S’éclaircissant la gorge, il changea de ton, délaissant les sous-entendus précédents pour revenir à une approche plus formelle.
— Très bien. Parlez-moi un peu de votre parcours académique et de vos expériences professionnelles.
Meredith inspira profondément, relâchant un soupir mêlé de soulagement. Un léger sourire timide ourla ses lèvres tandis que ses joues prenaient une teinte rosée.
— J’ai obtenu une licence en gestion d’entreprise à la KUUV, mention très bien, il y a deux ans. Je dois vous avouer que je n’ai pas encore eu d’expérience concrète sur le terrain, mais je suis déterminée, résistante au stress et très motivée. Je suis certaine de pouvoir faire mes preuves si vous m’accordez cette opportunité.
Atlas croisa les bras, la fixant d’un regard scrutateur.
— Et depuis l’obtention de votre diplôme, que faisiez-vous ? Deux ans, c’est long.
Meredith baissa légèrement les yeux. Elle prit une grande bouffée d’air avant de répondre, sa voix plus douce, plus fragile.
— Ma mère est tombée gravement malade. On lui a diagnostiqué un cancer colorectal de stade terminal. Je me suis occupée d’elle à plein temps jusqu’à ce qu’elle… parte. Il y a neuf mois maintenant.
Un silence chargé s’installa. Il vit ses doigts se crisper légèrement, ses lèvres trembler d’un effort évident pour ne pas céder à l’émotion.
— Je suis désolé, murmura-t-il. Sincèrement, mademoiselle Rossi.
Ce regard éteint dans ses yeux, cette tristesse qui s’accrochait à son visage comme une ombre… Cela le dérangeait. Il aurait presque préféré la voir pleurer dans ses bras plutôt que de contempler ce masque de douleur contenue.
— Merci. C’est étrange à dire, mais je suis soulagée. Elle ne souffre plus. Et parfois, je pense que la mort peut être une libération. Ce monde peut être si cruel…
Elle força un sourire qui ne parvint pas à atteindre ses yeux. Atlas hocha lentement la tête.
— Alors… je suis prise ?
Elle s’éclaircit la gorge, la voix tremblante d’espoir, les pupilles dilatées comme celles d’un enfant attendant une bonne nouvelle.
— Oui, mademoiselle Rossi. Considérez-vous comme embauchée.
Elle se leva d’un bond, l’enthousiasme illuminant son visage.
— Vraiment ? Merci, monsieur ! Je vous promets que vous ne le regretterez pas !
Atlas esquissa un sourire, attendri malgré lui. Il y avait quelque chose de rafraîchissant dans sa spontanéité, une authenticité rare dans son univers empreint de calculs et de faux-semblants.
— Vous commencerez demain. À 7 h 30 précises. Le travail débute à 8 h, mais j’attends de ma secrétaire qu’elle arrive avant tout le monde. Organisation, anticipation… Et n’oubliez pas mon café.
Il ouvrit le tiroir de son bureau et tendit une carte.
— Voici ma carte personnelle. Mon numéro y est indiqué. En cas d’urgence, vous pouvez me contacter directement.
Meredith prit le carton, le regardant comme s’il s’agissait d’un objet précieux.
— Je déteste la paresse et les retards. Soyez ponctuelle, mademoiselle Rossi.
— Entendu, monsieur.
— Je vais appeler quelqu’un pour vous faire visiter l’entreprise. Vous pouvez l’attendre dans le hall.
— Merci beaucoup.
Elle se leva, prête à sortir, mais s’arrêta soudain, comme rattrapée par une pensée de dernière minute. Elle se retourna, fit quelques pas hésitants vers lui et s’immobilisa derrière sa chaise.
— Monsieur… quel sera mon salaire ?
Sa voix n’était qu’un murmure rauque, presque timide. Atlas pencha la tête, intrigué, un éclat malicieux dans le regard.
— Dites-moi, mademoiselle Rossi, combien estimez-vous que je devrais vous payer ?
Elle cligna des yeux, déstabilisée.
— Je… je n’en ai aucune idée. Je n’ai jamais travaillé avant.
— Hm.
Il l’observa une seconde de plus, puis se redressa dans son fauteuil.
— Vous toucherez 85 dollars de l’heure. Une prime de fin d’année est prévue, variable selon vos performances.
Ses yeux s’arrondirent.
— C’est vrai ?!
— Tout à fait. Et si votre travail dépasse mes attentes, votre rémunération évoluera. Je refuse de sous-payer ceux qui contribuent à faire tourner cette entreprise. Ce serait injuste.
Un sourire se dessina lentement sur les lèvres de Meredith.
— Vous êtes bien plus gentil que je ne l’aurais imaginé, monsieur Martini.
Atlas se figea. Un rire sec s’échappa de sa gorge, sans chaleur.
— Gentil ? Non. Ne vous méprenez pas. Je suis tout sauf ça.
Il avait appuyé sur le dernier mot comme s’il voulait l’ancrer dans sa mémoire. Meredith sentit sa gorge se nouer et se contenta d’acquiescer.
— Bien. Vous pouvez y aller, à moins… que vous ne souhaitiez passer un peu plus de temps ici ?
Le rouge lui monta aux joues, elle balbutia.
— Je… non, monsieur.
— Ah, mademoiselle Rossi n’apprécierait donc pas ma compagnie ? Voilà qui complique notre future collaboration, vous ne trouvez pas ?
Elle ouvrit la bouche, mais aucun mot ne parvint à franchir ses lèvres. Trop de confusion. Trop d’intensité.
— Je plaisante, dit-il finalement.
Son rire, cette fois, était chaud, presque tendre. Elle se mit à rire aussi, un peu nerveusement.
— Je suis ridicule… je…
Il la fixa, les sourcils légèrement froncés.
— Ne dites pas ça. Vous ne l’êtes pas. Si je pensais une seule seconde que vous étiez stupide, je ne vous aurais pas embauchée. Ne laissez personne vous rabaisser. Vous êtes tout ce que vous avez.
Il détourna un instant les yeux, pensif. Depuis toujours, il ne comprenait pas pourquoi certaines femmes se réduisaient à si peu. Elles portaient le monde en elles, créaient la vie, mais manquaient souvent de confiance. Peut-être était-ce parce qu’il avait grandi dans l’ombre de sa mère, mais Atlas avait toujours éprouvé une profonde admiration pour les femmes.
Il trouvait révoltant que tant d’hommes ne sachent qu’être durs, froids, dominateurs pour asseoir leur autorité. Ce n’était pas sa vision. Son père lui avait appris que le respect ne se réclamait pas, il se méritait. Et même si Atlas pouvait être impitoyable dans les affaires, implacable dans l’ombre, il honorait toujours ceux qui œuvraient avec loyauté et compétence.
Il se souvenait encore du regard stupéfait des agents d’entretien et des vigiles quand il leur demandait, chaque matin, comment ils allaient. Si seulement ils savaient combien il les estimait pour tout ce qu’ils faisaient.
— Vous m’écoutez, mademoiselle Rossi ?
— Oui, monsieur, répondit-elle, droite comme un i.
— Bien. M. Matthews vous attendra à la réception pour vous faire visiter. Allez-y.
— Bonne journée, monsieur. Et… merci pour tout.
Elle croisa son regard, et il lui répondit d’un hochement de tête lent et mesuré. Lorsqu’elle tourna les talons, elle sentit encore son regard la suivre, brûlant, sur sa nuque.
Une chose était certaine : ce poste allait bouleverser sa vie. Et malgré tout, elle était impatiente.