quoique naturelle si l’on songe au pays et à l’époque, fut présentée avec art dans la capitale comme provenant d’une férocité indomptable à laquelle il n’y avait d’autre remède qu’une destruction totale. Un acte du Conseil privé, à Stirling le 22 septembre 1563 sous le règne de la reine Marie, permet aux seigneurs les plus puissants et aux chefs des clans de poursuivre le clan Gregor avec le feu et l’épée : un acte semblable, en 1563, non seulement donne les mêmes pouvoirs à sir John Campbell de Glenorchy descendant de Duncan au Capuchon, mais défend aux sujets de la couronne de recevoir ou d’assister quelque individu que ce soit du clan Gregor, ou de lui procurer, sous n’importe quel prétexte, des habits ou de la nourriture. L’assassinat commis en 1589 sur la personne de John Drummond de Drummond-Ernoch, garde de la forêt royale de Glenartney, est raconté ailleurs dans tous ses horribles détails. Le clan Mac-Gregor jura sur la tête sanglante et détachée du tronc qu’il ferait cause commune en avouant ce nouvel acte de cruauté. Il s’ensuivit un arrêté du Conseil privé qui dirigea une nouvelle croisade contre le « méchant clan Gregor qui continue de répandre le sang, de se livrer au m******e, au pillage et au vol ». Dans ce document, des lettres de feu et d’ ép ée (letters of fire and sword) sont prononcées contre eux pendant l’espace de deux années. Le lecteur trouvera les détails de ce fait dans l’Introduction de la L égende de Montrose de cette nouvelle édition. D’autres faits, et ils sont nombreux, prouvèrent le mépris des Mac-Gregors pour des lois dont ils avaient souvent ressenti la sévérité sans jamais en éprouver la protection. Quoiqu’ils fussent peu à peu privés de leurs possessions et de tous moyens ordinaires de se procurer des aliments, on ne pouvait supposer qu’ils se laissassent mourir de faim tant qu’il leur resterait les moyens de prendre à des étrangers ce qu’ils regardaient comme leur propre bien. Dès lors ils s’abandonnèrent au pillage et s’accoutumèrent à répandre le sang. Leurs passions étaient impétueuses, et avec un peu de ménagement de la part de leurs voisins les plus puissants, on aurait pu facilement les empêcher de commettre aucune des violences dont leurs rusés ennemis prirent avantage pour attirer sur ces hommes ignorants le blâme et le châtiment. (…) Malgré ces actes de rigueur, exécutés avec la même énergie qu’ils étaient donnés, quelques individus de ce clan conservèrent encore des propriétés, et le chef du nom, en 1592, est désigné comme Allaster Mac-Gregor de Glenstrae. C’était, dit-on, un homme brave et actif mais on apprend, par sa confession à l’heure de sa mort, qu’il fut engagé dans bien des querelles sanglantes dont une enfin devint fatale à lui et à une partie de sa suite : ce fut le célèbre combat de Glenfruin, près de l’extrémité sud-ouest du loch Lomond, dans les environs duquel les Mac-Gregors continuaient d’exercer beaucoup d’autorité par le coir a glaive, ou le droit du plus fort, dont nous avons déjà parlé. Il y eut aussi de longues contestations entre les Mac-Gregors et le laird de Luss, chef de la famille de Colquhoun, puissante maison de la partie basse du loch Lomond. Les traditions des Mac-Gregors affirment que cette querelle s’éleva pour un sujet bien léger. Deux Mac-Gregors, étant surpris par la nuit, demandèrent asile dans une maison à un serviteur des Colquhouns ; on leur refusa l’hospitalité et ils se réfugièrent dans un des bâtiments extérieurs, prirent un mouton de la bergerie, le tuèrent, en firent leur souper, puis offrirent, dit-on, d’indemniser le propriétaire. Le laird de Luss fit saisir les coupables et en vertu de cette justice sommaire dont les barons féodaux abusaient si aisément, ils furent condamnés et exécutés. Les Mac-Gregors citent à l’appui de ces détails un proverbe commun dans leur clan et qui maudissait l’heure où « le mouton noir à la queue blanche devint un agneau » (Mult dhu an carbail ghil). Pour venger cette insulte, le laird de Mac-Gregor rassembla trois ou quatre cents hommes et marcha vers Luss, des rives de Loch-Long, par un sentier appelé Raid na Gael, ou le Sentier du Montagnard. Sir Humphrey Colquhoun reçut promptement avis de cette incursion et réunit des forces deux fois plus nombreuses que celles de ses adversaires ; entre autres des gentilshommes du nom de Buchanan, des Grahames et autres nobles du Lennox, avec une troupe de citoyens de Dumbarton, sous le commandement de Tobias Smollet, magistrat ou bailli de cette ville et l’ancêtre de l’auteur célèbre du même nom. Les deux partis se rencontrèrent dans la vallée de Glenfruin – la vallée du chagrin – nom qui semblait anticiper sur les événements de la journée, laquelle, fatale aux vaincus, devait l’être également pour les vainqueurs, « l’enfant qui n’était pas né du clan Alpine ayant eu sujet dans la suite de s’en repentir ». Les Mac-Gregors, un peu découragés par l’apparition d’une force si supérieure à la leur, furent conduits à l’attaque par un voyant qui prétendait voir leurs principaux adversaires enveloppés dans leur linceul. Le clan chargea avec furie le front de l’ennemi tandis que John Mac Gregor, suivi d’une troupe nombreuse, faisait sur le flanc une attaque imprévue. Une grande partie de la force des Colquhouns consistait en cavalerie qui ne pouvait agir dans un terrain gras. On dit qu’elle disputa avec bravoure le champ de bataille et fut enfin complètement mise en déroute. Les fugitifs furent massacrés sans pitié, deux ou trois cents de ces malheureux restèrent sur la place. Si les Mac-Gregors ne perdirent, comme on l’assure, que deux hommes, ils avaient peu de motifs de se livrer à une semblable boucherie. On dit que leur fureur s’étendit jusque sur une troupe d’étudiants en théologie qui étaient venus imprudemment pour être témoins de l’action. Le fait paraît douteux parce que l’acte d’accusation contre le chef du clan n’en parle pas, non plus que l’historien Johnston et un professeur Ross qui écrivit une relation de la bataille vingt-neuf ans après qu’elle eût été donnée ; et cependant il est attesté par les traditions du pays et par une pierre restée sur le lieu de combat qui est appelée Leck a Mhinisteir, la Pierre du Clerc ou du Ministre. Les Mac-Gregors imputent cette cruauté à un seul homme de leur tribu, célèbre par sa force et sa taille, appelé Dugald Ciar-Mohr ou le Grand Homme couleur de Souris. Dugald était le frère de lait de Mac-Gregor et le chef lui avait confié la garde de ces jeunes gens en lui enjoignant de veiller à leur sûreté jusqu’à ce que le combat fût terminé. Soit qu’il craignît qu’ils ne lui échappassent, soit qu’il eût été offensé par quelque sarcasme lancé contre sa tribu, peut-être même simplement excité par la soif du sang, ce barbare, tandis que les siens poursuivaient les fuyards, égorgea ses prisonniers sans défense. Lorsque, à son retour, le chef demanda où étaient les jeunes gens, le Ciar-Mohr (prononcez Kiar) tira son épée sanglante et dit : « Demande à ceci que Dieu ait pitié de mon âme. » Ces derniers mots faisaient allusion à ceux que ses victimes avaient prononcés tandis qu’il les assassinait. D’après cette version, il semblerait que cette horrible partie de l’histoire des Mac-Gregors est fondée sur un fait mais que le nombre des victimes du Ciar-Mohr a été exagéré dans les récits des Basses-Terres. Le bas peuple assure que leur sang ne put jamais s’effacer de la pierre. Mac-Gregor témoigna la plus grande horreur de cette action et reprocha à son frère de lait une atrocité qui allait inévitablement entraîner la destruction de son clan. Cet homme cruel qui était l’aïeul de Rob-Roy appartenait à la tribu de laquelle ce dernier descendait. Il est enterré dans l’église de Fortingal où l’on montre encore son tombeau couvert d’une large pierre. La force, le courage dont il était doué sont le sujet de plus d’une tradition. Le frère de Mac-Gregor fut du petit nombre de ceux qui périrent dans l’action. On l’enterra près du champ de bataille et la place est marquée par une pierre grossière appelée la Pierre grise de Mac-Gregor.
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