Je nous autorise une minute sentimentale et dans laquelle nous faisons ressortir notre côté gonzesse. Je le prends dans mes bras et il me rend mon étreinte.
— Merci Josh, pour tout.
— De rien, les amis c’est fait pour ça.
Nous restons quelques secondes dans la même position avant de nous séparer. Josh me frappe l’épaule afin de donner à cet instant un côté masculin et je le remercie pour ça.
— Je vais y aller, June doit m’attendre.
— Pas de soucis, embrasse-la pour moi.
Il me fait un clin d’œil et se dirige vers la porte. Avant qu’il la franchisse, il se tourne vers moi et avec un air moqueur me lance :
— Et s’il te plaît, va prendre une douche !
— Promis j’y penserai.
Nous explosons tous les deux de rire et il finit par partir.
Ce mec est un vrai connard, mais je ne le remplacerai pour rien au monde.
Chapitre 3
Skin, Rag'n’Bone Man
Sara
J’angoisse, oui j’angoisse… Ma sœur débarque dans trois jours et j’ai peur. Peur d’elle, peur de sa réaction, bref une multitude de sentiments se bouscule et je ne sais plus du tout où j’en suis. Le seul moyen que j’ai trouvé pour évacuer tout ça hormis la danse, c’est courir. Avec Central Park comme terrain de jeu, mon esprit arrive à divaguer, emporté par la musique qui rythme mes foulées et ce merveilleux paysage qui défile sous mes yeux. J’aime être entourée de toute cette verdure, de ces oiseaux qui chantent et de ce lac. Ce poumon au cœur de la ville s’avère être apaisant, je ne m’en lasse pas. Si je le pouvais, je photographierais à l’aide de ma rétine chaque recoin afin d’y graver les images dans ma tête. Cet endroit est magnifique, et est en quelque sorte devenu mon refuge lorsque les portes de la Fletcher School sont closes.
Ce matin, alors que l’aube venait à peine de se lever et que le ciel était parsemé de taches rose orangé, j’ai pris la décision d’aller décompresser, le sommeil m’ayant quitté depuis un bout de temps. Depuis mon arrivée à New York, je dors peu et cette dernière semaine, c’est encore pire. Le fait de savoir qu’Alex va bientôt poser les pieds sur le sol américain n’arrange pas les choses.
C’est bizarre, j’ai à la fois hâte de la serrer dans mes bras, mais suis tétanisée à l’idée qu’elle me fasse des reproches. Qu’elle me reproche mon choix, celui d’être partie. Ma sœur a l’esprit ouvert et, dans un sens, a parfaitement compris mon besoin de fuir, même si je sais qu’elle en a souffert et c’est toujours le cas aujourd’hui. Je ne veux juste pas la voir contrariée, je ne veux pas qu’elle m’en veuille une fois face à moi et me dire que je ne suis qu’une égoïste, car dans le fond, ça je le sais déjà. Je veux juste son soutien, retrouver mon pilier le temps de quelques jours.
À mon arrivée ici, je ne savais pas comment annoncer la nouvelle. Pour Alex, j’ai fait les choses simplement, comme si tout était normal. Un coup de téléphone et c’était réglé, mais pour les autres, j’avais une énorme boule au ventre. Ceux qui l’ont moins bien pris sont Justine et étonnamment Josh !
En ce qui concerne Ju, c’est compréhensible ! J’abandonnais ma meilleure amie pour voguer vers de nouveaux horizons sans même lui en avoir parlé. Elle a eu énormément de mal à l’accepter, elle s’est sentie trahie et mise de côté. Elle m’a fait la tête pendant plusieurs jours, mais à force de lui expliquer qu’être ici me permettait de réfléchir et d’oublier, elle a accepté mon choix non sans larmes. Elle me manque énormément, mais je sais que notre amitié résistera à cette distance. Malgré les kilomètres, nos séances potins n’ont pas été mises à mal bien au contraire ! Deux copines séparées égalent à deux fois plus de ragots, même si, il faut être honnête, Justine est celle qui y prend le plus de plaisir. Elle me signale la moindre information et j’adore ça, mais moi, je n’ai pas grand-chose à lui dire. Je n’ai pas d’amis ici, les seules personnes que je côtoie sont mes élèves, Madame Fletcher et la caissière de la supérette du coin. Je ne cherche pas à aller vers les autres, c’est en quelque sorte la punition que je m’inflige, mais c’est surtout que je n’ai pas envie de faire d’efforts.
Et Josh, parlons-en de Josh ! Je ne m’attendais pas à une telle réaction… Il m’en voulait tellement ! Je crois que s’il avait pu, il serait venu me chercher par la peau des fesses et m’aurait ramenée à Paris. Lorsque je l’ai eu au téléphone, il y avait tellement de haine et de colère dans sa voix, il était déçu et bien plus encore… Pour lui, j’abandonnais. J’abandonnais ma vie, ma carrière, tout ce que je lui avais promis, et surtout Noah ! J’ai ri jaune, car si j’en suis là, c’est à cause de son connard de pote. Je n’ai pas mâché mes mots, je lui ai dit tout ce que j’avais sur le cœur, tout ce que Noah m’a fait, NOUS a fait ! J’ai déblatéré sans qu’il ne m’interrompe et une fois terminé je me suis sentie légère. Nous avons fini par discuter calmement, je ne sais pas s’il approuve réellement mon choix, en tout cas, il a fait comme si. Mais surtout, je lui ai fait promettre de ne rien dire à Noah, de ne pas lui parler de New York. Je ne tiens pas à le voir débarquer. Je veux me reconstruire et devenir plus forte avant de l’affronter, je veux qu’il ait mal comme il n’a jamais eu mal.
Je ralentis le rythme de mes foulées, et finis par rentrer en trottinant à mon appartement situé à cent mètres de Central Park.
Je dois ce logement à Madame Fletcher. Elle me loue à un prix modeste un pied à terre au dernier étage d’un immeuble. Ce dernier est tellement grand que l’on pourrait choper un torticolis rien qu’en levant la tête. Et le must, c’est le petit rooftop 2dont je bénéficie. Le toit est parfaitement aménagé d’une petite table basse en pin, un canapé d’extérieur couleur crème et fauteuils de même couleur, des lampions pour avoir un peu de lumière. C’est très cocooning, j’adore m’y rendre en début de soirée pour admirer la vue sur tout New York.
À peine sortie de la douche où j’ai passé vingt bonnes minutes à détendre mes muscles, on sonne à la porte. Je me demande vraiment qui ça peut bien être ! À part Madame Fletcher je n’en ai aucune idée. La personne me fait de nouveau part de sa présence, mais avec plus d’insistance.
— C’est bon, ça va, j’arrive, deux minutes ! lâché-je dans un anglais parfait.
Mon visiteur, appuie toujours avec plus d’ardeur sur la sonnette.
— J’ai dit j’arrive !
Putain, je n’ai pas encore vu qui c’était, mais il me fait déjà chier !
J’enfile à la va-vite un short et un débardeur avant d’ouvrir à mon inconnu dépourvu de patience.
— Je peux vous…
Oh non, non, non ! Tout mais pas ça !
J’essaie de refermer rapidement la porte sans pour autant y arriver. Il m’en empêche en passant son pied dans l’entrebâillement. J’essaie de résister, mais c’est peine perdue. Eh merde…
— Je peux savoir ce que tu fais là ?
— Ta mère m’a dit que tu étais à New York, du coup…
— Du coup quoi ? Tu voulais me voir ? Eh bien, c’est fait, maintenant tu peux partir !
— Non, il faut qu’on parle !
— Il en est hors de question, je veux que tu t’en ailles. Dégage de chez moi !
Brad… Il faut que je tombe sur Brad… Quelqu’un doit m’en vouloir, ce n’est pas possible autrement ! Et ma mère, j’aurais dû m’en douter. Incapable de tenir sa langue et toujours à vouloir jouer au bon Saint Maritain. Si je suis venue ici pour avoir la paix, et non pas pour que mon connard de père (et encore si on peut appeler ça un père) vienne me rendre visite. Et en plus, que vient-il faire ici, à New York ? Je sais qu’il habite aux États-Unis, mais là c’est le summum !
— Sara, parle-moi sur un autre ton ! Je suis ton père !
À qui croit-il parler ? À la gentille petite Sara, celle qu’il a quittée alors qu’elle n’avait que trois ans ?
— C’est Louis mon père ! Toi, tu es juste celui qui m’a transmis son code génétique. Tu n’as aucun droit sur moi.
À la lueur qui passe dans ses yeux, je vois que je l’ai blessé, mais je n’en ai strictement rien à foutre ! Il peut me faire son visage rempli de pitié ou n’importe quoi d’autre, je m’en contre-balance. Cet homme n’est strictement rien pour moi. Depuis le jour où il a décidé de nous abandonner et de ne plus prendre de nouvelles, il est sorti de ma vie.
— Arrête de faire ta gamine tu veux ! Tu n’as plus cinq ans !
— Peut-être, mais la douleur que tu m’as infligée ne va pas disparaître sous prétexte que tu as décidé de revenir dans ma vie. C’était avant qu’il fallait y penser, avant de te barrer à l’autre bout du monde et de couper tout contact avec tes enfants.
Sans même que je le voie venir, il me gifle violemment. Une douleur lancinante irradie ma joue.
— Sara… Je… Excuse-moi, je ne voulais pas…
— Ne me touche pas !
Il est tout confus et essaie d’établir un contact physique avec moi, mais je nous impose une distance de sécurité. Si mes yeux pouvaient tuer, Brad serait certainement mort. Ce connard a été absent pendant presque vingt-deux ans et il se permet de faire ça ! Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez lui ?
— Écoute Sara, les choix que je fais, je les regrette. Ma vie a juste pris le dessus…
— Ta vie a pris le dessus ! Nan, mais dis-moi que c’est une blague ? Ta vie c’était Alex et moi, et non tout foutre en l’air pour faire je ne sais quoi. Tu t’es peut-être séparé de maman, mais tu n’avais pas le droit de te séparer de tes filles. Maintenant, il est trop tard pour revenir en arrière, tu as fait ton choix il y a des années. Tu as préféré ta petite personne à ta propre famille. On ne te demandait pas grand-chose, juste revenir pour les vacances, avoir un coup de téléphone, une carte postale, juste un signe.
Je lui crache mon venin et surtout tout ce qui me pèse. J’ai l’impression d’enlever petit à petit ce poids sur mes épaules.
Même si en la personne de Louis, j’ai trouvé un père extraordinaire et que je n’ai manqué de rien, j’en voudrais toujours à Brad. Pour moi, Brad a échoué, il n’a pas tenu la promesse qu’il nous a faite à Alex et moi lors de notre venue au monde. Il s’est défilé il y a bien des années et maintenant il est trop tard pour revenir. Je l’ai remplacé dans ma tête et dans mon cœur.
— Tu sais, j’ai très certainement repris contact avec ta sœur et toi trop tardivement, mais laisse-moi une seconde chance, s’il te plaît Sara ! Alexandra l’a bien fait, alors pourquoi pas toi ?
— Tout simplement parce que je ne suis pas Alex ! Elle t’a peut-être pardonné, mais pas moi, c’est au-dessus de mes forces. Si tu n’étais pas parti, tout serait certainement très différent. Il a bien longtemps, tu as décidé de ne plus avoir de contact avec moi et bien aujourd’hui, je prends exactement la même décision avec toi. Je ne veux plus te voir, est-ce que tu m’as comprise ?
— Je t’ai bien entendue, mais sache une chose, tu es MA fille et que tu le veuilles ou non, je ferai toujours en sorte de pouvoir te voir. Je reconnais mes erreurs du passé cependant, je compte bien les rattraper, donc attends-toi à me voir dans un futur plus ou moins proche.
Bordel ! Si on cherchait de qui je tiens mon caractère à la con, je crois que j’ai trouvé. J’espère juste plus tard ne pas faire les mêmes conneries que lui.
— C’est bon ? T’as fini ?
— Non, si je suis venu ce n’est pas pour me disputer avec toi, mais pour te donner ça.
Il me tend un paquet cadeau de forme rectangulaire. Je me demande sincèrement ce qu’il peut y avoir à l’intérieur et surtout pourquoi m’offre-t-il quelque chose ?
— Étant donné que ton anniversaire est dans quelques jours, j’ai tenu à t’apporter ceci. C’est trois fois rien, mais je tenais à ce que tu l’aies.
Je suis censée dire quoi ? Oh, merci papa pour le cadeau ? Si c’est ce qu’il cherche, il peut toujours rêver ! Je n’ai jamais rien eu de lui. J’ai assez espéré petite recevoir quelque chose venant de sa part, mais aujourd’hui ça me fait ni chaud, ni froid.
— Merci !
Simple et concis. Je n’ai pas envie de faire dans l’épanchement de sentiment et encore moins avec Brad.
— Tu ne l’ouvres pas ?
— Comme tu l’as si bien dit, mon anniversaire est dans quelques jours donc je l’ouvrirai à ce moment-là.
— Comme tu voudras…
Nous restons plusieurs secondes à nous regarder sans prononcer le moindre mot. La situation est assez gênante… Il voudrait que je l’invite à entrer pour en savoir plus à mon sujet, j’en suis convaincue, mais c’est au-dessus de mes forces. Ce jour-là n’est pas prêt d’arriver et n’arrivera certainement jamais !