Une mère avant d’être une compagne

Chapitre 1

Bang Bang*

J'entends quelqu'un frapper à la porte, et je sais que c'est Grace. Elle est ma meilleure amie depuis que nous avons 10 ans, et elle vient me sortir du lit chaque matin depuis six semaines. Il y a six semaines, ma vie entière a été bouleversée. Mes parents, mon frère Lev et moi étions tous assis autour de la table en train de manger des crêpes avec des fruits et de la crème fouettée pour le petit déjeuner ; la spécialité de ma mère des samedis.

Nous parlions et profitions de la compagnie des uns des autres comme n'importe quel autre samedi matin lorsque tout a changé. Mon père a dit que l'Alpha voulait qu'il évalue une incursion à la frontière est. Ma mère, étant médecin, voulait accompagner mon père pour s'assurer que tous les membres de la meute allaient bien.

Mon père était un Gamma ; troisième dans la hiérarchie à Cold Moon. Cold Moon est l'une des meutes les plus fortes qui existent. Mon père était si fort, je n'arrive toujours pas à croire qu'il soit vraiment parti. Je n'arrive pas à croire qu'ils soient tous les deux partis. L'Alpha avait reçu des nouvelles que des renégats franchissaient la frontière est de nos terres de meute.

Tout d'abord, il avait envoyé une douzaine de guerriers, et quand l'Alpha a pensé que la menace très mineure était sous contrôle, il a envoyé son Gamma pour obtenir des détails sur ce qui s'était passé et faire un rapport. Mon père pensait que tout était fini, et qu'il ne ferait que questionner nos guerriers et d'éventuels prisonniers, donc quand ma mère a demandé à l'accompagner, il a accepté.

Mon père ne l'aurait jamais laissée partir s'il avait su. Quand mes parents sont arrivés à la frontière, tout était calme. Pendant que mon père questionnait tout le monde, la frontière a de nouveau été franchie. Cette fois avec 60 renégats. Les 15 guerriers avec mes parents ont rapidement été submergés. Ce jour-là, nous avons perdu 25 membres de notre meute : de nombreuses familles ont été touchées par cette perte.

Mon frère Lev a vingt ans, et il a été propulsé au poste de Gamma pour remplacer mon père. Il n'a pas la possibilité de rester au lit et de faire son deuil, et de ressentir tout comme moi. Il a des gens qui comptent sur lui ; des gens qui dépendent de lui. Il allait obtenir le poste de Gamma dans quelques années lorsque mon père prendrait sa retraite. C'était toujours son destin, cela s'est juste produit plus tôt que nous ne le pensions tous. Son entraînement de Gamma est très chronophage, et cela rend cette maison si vide et si solitaire.

Enfin, j'entends ma porte de chambre s'ouvrir. Grace entre, laisse tomber son sac, enlève ses sandales et se jette sur mon lit – enroulant ses bras autour de moi. Elle sait que si je ne réponds pas à la porte, c'est parce que je suis en train de pleurer.

« Lev t'a laissé entrer ? » je chuchote, parce que j'ai peur que ma voix se brise.

« Hum-hum, » elle marmonne.

Après une minute de silence, je parviens à me composer un peu, « Je suis désolée d'être dans un tel état, et de ne pas avoir répondu à la porte. Et que tu sois toujours là pour ramasser les morceaux de ma vie. »

« Lexi, c'est ici que je veux être. Je t'aime. Tu es ma meilleure amie, et je déteste que tu souffres. Je veux être là pour toi, et aider à ramasser les morceaux. Arrête de te sentir mal à cause de ma présence, » ordonne Grace.

Je la regarde, et le regard dans ses yeux et l'autorité dans sa voix me disent qu'elle veut dire ce qu'elle dit. J'ai tellement de chance de l'avoir comme meilleure amie. Je ne sais pas où je serais à travers tout cela si je ne l'avais pas. « Allons-y. Lève-toi. Nous allons nous shifter et aller courir aujourd'hui. Brûler un peu d'énergie te fera du bien, et tu as besoin de sortir de cette maison, » ordonne-t-elle.

J'essuie mes larmes et me force à me lever. En me brossant les dents, je prends conscience de l'image qui s'offre à moi. Mes longues boucles noires sont ternes, frisées et emmêlées, ma peau est plus pâle que d'habitude. Mes yeux bleus ne ressortent plus comme avant. J'ai des cernes sous les yeux, et ils sont tous gonflés à cause de toutes les larmes que j'ai versées. J'ai aussi perdu un peu de poids, et ça ne me va pas du tout.

Lorsque je retourne dans ma chambre, Grace est assise sur mon lit avec son téléphone. Elle est si belle ; pas seulement à l'intérieur, mais à l'extérieur. Elle mesure quelques centimètres de plus que moi, mesurant 1,73 m, et elle a de longs cheveux bruns foncés et raides.

Elle a des traits doux, avec de grands yeux couleur miel. Elle a eu 18 ans il y a sept mois, et elle a découvert que son crush de longue date était en réalité son compagnon. Elle a toujours eu un faible pour Jett, le fils de l'Alpha. Jett sera aussi le prochain Alpha de notre meute, faisant de Grace notre future Luna. Elle est faite pour ce rôle, aussi. Elle est forte, gentille et elle aime notre meute. J'ai eu 18 ans il y a cinq mois, et je n'ai pas encore trouvé mon compagnon.

Nous nous dirigeons vers la forêt, à l'intérieur de nos frontières. Nous nous déshabillons, plions nos vêtements, puis nous nous shiftons. Grace est un grand loup gris et noir multicolore avec des yeux noirs. Mon loup est entièrement noir, et j'ai des yeux bleus encore plus brillants que ma forme humaine. Grace part la première et je la suis. La terre s'écrase sous mes pattes, et le doux soleil chaud est en fait agréable. Je suis vraiment contente qu'elle m'ait poussée à faire cela. Après avoir couru pendant environ une demi-heure, Grace me contacte par le lien mental.

– Lexi, Jett vient de me contacter par le lien mental, il a quelque chose de vraiment important dont il a besoin de me parler. Je dois y aller. Je vais courir avec toi jusqu'à la maison quand même. –

– Je pense que je vais rester dehors et courir un peu plus longtemps. Ça fait du bien d'être dehors. Vas-y, je te rejoindrai plus tard. – Je l'assure.

Grace commence à courir en arrière, et je continue. Quand j'atteins la frontière de la meute un peu plus tard, je sais que je dois faire demi-tour. Je m'arrête pour reprendre de mon souffle, mais j'entends quelque chose. Est-ce ? Un bébé qui pleure ? Je me fige, et calme ma respiration pour écouter attentivement. C'est faible, mais j'entends définitivement un bébé pleurer. Il y a un garde à la frontière pas loin, mais il ne peut pas l'entendre. Il garde sous sa forme humaine, cependant, et notre ouïe est beaucoup plus forte sous ma forme de loup. Après avoir attendu à la frontière pendant dix minutes à écouter les pleurs frénétiques, mais faibles, je n'en peux plus. Je dois aller voir si cet enfant va bien.

« Je ne peux pas quitter mon poste. Je ne peux pas te suivre, et tu ne devrais pas y aller seule, » me prévient le garde.

« Je vais y aller toute seule. Je serai rapide, » dis-je avec confiance, même si je ne me sens pas très confiante.

Après tout ce qui s'est passé il y a quelques semaines, il semble fou que je veuille m'aventurer dans la forêt en dehors de nos frontières seule, mais la pensée d'un enfant innocent là-bas seul ou blessé, l'emporte sur toute ma logique.

« Je pourrais contacter l'Alpha, et lui demander d'envoyer quelques guerriers pour t'accompagner, » propose-t-il.

« Non. Notre meute vient de perdre 25 membres. Les familles sont encore en deuil. La dernière chose que je veux faire, c'est risquer d'autres membres de la meute. C'est peut-être un piège ! Je veux faire cela seule. Je ne pourrais pas vivre avec la culpabilité si quelqu'un se blessait à cause de moi, » j'explique. C'est la plus forte que je me sois sentie depuis la mort de mes parents.

Je traverse la frontière et cours vers les pleurs aussi vite que je peux sous ma forme de loup ; cela ne me prend que quelques minutes. Mon cœur s'emballe, et une boule se forme dans ma gorge quand j'arrive et trouve un véritable bébé. Ce n'était pas dans ma tête, et ce n'était pas un piège. Là, un innocent petit bébé pleurant était allongé dans une boîte en carton, sous un arbre ombragé. Le bébé a l'air d'un nouveau-né.

Je me transforme en forme humaine, et rapidement je les prends dans mes bras. Le bébé se calme instantanément un peu. Mon cœur est lourd en remarquant que le pauvre petit est couvert de sueur. Même si la boîte était placée sous un arbre ombragé, c'est toujours une chaude journée d'été, et ce bébé a pleuré frénétiquement pendant combien de temps, seule la déesse de la Lune le sait. Je ne peux pas dire par la combinaison blanche si c'est un garçon ou une fille. Je scrute la forêt autour de moi, et il n'y a aucun signe de personne d'autre. Qui a laissé cet enfant ici ? Comment quelqu'un peut-il faire une chose pareille ? Je suis remplie de colère et de tristesse, mais quand je remarque que les lèvres du bébé semblent sèches, l'inquiétude prend le dessus. Ils sont déshydratés et affamés. Je dois retourner à la maison de la meute. VITE !

Je reste en forme humaine et marche rapidement vers la frontière de la meute. Quand j'atteins enfin la frontière, le garde enlève rapidement son t-shirt pour que je puisse couvrir mon corps nu.

Je contacte mon frère via le lien mental : je lui dis tout, et lui demande aussi d'aller chercher du lait pour bébé et des couches chez un autre membre de la meute et de me retrouver à la maison de la meute. Quand j'arrive enfin, Lev m'attend avec les fournitures que j'ai demandées. Merci à la déesse de la Lune ! Même si la couche du bébé est pleine et sent mauvais, je sais que notre première priorité est de lui donner à manger. Cela pourrait être une question de vie ou de mort à ce stade. Le bébé tète ce biberon si vigoureusement, cela me brise le cœur. Je ne veux même pas penser à ce qui se serait passé si Grace ne m'avait pas emmenée courir ce matin.

Je suis si heureuse d'avoir fait confiance à mes instincts, et de ne pas avoir simplement mis cela sur le compte de « tout dans ma tête ». Quand le bébé a fini de manger, je change la couche. C'est alors que je découvre que ce petit bébé est une fille. Mon frère et moi, avec Alpha Maximus Clarke et Luna Camilla Clarke, descendons à l'infirmerie pour la faire examiner. Le Doc fait quelques tests, et la petite semble aller bien, à part être déshydratée. Elle doit recevoir un supplément de réhydratation orale entre les repas pendant les 12 à 24 prochaines heures.

« Alors, que faisons-nous avec elle ? » demande Lev.

« Peut-être devrions-nous l'emmener à la caserne de pompiers dans la ville ? Laisser les humains s'en occuper ? Elle a l'air faible, c'est probablement un bébé humain, » suggère Alpha.

« Et si c'était un louveteau ? Nous pourrons le savoir d'ici un an. Et qui sait où elle finira ? » je questionne. Je me sens très protectrice pour cette petite fille, encore plus après avoir entendu Alpha parler de la laisser à des étrangers humains.

« Même si c'est un loup, elle n'est pas plus qu'une oméga. Les loups-garous sont beaucoup trop possessifs et protecteurs pour abandonner leurs enfants. Si elle n'est pas humaine, elle est une oméga. Les omégas sont si faibles, elle pourrait vivre une vie normale en tant qu'humaine, complètement inconsciente qu'elle a un loup en elle, » raisonne Alpha.

Il a raison. Les omégas sont les plus faibles de la race des loups-garous, et ils ont souvent du mal à se transformer. C'est quelque chose qui demande beaucoup de travail et de patience pour eux à se transformer... Elle pourrait avoir une vie normale en tant qu'oméga dans une famille humaine. Mais à qui ira-t-elle, je me le demande sans cesse ?

« Je pense que tu as raison, chérie. C'est la meilleure chose pour elle, » convient Luna.

« Attends. J'ai entendu des histoires horribles sur les foyers d'accueil humains, et c'est là qu'elle finira, n'est-ce pas ? » je supplie.

« Si c'est une humaine, elle ne peut pas rester ici. C'est contraire à la loi des loups-garous, Lexi ! » me rappelle Alpha. Il a raison. Merde.

« D'accord, pourquoi ne pas demander à mon Beta de l'emmener au poste de pompiers dès le matin ? Cela nous donnera le temps de contrôler sa déshydratation. Il l'emmènera tôt le matin, » décide Alpha, puis il vient prendre le bébé de mes bras.

« Où l'emmènes-tu maintenant ? » je demande, alors que mon corps se détourne instinctivement de lui.

« Je vais l'emmener chez l'une des femmes âgées ; elles s'en occuperont d'ici là. »

« Attends... Je peux m'occuper d'elle d'ici là, » je réponds, et je fais un pas en arrière pour qu'il ne puisse pas la prendre.

« Es-tu sûre ? Je pensais que tu ne te sentirais pas à la hauteur, avec tout ce qui s'est passé récemment, » questionne Alpha.

« Non, je veux le faire ! » j'admets en regardant l'ange endormi dans mes bras.