Vie de Laurence Sterne par sir Walter Scott-2

2000 Words
Near to this place Lies the body of The reverend LAURENCE STERNE, A.M. Died september 13, 1768. Aged 53 years. Près de cet endroit Gît le corps du Révérend LAURENCE STERNE, maître ès arts, Mort le 13 septembre 1768, À l’âge de 53 ans. À ces notices, nous ne pouvons ajouter que peu de circonstances. L’archevêque d’York, cité comme bisaïeul de l’auteur, était le docteur Richard Sterne, qui mourut en juin 1683. La famille était venue de Suffolk dans le Nottinghamshire, et est désignée par Guillam comme portant d’or au chevron entre trois croix fleurées de sable. Le cimier est ce starling au naturel qui pourrait encourir la censure d’un zélé héraut d’armes. C’est un jeu de mots sur estourneau, qui est le terme français pour starling, comme approchant du nom propre Sterne. Ceci peut s’appeler argot dans la langue héraldique, mais la plume d’Yorick l’a rendu immortel. Sterne fut élevé au collège de Jésus, à Cambridge, et y prit le degré de maître es arts en 1740. Son protecteur et patron, au début de sa vie, fut son oncle, le docteur Jacques Sterne, qui était prébendier de Durham, chanoine résident, grand chantre et prébendier d’York, et autres bonnes places. Le docteur Sterne était un whig ardent et le zélé partisan de la dynastie de Hanovre. La politique de cette époque étant extrêmement violente, il se trouva engagé dans beaucoup de controverses, particulièrement contre le docteur Richard Burton, chirurgien-accoucheur, qu’il avait fait arrêter, comme coupable de haute trahison, lors des affaires de 1745. Laurence Sterne, dans le mémoire qui précède cette notice, se représente comme en querelle avec son oncle, parce qu’il n’avait pas voulu l’aider de sa plume dans des controverses de ce genre. Néanmoins, il y a lieu de croire qu’il adopta, jusqu’à un certain point, les inimitiés de son parent, puisqu’il a voué le docteur Burton à une fâcheuse immortalité sous le nom du docteur Slop. Lors de son installation dans l’Yorkshire, Sterne a représenté son temps comme fort occupé par les livres, la musique et la peinture. Les livres semblent lui avoir été fournis en grande partie par la bibliothèque de Skelton Castle, demeure de son intime ami et parent John Hall Stevenson, auteur du spirituel et indécent recueil intitulé : Crazy tales, où se trouve une description fort comique de son antique résidence, sous le nom de Crazy Castle. Cette bibliothèque avait la même teinte d’antiquité que le château lui-même, et contenait sans aucun doute beaucoup de ce fatras de vieille littérature, dans lequel l’esprit laborieux et ingénieux de Sterne réussit à trouver une mine. Jusqu’en 1759, Sterne n’avait fait imprimer que deux Sermons ; mais cette année il surprit le monde par la publication des deux premiers volumes de Tristram Shandy. Sterne se dépeint lui-même dans une lettre à un de ses amis, comme « las d’employer son cerveau au bénéfice des autres – sacrifice insensé que j’ai fait pendant plusieurs années à un ingrat. » – Ce passage fait probablement allusion à sa querelle avec son oncle ; et comme il dit avoir pris une petite maison à York pour l’éducation de sa fille, il est vraisemblable qu’il comptait sur sa plume pour l’aider, quoique, dans une lettre à un docteur anonyme qui l’avait accusé d’écrire pour avoir nummum in loculo, il déclare ne point écrire pour se nourrir, mais pour s’illustrer. Tristram, toutefois, procura à l’auteur gloire et profit. Ce brillant génie, mêlé à tant d’originalité réelle ou feinte, l’ébahissement des lecteurs, qui ne pouvaient concevoir le but et l’objet de cette publication, ainsi que l’ingénuité de ceux qui essayèrent de découvrir l’intention de passages qui réellement n’en avaient aucune, donnèrent au livre un retentissement extraordinaire. Mais les applaudissements du public ne furent pas sans mélange de critiques. Sterne n’était pas dans de bons termes avec ses frères du clergé : il avait trop d’esprit et s’en servait avec trop peu de ménagements, trop de vivacité et trop peu de respect de son habit et de son caractère, pour se soumettre aux formalités, et même aux convenances de l’état ecclésiastique ; et de plus il avait, dans l’entraînement de sa gaieté, affublé quelques-uns de ses graves confrères d’épithètes et de rôles ridicules, qui, pour être spirituels à coup sûr et probablement applicables, n’en inspiraient pas moins de ressentiment. En effet, de demander à quelqu’un de pardonner une insulte en considération de l’esprit avec lequel le coup a été porté, bien que les plaisants aient souvent l’air de s’y attendre, est aussi raisonnable que d’engager un blessé à admirer les plumes coloriées sur lesquelles a volé le dard dont il a été percé. Le tumulte fut bruyant de part et d’autre ; mais au milieu des salves d’applaudissements et des cris de censure, la publicité Tristram de se répandit de plus en plus, et la réputation de Sterne grandit en proportion. L’auteur triompha donc, et défia les critiques. « On m’attaquera et on me jettera la pierre, » dit-il dans une de ses lettres, « soit de la cave, soit du grenier, n’importe ce que j’écrive ; et d’ailleurs, je dois m’attendre à avoir contre moi des centaines de gens qui ne rient pas, ou qui ne veulent pas rire – c’est assez que je divise le monde – du moins, je m’en tiendrai satisfait. » Dans une autre occasion il dit : – « Si mes ennemis savaient que par cette rage d’injures et de malveillance ils ont servi efficacement mes intérêts et ceux de mes ouvrages, ils resteraient tranquilles ; mais ç’a été le sort de gens supérieurs à moi, qui ont trouvé que le chemin de la renommée est comme le chemin du ciel, hérissé de tribulations ; et jusqu’à ce que j’aie l’honneur d’être aussi maltraité que l’ont été Swift et Rabelais, je dois rester humble, car je n’ai pas rempli à moitié la mesure de leurs persécutions. » L’auteur alla jouir à Londres de sa réputation, et il y obtint toute l’attention que le public accorde aux gens connus. Il se vante d’avoir eu coup sur coup quatorze invitations à dîner, et reçut cette hospitalité comme un tribut, tandis que ses contemporains voyaient cette dissipation sous un jour fort différent. « Tout homme qui a un nom ou qui a les moyens de plaire, » dit Johnson, « sera invité à Londres de tous côtés. Le sieur Sterne, m’a-t-on dit, a eu des engagements pour trois mois. » Les sentiments de moralité de Johnson et son respect pour le clergé le portaient à parler de Sterne avec mépris ; mais quand Goldsmith ajouta « et un fort lourd personnage, » il répliqua avec son emphatique : « Non pas, monsieur. » Les deux premiers volumes de Tristram servirent d’introducteurs – rôles singuliers pour eux assurément – à deux volumes de Sermons, que le simple nom du révérend Laurence Sterne (avant qu’il fût connu comme père de ce fantasque et capricieux enfant de l’imagination) n’aurait jamais recommandés à l’attention, mais qui furent recherchés et lus avec avidité sous celui d’Yorick. Ils soutinrent la réputation d’esprit, de talent et d’excentricité qu’avait l’auteur. Les troisième et quatrième volumes de Tristram parurent en 1761, et les cinquième et sixième en 1762. Ces deux publications furent aussi populaires que celle des deux premiers volumes. Les septième et huitième, qui furent donnés en 1765, n’attirèrent pas autant l’attention. La nouveauté était usée en grande partie, et quoiqu’ils contiennent quelques-uns des plus beaux passages qui soient jamais sortis de la plume de l’auteur, ni l’oncle Toby ni son fidèle serviteur ne suffirent pour attirer la faveur du public au même degré qu’auparavant. Ainsi, la popularité de ce singulier ouvrage fut pendant quelque temps entravée par le style particulier et affecté qui avait d’abord séduit par sa nouveauté, mais qui cessa de plaire quand il ne fut plus nouveau. Quatre autres volumes de Sermons parurent en 1766, et en 1767 le neuvième et dernier volume de Tristram Shandy. « Je n’en publierai qu’un cette année, » dit-il, « et l’année prochaine je commencerai un nouvel ouvrage en quatre volumes, lesquels finis, je continuerai Tristram avec une nouvelle ardeur. » Le nouvel ouvrage était indubitablement son Voyage Sentimental, pour lequel, d’après le témoignage de La Fleur, Sterne avait amassé beaucoup plus de matériaux qu’il n’en devait paraître au jour. La santé de l’auteur était alors devenue extrêmement faible ; et son voyage en Italie avait pour but de le guérir, s’il était possible, de la phtisie dont il était atteint. Le remède fut sans succès ; cependant Sterne vécut assez pour arriver en Angleterre, et il eut le temps de préparer pour la presse la première partie du Voyage Sentimental, qui fut publiée en 1768. C’est ici qu’il convient d’insérer les renseignements sur Sterne et son valet La Fleur, qui se trouvent dans l’intéressant recueil d’anecdotes de M. Davis, et qu’il a intitulé Olio. « La Fleur était né en Bourgogne. Tout enfant il conçut un v*****t désir de voir le monde ; et à l’âge de huit ans il s’enfuit de chez ses parents. Son air prévenant fut partout son passeport, et tous ses besoins furent aisément satisfaits – du lait, du pain et un lit de paille chez les paysans, étaient tout ce qu’il lui fallait pour la nuit, et le matin son désir était de se remettre en route. Il continua cette vie errante jusqu’à l’âge de dix ans ; alors, un jour qu’il était sur le Pont-Neuf à Paris, considérant d’un air émerveillé les objets qui l’entouraient, il fut accosté par un tambour qui l’enrôla facilement. Pendant six ans La Fleur battit du tambour dans l’armée française ; deux années de plus lui auraient donné droit à son congé, mais il préféra le prendre par anticipation, et, changeant d’habit avec un paysan, il s’évada sans peine. À l’aide de ses anciens expédients, il gagna Montreuil, où il se présenta lui-même à Varenne, qui heureusement se prit de fantaisie pour lui. Le peu dont il avait besoin lui fut donné de bon cœur ; et comme ce que nous semons, nous désirons le voir fleurir, ce digne aubergiste promit de lui procurer un maître ; et trouvant que le meilleur n’était pas au-dessus de ce que La Fleur méritait, il promit de le recommander à un milord anglais. Par bonheur il put tenir aussi bien que promettre, et il le présenta à Sterne aussi mal peigné qu’un poulain, mais plein de santé et d’enjouement. Voici ce qu’il y a de vrai dans le petit tableau que Sterne a fait des amours de La Fleur. – Il était épris à Montreuil d’une très jolie fille, l’aînée de deux sœurs, qui, si elle était encore en vie, dit-il, ressemblait à la Marie de Moulins : il l’épousa, et quelque preuve d’affection que ce pût être, ce n’en était pas une de prudence, car il n’en fut pas d’un iota plus riche ou plus heureux qu’auparavant. Elle était couturière, et le travail le plus assidu ne lui procurait pas plus de six sous par jour. Voyant quelle contribuait peu à les soutenir, il s’en sépara, après avoir eu d’elle une fille, et se mit en service. Enfin, avec l’argent qu’il avait amassé comme domestique, il revint trouver sa femme, et ils prirent un cabaret, rue Royale, à Calais. – Sa chance y fut mauvaise – la guerre éclata ; et la perte des marins anglais qui montaient les paquebots, et qui formaient son principal achalandage, réduisit tellement ses petites affaires, qu’il fut de nouveau obligé de quitter sa femme, et de lui confier le soin de diriger le petit commerce qui ne suffisait pas à les faire vivre tous les deux. Il revint en mars 1783, mais sa femme avait disparu. Une troupe ambulante de comédiens, qui passait par la ville, l’avait décidée à quitter sa maison, et depuis lors il n’avait eu d’elle aucunes nouvelles directes ni indirectes. Depuis la perte de sa femme, disent nos renseignements, il est fréquemment venu en Angleterre (il est extrêmement partial pour les Anglais), tantôt comme sergent, tantôt comme exprès. Où il fallait du zèle et de l’activité, La Fleur n’était jamais en défaut. » Outre les renseignements de La Fleur sur lui-même (continue M. Davis), l’auteur de ce qui précède obtint de lui plusieurs petits détails relatifs à son maître, aussi bien qu’aux personnages qu’il a décrits : j’en donnerai quelques-uns mot pour mot, attendu qu’ils perdraient à être abrégés. « Il y avait des moments, » dit La Fleur, « où mon maître paraissait plongé dans l’abattement le plus profond – alors il réclamait si rarement mes services, que parfois, dans mon appréhension, je forçais sa porte pour lui suggérer ce que je croyais propre à distraire sa mélancolie. Il avait coutume de sourire à mon zèle bien intentionné, et je pouvais voir qu’il était heureux d’être secouru. Dans d’autres, il semblait avoir reçu une nouvelle âme. – Il se lançait dans la légèreté naturelle à mon pays, » dit La Fleur, « et criait assez gaiement : Vive la bagatelle ! Ce fut dans un de ces moments qu’il fit connaissance avec la grisette du magasin de gants – elle vint ensuite le voir chez lui, sur quoi La Fleur ne fit pas une seule remarque ; mais en nommant la femme de chambre, autre visiteuse, il s’écria : C’était vraiment dommage – elle était si jolie et si petite ! »
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