Chapitre8

891 Words
« Alors, Monsieur Martini, toujours aussi joyeux ce matin ? » lança une voix moqueuse. Atlas leva les yeux de la pile de documents qu’il scrutait avec attention. Il soupira, agacé avant même de voir le visage de l’interlocuteur. Albert. Évidemment. L’homme se laissa tomber dans le fauteuil en face de lui, l’air aussi détendu qu’un chat dans un rayon de soleil. « Tu ne veux pas savoir comment s’est déroulée la visite ? » dit-il avec un sourire espiègle. « Je dois admettre que ta nouvelle assistante est… captivante. » Un rire léger s’échappa de sa gorge. Il semblait savourer le souvenir d’un échange secret. Atlas fronça les sourcils, ses doigts effleurant lentement sa mâchoire. « Qu’est-ce qui te fait rire ? » « Rien de grave. Juste... notre petit arrangement. » « Notre arrangement ? » répliqua Atlas, les dents serrées. Son ton trahissait une irritation à peine contenue. « Tu fais allusion à Meredith ? » Albert haussa les épaules, toujours aussi nonchalant. « Bien sûr. À qui d’autre ? » « Meredith ? Tu lui parles déjà par son prénom ? Après une demi-heure ? » Une nuance acide s’insinua dans la voix d’Atlas. Albert répondit avec un sourire narquois. « Que veux-tu, j’ai toujours eu ce petit quelque chose. » Atlas roula des yeux. « Je suppose que tu attends que je te demande ce que tu en penses. Après tout, c’est bien pour ça que je t’ai laissé t’occuper de la visite, non ? » Albert le fixa d’un air satisfait. Il savait que son ami détestait lui donner raison, mais cette fois encore, il avait vu juste. Il possédait cette capacité innée à lire les gens comme des livres ouverts. C’était d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il était à la tête du département juridique. Sous son masque de charmeur, Albert était un manipulateur redoutable. « Alors ? Quelle est ton analyse ? » demanda Atlas, haussant un sourcil avec curiosité. Albert croisa les bras, penchant légèrement la tête sur le côté. « Pourquoi moi, hein ? Pourquoi ne pas l’avoir laissée aux RH ? Serait-ce parce qu’elle t’intrigue ? Tu aurais enfin trouvé une femme digne de ton intérêt ? » Le silence d’Atlas, plus éloquent que mille mots, en disait long. Leur amitié remontait à l’enfance. Leurs familles étaient inséparables depuis le lycée, au point qu’un mariage avait été envisagé entre leurs enfants, si le destin avait fait d’eux un garçon et une fille. Mais le destin avait offert aux Martini deux jumeaux, puis Atlas. Résultat : les deux garçons étaient plus frères qu’amis. Albert avait observé les Martini grandir. Il avait vu Atlas, autrefois espiègle et vibrant, devenir un homme dur, impitoyable. Ace, le jumeau, lui, était devenu une énigme glacée. Un jour, à dix ans, il avait vu leurs parents se faire abattre sous ses yeux. Depuis, il s’était enfermé dans un silence opaque, brisé seulement quand, à quatorze ans, il avait presque tué un autre adolescent pour avoir blessé Atlas. Puis, les frères disparurent pendant deux longues années. Quand ils revinrent, Atlas prit les rênes de l’entreprise familiale. À seize ans, il fit taire tous les sceptiques en humiliant publiquement son oncle lors d’un conseil d’administration — un acte s******t qui résonne encore dans les couloirs de l’entreprise. Ce jour-là, le monde apprit que le jeune Martini n’était pas à sous-estimer. « Elle va travailler pour moi. J’ai juste besoin de savoir si elle représente un danger, rien de plus. Et il n’y a personne de mieux que toi pour flairer les failles humaines », déclara Atlas d’un ton posé. Albert le fixa un moment, puis se pencha légèrement vers lui. « J’ai cru un instant que tu t’étais laissé séduire », glissa-t-il, presque amusé. Atlas resta de marbre. Même s’il brûlait d’envie de la posséder, il ne dirait jamais à Albert à quel point Meredith éveillait en lui quelque chose de sombre, de profondément dérangeant. Albert poursuivit, plus sérieux. « Cette fille... elle cache quelque chose. Elle essaie trop de se rendre invisible. Elle porte ses cheveux noirs, une couleur banale, passe-partout. Ses lunettes sont trop larges pour son visage. Rien en elle ne veut attirer l’attention. Elle veut disparaître dans la foule. » Atlas fronça légèrement les sourcils, écoutant chaque mot avec une attention aiguë. « Mais ses yeux », continua Albert, baissant la voix. « Ils trahissent tout. Il y a une lourde culpabilité là-dedans. Une ombre trop pesante pour une femme de son âge. Elle a l’air ordinaire, effacée, mais elle porte en elle quelque chose de brisé. C’est presque comme si elle s’était recréée, comme si elle fuyait un passé. » Il s’interrompit, ses yeux cherchant ceux d’Atlas. Le non-dit planait entre eux, chargé de certitudes. Atlas acquiesça lentement, ses pensées tournées vers la jeune femme. Meredith Rossi. Qui était-elle vraiment ? Un sourire lent et sombre se dessina sur ses lèvres. Il avait vu juste. Elle portait un secret, et Atlas Martini ne connaissait que trop bien le poids des fautes enfouies. Il n’avait plus seulement envie de l’avoir contre son bureau. Il voulait tout d’elle. Sa lumière, son rire, son corps... mais surtout ses ténèbres. Il les ferait siennes, jusqu’à faire naître en elle une noirceur semblable à la sienne. Elle ne savait pas encore à quel point elle était en danger.
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