Chapitre 3La voiture noire ralentit et tourna dans un chemin caillouteux qui la fit tressauter de plus belle. Non loin, Abel vit grandir un mur de pierres blanches, flanqué de deux tours massives. Les portes colossales peintes en rouge de l’immense porche étaient ouvertes. La voiture s’engagea et s’arrêta le long d’un mur en moellons dans une cour fermée. Il y avait des poules, un chien, des pigeons, un chat noir qui courut se cacher. Abel descendit de la voiture, aidé du comte qui le réprimanda de nouveau parce qu’il ne savait pas ouvrir une porte de voiture. Abel était livide, à la limite de l’évanouissement. Contraint, il suivit le comte. Celui-ci l’emmena hors de la cour par une sortie située en face du grand porche, dans un bâtiment construit sur un replat dominant une vallée verdoyante. De là, on voyait des vaches qui ruminaient paisiblement entre une colline boisée et une autre couverte de prés découpés par des haies. Le comte ouvrit une porte donnant sur une pièce unique.
–Vous avez tout ce qu’il faut ici, vous vous débrouillez, demain debout et prêt pour sept heures !
Le comte tourna les talons et l’enferma à clef. Abel se précipita vers la porte close et tambourina tant qu’il put, sans aucun résultat bien sûr. Il n’y avait pas d’autre issue en dehors d’une petite fenêtre où il lui aurait été difficile de passer, même en l’absence de l’unique barreau de fer. Il se retrouvait donc seul, prisonnier d’un destin sur lequel il n’avait aucune prise.
La pièce où il se trouvait prisonnier comme un malfaiteur était tout en longueur et assez vaste. L’étroite fenêtre était avare de lumière. Sur la droite en entrant, trônait une cheminée altière et sûrement gourmande en bois dans laquelle un trépied et une grande marmite attendaient les ingrédients pour faire une bonne soupe. Plus loin à gauche, un lit collé contre le mur était prêt à recevoir toute insomnie et à ses pieds, un seau en émail pour les besoins. En face, une petite armoire et une console de toilette avec une vasque et un broc. Un buffet sous la fenêtre contenait le couvert et des victuailles. Dessus était posé un plateau avec un morceau de pain et une lampe à pétrole. Au milieu de la pièce trônait une grande table rectangulaire avec un tiroir et une chaise.
Abel n’avait jamais vu un tel luxe. Mais cela ne le consolait pas. Il était perdu et éperdu, tremblotant, n’osant bouger malgré une envie de se fracasser la tête contre les murs, une fureur contenue, mais jusqu’à quand ? Il finit par poser son dictionnaire sur la table et son cartable sur le lit. Il rangea ses maigres affaires, ôta ses sabots et marcha nu-pieds. Lui qui ne se posait pas de question, s’en posa une : allait-il être toujours enfermé par le Comte? Il s’assit et attendit que la nuit tombe car il n’avait envie que d’une chose, dormir pour oublier et ne pas souffrir. Il pensait à Madame Gaillard. C’était son Dieu à lui, même si c’était une femme. Il se coucha et se réveilla dix fois. À chaque éveil, il avait la gorge serrée et la bouche sèche et ressentait cette peur de ne plus s’appartenir, de ne plus être libre. Il revivait cette panique du premier jour où il avait été enfermé dans la classe de l’école comme une bête sauvage dans une cage.
Dès potron-minet, un vieil homme ouvrit la porte et entra dans la chambre d’Abel d’abord terrorisé avant d’être houspillé :
– T’es pas encore levé ! Grouille-toi !
Dix minutes plus tard, il était dans l’étable pour traire les vaches avec ce vieux qui ne s’était pas présenté et qui s’énerva :
– Tu ne sais point traire les vaches ? Mais où ils ont été me chercher cet imbécile ?
Le vieux, qui s’appelait Justin, voulut apprendre au nouveau venu la manière de s’y prendre pour faire gicler le lait du pis. Abel était incapable de trouver en un tournemain le geste pour traire. Tantôt il pinçait trop fort le pis de sa main tremblante, tantôt il y enfonçait ses ongles si bien que la vache tentait de lui donner un coup de sabot avec sa patte arrière. Justin, qui ne pouvait pas s’arracher les cheveux car il était chauve, abandonna et finit de traire les dix vaches dans cette odeur chaude et prégnante, mélange de purin et de lait frais. La traite terminée, le vieux lui montra comment enlever le collier des vaches qui allaient au pré, curer l’écurie, remplir la brouette de bouses et de paille mouillée d’urine et la pousser jusqu’au tas de f****r : dur, lourd, difficile, épuisant. Puis, les poules qui caquetaient dans la cour reçurent leur ration de blé lancée à la volée, puis les lapins dans leur clapier eurent leur chou cavalier, puis la truie grogna en voyant le seau de pommes de terre cuites vidé dans son auge. Cet immuable rituel, comme un ballet bien réglé, allait se répéter pour Abel tous les jours. Justin le faisait depuis cinquante-quatre ans, depuis qu’il était au service du comte.
Une fois ce travail terminé, ils partirent dans les champs ramasser des pommes de terre, chacun avec deux grands paniers en osier. Abel en bavait avec son croc mais faisait ce qu’il pouvait en tirant lentement sur la tige du pied pour le secouer et libérer les tubercules. C’était trop laborieux au goût de Justin qui pestait :
– Si j’avais su qu’il m’amenait un drôle comme toi, je serais parti. T’es pas causant. Tu sais pas parler ?
Abel hocha de la tête timidement. Justin leva les yeux au ciel et croisa ses mains implorant l’azur de venir à son secours. La journée continua sur le même rythme et se termina au potager. Abel était intéressé. Le miracle de la pousse des plantes et des fruits le subjuguait, l’efflorescence des bourgeons l’interpellait. Justin le raccompagna, passa à la cuisine des maîtres, lui coupa du pain et lui donna des œufs durs. Arrivé devant la soue, Justin ouvrit la porte de la pièce où logeait Abel et lui donna la clef. Ce bâtiment avait été abandonné bien qu’il abritât vingt box, la crise de la viande de porc ayant entraîné la fermeture de cet élevage jugé non rentable par le hobereau. À côté du lieu de vie d’Abel, une seule rescapée, une truie qui servait à faire des gorets pour la consommation personnelle du comte. Abel entra chez lui, dans cette ancienne souillarde dont les murs étaient imprégnés d’une odeur aigrelette de choucroute car on y cuisait autrefois les topinambours et les choux pour les cochons. Il regarda et soupesa la clef de son antre. Il ferma la porte puis dix minutes plus tard, il l’ouvrit. Libre. Libre de s’échapper ! Abel passa une bonne nuit. Savoir que l’on peut s’évader vaut n’importe quel somnifère.
Justin, qu’Abel devait remplacer sans que cela soit avoué, fit montre de patience avec ce jeune garçon de ferme qui allait, au fur et à mesure que le temps passait, devenir son protégé. Pendant un an, il lui apprit tout ce qu’il savait, au rythme des saisons, lui fit découvrir les lois de la nature. Abel, avec lenteur et acharnement, faisait de son mieux. Le jardin potager était son lieu de prédilection et il arrivait à faire des merveilles au grand étonnement de Justin. À tel point que le comte vint le constater par lui-même. Lorsque Justin, qui traduisait une demande d’Abel, lui demanda d’étendre la superficie du lieu, pour y cultiver aussi des fleurs, le comte ne broncha pas.
*
Il y avait cependant deux problèmes.
Le premier, c’était qu’Abel refusait de tuer les animaux. Justin dut se fâcher très fort et à son grand dam, le menacer de son bâton. Abel se souvint de la volée que lui avait infligé sa mère et chancelant, dut prendre un lapin par les oreilles, le sortir du clapier couinant, puis le pendre par les pattes arrière avant de lui asséner de toute ses forces avec le tranchant de sa main un coup sur le derrière de la tête. L’animal était devenu tout mou. Abel lâcha la bête qui tomba lourdement par terre, morte.
– Tu vois que c’est pas si compliqué que ça ! dit Justin.
Il lui montra comment saigner le lapin en lui arrachant un œil, le pendre à un crochet et le dépecer soigneusement car il fallait que la peau soit bien détachée avant de la faire sécher. Le marchand de peaux de lapin passait tous les trois mois mais ne payait pas les peaux fendues. Pour les poulets, on verrait demain. Abel était horrifié et tristement éprouvé.
Le deuxième problème, c’était qu’Abel ne parlait pas ou très peu, ce qui exaspérait Justin qui lui, était tout le contraire, une vraie pipelette. Il pensait tout haut et commentait tout ce qu’il voyait ; la couleur des nuages, l’ondoiement des épis de blé, le chat attrapant un mulot, le comte et sa nouvelle lavallière… Il parlait aussi de lui, constipé malgré son appétence pour les pruneaux ou épuisé par les douleurs de son dos. Abel faisait des efforts mais il restait renfermé, n’osant se livrer.
Abel avait son dimanche après-midi de libre depuis peu. Quand il faisait beau, il sortait sa chaise et la plaçait sur le replat un peu plus loin que la porcherie. Il contemplait le paysage. À droite, une petite falaise surplombée par le bâtiment nord du manoir de La Tricherie où se trouvaient le foin, la paille et les céréales sur un plancher surélevé au-dessus des barriques de vin et d’alcool. Plus loin, le jardin montait en pente douce jusqu’à l’orée du bois qui envahissait tout le dôme de la colline qui dévalait au fond du pré dans la vallée. Celle-ci devait mesurer trois cent mètres de long. À gauche, une colline plus douce se terminait sur un plateau où des champs de cultures céréalières s’étiraient à perte de vue. Les terres de La Tricherie s’étendaient sur une centaine d’hectares, toutes en fermage, ce qui faisait vivre le comte et sa famille. Au fond de la vallée, un bois dense et noir obstruait le couloir verdoyant entre les deux collines comme un barrage. Justin lui avait dit qu’il était interdit à quiconque de se rendre dans ce bois qui n’appartenait pas au comte et était situé en limite de propriété. Abel, assis sur sa chaise, promenait son regard d’une colline à l’autre et regardait paître les vaches dans la vallée mais ses yeux aimantés se fixaient sur le bois noir au bout du pré. Pourquoi était-il interdit de s’y rendre ?
Abel décida d’aller voir de plus près cette frondaison sombre, si peu attirante. Il contourna le manoir et longea le potager. Pour ne pas être vu, il décida de passer dans le bois. Il marcha entre les châtaigniers et les chênes, enjamba les ajoncs et se faufila dans les fourrés. Il ressentit un instant de bonheur en respirant cette fragrance des sous-bois qui lui rappelait son enfance et sa vie d’errance. Tout à coup, un renard s’enfuit à quelques mètres devant lui. En cet endroit de plus en plus escarpé, un rocher apparut, inaccessible. Il était entouré de halliers impénétrables. Il y avait une raison pour que l’animal sauvage soit terré en ce lieu hostile. Abel, avec son agilité naturelle retrouvée, parvint à se faufiler et à se hisser jusqu’à la paroi rocailleuse qui cachait dans son ombre un trou noir où le goupil avait sans doute fait son terrier. Curieusement, ce trou n’éveilla aucune curiosité chez Abel qui descendit de ce piège végétal et rocheux pour arriver entre la frontière de la colline et les bois noirs qui s’entremêlaient. Il entrevit le pré et s’y rendit. Il se retrouva au fond de la vallée et en se retournant, il découvrit le manoir de La Tricherie, altier, dominant ce site rupestre et reposant. Abel rebroussa chemin ne pensant plus qu’à une chose : s’enfoncer dans les bois noirs le prochain dimanche.
Quand il arriva au potager, ayant la sensation d’être épié, il fit mine de passer voir les plantations.
– D’où venez-vous ? dit une voix faible soufflée par une silhouette malingre aux contours irisés par le contre-jour du soleil couchant.
Abel comprit qu’il s’agissait d’Eudes, le fils du comte, un jeune homme souffreteux de dix-huit ans, atteint d’une maladie du cœur connue sous le nom de maladie bleue. Il ne lui répondit pas. Eudes, petit et affaibli, renchérit :
– Répondez à ma question.
– Bois, promené.
– La prochaine fois, emmenez-moi avec vous, je n’ai jamais eu le droit de m’y rendre.
Eudes s’approcha de son ouvrier agricole et lui demanda de ne rien dire à personne puis il disparut comme une ombre dans la douceur du soir. Abel s’enferma chez lui et ouvrit le premier volume de son dictionnaire Larousse, il le feuilleta longuement puis se fit une omelette. Quelqu’un frappa. C’était le fils du comte. Il entra, encore plus cyanosé qu’à l’accoutumée.
– Je n’ai pas le droit de venir ici, ne dites rien à personne. Surtout pas à Justin ! Voilà la raison de ma venue : il paraît qu’il existe un trou dans la forêt mais personne ne le trouve. Il faudrait que vous m’aidiez !
– Pourquoi ?
– Bien Abel, vous commencez à parler ! Je vous dirai plus tard.
– Voudrais passer le papier étude.
– Quoi ?
Abel essaya de lui expliquer par gestes qu’il aimerait passer son certificat d’études. Après plusieurs minutes, Eudes finit par comprendre le désir du commis.
– Je vais en parler à ma sœur, elle vous aidera.
À nouveau seul, Abel sortit de son cartable des billets et compta ses sous. Il avait dans l’idée de s’acheter un vélo. Pour contourner la colline de La Tricherie et se rendre aux bois noirs par la route, il devait y avoir un sacré détour à faire, impossible à envisager à pied en un dimanche après-midi.
Le lendemain, Abel demanda à Justin où il pouvait acheter un vélo. Justin, surpris, se proposa de l’aider et d’amadouer le comte pour avoir du temps libre pour faire cet achat. Celui-ci leur accorda une journée après qu’ils se soient occupés des bêtes. Aussitôt dit aussitôt fait, le lendemain, Justin et Abel partirent sur le vélo de Justin. Fallait voir l’équipage, avec Abel assis sur la selle arrière et qui freinait avec ses sabots la bicyclette alors que Justin s’époumonait en pédalant comme un forcené ! Heureusement, pour arriver à Pontouvert, il n’y avait que des descentes. Devant le marchand de cycles, Abel se sentit tout penaud mais Justin l’aida à formuler sa demande.
– J’ai un vélo idéal, celui-là, un Peugeot costaud.
Le mécanicien présenta un col de cygne avec des roues ballon et une selle à ressort.
– Mais c’est un vélo de femme ! protesta Justin.
– Mais non, tenez, essayez-le mon garçon, vous verrez !
Abel monta sur le vélo et essaya de pédaler mais tomba trois mètres plus loin.
– Attention à la peinture, imbécile !
Abel s’était fait mal au genou mais vida le bistrot d’à côté. Une dizaine de personnes se retrouvèrent sur le trottoir, le regardant remonter sur le vélo pour se vautrer à nouveau sur la caillasse blanche de la rue sous l’hilarité générale. Justin était furieux et voulait repartir mais Abel lui fit signe qu’il voulait ce vélo. Il paya et s’en alla à pied en faisant rouler son premier achat à côté de lui, sous les rires acides de la populace.
Le mécano fit le beau :
– Tournée générale, je l’ai bien eu cet imbécile, je lui ai vendu un vélo de femme invendable, un rossignol que j’ai depuis dix ans au fond du garage !
Tout le monde rigola et rentra dans le café de Gacon pour fêter l’évènement car c’en était bien un dans ce village où il ne se passait jamais rien.
– Qui c’est c’t’imbécile ? demanda Gacon.
– À c’qui paraît, c’est le remplaçant de Justin.
Pendant ce temps-là, Abel faisait danser son vélo, le poussant dans les raidillons en zigzaguant. Il était fier de son acquisition et arriva trempé de sueur à la Tricherie. Il traversa la cour du manoir, fier comme le coq qui chanta à son arrivée. Il mit l’engin dans une stalle à côté de la truie et rejoignit Justin en train de guider les vaches vers l’étable.
– Va falloir t’y mettre, mon gars, à la bicyclette.
Abel sortit son vélo tous les soirs suivants et apprit à pédaler dans la cour autour du puits, effrayant ici et là les poules et les pigeons. Quand le dimanche arriva, il était fin prêt à affronter la route. Il avait oublié Eudes qui lui barra le chemin.
– Où allez-vous ?
– Route.
– Pas question, vous m’emmenez dans les bois.
À contre cœur, il rangea son deux-roues dans la porcherie, se dirigea vers le potager et attendit à la lisière du bois. Quelques minutes plus tard, le petit homme bleu arriva.
– Il faut trouver un trou, Abel, vous entendez, un trou. Aidez-moi. On va aller par là.
Eudes montra le sommet de la colline et s’accrocha au bras de son serviteur mais il s’essoufflait rapidement, montrant d’évidents signes de faiblesse sur le plan respiratoire. Il dut s’arrêter pour reprendre de l’air.
– Continuons, je sens qu’il est par là, le trou.
Abel lui dit non de la tête et lui fit signe de ne pas persévérer. De plus en plus bleu sous la lumière tamisée des feuillages, il se mit en colère et lui demanda de le prendre sur son dos. Abel s’exécuta et transporta ainsi le chétif, obsédé par son trou dans la forêt. Une course perdue d’avance. Il fallut bien rentrer. Abel portait Eudes sur son dos depuis plus de deux heures et commençait à fatiguer. Quand ils revinrent au potager, ils eurent la surprise d’être accueillis par le comte, planté à côté des choux. Eudes se débattit pour descendre de sa bourrique et s’approcha peureusement de son père.
– Père, pardonnez-moi, je viens de passer un bon moment avec Abel. J’ai pu enfin voir l’intérieur des bois.
– Le médecin a toujours dit de ne pas vous éloigner de la maison.
– Je sais, mon père, mais pour une fois, je me suis senti normal. Et puis, je ne risque rien avec Abel !
– C’est vous qui le dites. Que cette incartade ne se renouvelle pas.
– Je vous en supplie, mon père, laissez-moi vivre !
– Il n’y a rien à voir dans ces bois. Ils sont dangereux : il y a une vieille qui rôde et qui mange les jeunes hommes.
– Vous me parlez de la vieille depuis que je suis tout petit, elle doit être morte depuis le temps !
– Cette vieille ne meurt pas. Elle rôde sans cesse. Elle a un crochet maléfique qu’elle accroche au menton des enfants pour les tirer irrémédiablement dans son trou pour les avaler tout crus.
– Mais je ne suis plus un enfant et je ne crois plus à vos sornettes ! Si on voit la vieille, Abel me défendra.
– Que nenni, elle a plus de pouvoir que vous ne l’imaginez.
La conversation s’éternisa. Le comte, un petit homme frêle au visage ingrat avec un long nez pointu, de petits yeux de fouine, des pommettes saillantes et des joues creuses, avait cependant une prestance étonnante. Son habillement suranné contribuait sans doute à lui donner de l’allure mais surtout, il avait une façon de s’exprimer souvent emphatique mais jamais hautaine. Floris Ancelin de Fonquebrune savait manipuler son monde.
– Je veux bien qu’Abel vous promène mais je vous interdis, et ce n’est pas un vain mot, je vous interdis d’aller à Fontgallow ! Compris ?
– Merci mon père, je vous le jure nous n’irons pas à Fontgallow.
Abel ne parlait pas mais savait écouter. Il planifiait déjà son parcours pour aller à Fontgallow, soit par les bois soit en vélo en explorant les alentours. Mais comment, désormais, pourrait-il échapper à l’œil d’Eudes ?