J'ai sans doute dû oublier. Je ne sais même plus ce que je fais, ça craint. Je bois le verre c*l sec avant de le mettre dans le lave-vaisselle et de retourner à l'étage, dans la chambre d'amis. Je consulte mon téléphone. Il est trois heures du matin. Je n'ai aucun message. J'ai dû acheter une nouvelle carte SIM après la fête car elle avait disparu.
J'éteins mon téléphone puis m'allonge sur le lit, les yeux rivés sur le plafond. J'entends alors des pas dans le couloir. Je reste pétrifié, à l'afflux d'un autre bruit quelconque. Quelqu'un descend les escaliers - Max, sans doute. Il doit avoir soif alors il est descendu boire un verre d'eau, comme moi. Après tout, je devrais peut-être m'excuser pour tout à l'heure, je ne veux pas rester dans le froid avec mon meilleur ami.
Je me décide et me lève du lit le plus silencieusement possible. Je marche doucement dans le couloir puis descends les escaliers sur la pointe des pieds. Une fois en bas des escaliers, je stoppe net en voyant deux silhouettes dans la cuisine, discutant à voix basse. Je reconnais la silhouette de mon meilleur ami, mais pas celle de son interlocuteur. Je m'avance discrètement pour écouter leur conversation.
- Il ne se souvient de rien. Je ne sais pas si on doit lui dire la vérité ou pas. Il finira par voir que quelque chose ne va pas chez lui, et il va chercher à savoir ce que c'est que ces comprimés, dit la voix de l'inconnu.
Je suis certain d'avoir déjà entendu cette voix, mais je ne sais plus à qui elle appartient.
- Alors je vais les jeter ! Je lui dirai que je les ai perdus, voilà tout. Le problème, c'est que Victor va bientôt revenir, et je n'ai pas trouvé un moyen de le contacter pour le prévenir, répond la voix de Max.
Je ne comprends pas. Max serait impliqué dans le meurtre de mes parents ? Avec cet inconnu ? Non, ce n'est pas possible...pourquoi mon meilleur ami ferait une chose pareille...et puis ces comprimés, je ne sais pas ce qu'ils ont, mais je dois absolument les récupérer.
- Où sont ces comprimés ?
- Dans ma chambre, je les ai cachés dans mon bureau.
- Autant s'en débarrasser maintenant.
- Et pour Victor ?
Je décide de rater la suite de la discussion. Je dois sauver ces comprimés. Je me précipite à l'étage en tâchant de rester discret, et me faufile dans la chambre de Max. Je fouille chaque tiroir de son bureau à tâtons, plongé dans le noir. Je parviens à les retrouver, ferme tous les tiroirs avant de me précipiter dans ma chambre et d'engouffrer le sachet dans mon sac de cours. J'irai à la pharmacie dès la fin des cours, tout à l'heure. Je préfère ne pas en apprendre plus sur cette discussion et m'allonge dans le lit, yeux rivés sur le plafond.
Je suis perdu. Je ne comprends plus rien, ma tête est en ébullition. Je ne parviens pas à penser clairement. Victor a donc des informations sur cette fameuse soirée. Je dois absolument le retrouver. Et puis Anna, je lui raconterai tout ! Peut-être trouvera-t-elle une explication à tout ça ? Je décide de ne plus y penser, je devrais dormir, plutôt. Je ferme les yeux, relâchant les muscles de mon visage, et me laisse m'endormir.
***
- Mike ? On va être en retard.
J'ouvre les yeux et mon regard tombe sur le visage de Max, les yeux cernés. Je le fusille du regard avant de me lever et de prendre quelques vêtements. Je les enfile en toute vitesse et cours à la salle de bain pour passer de l'eau fraîche sur mon visage et arranger mes cheveux.
Mon meilleur ami n'a pas bougé. Je saisis mon sac dans ma chambre puis mon téléphone. Je suis Max jusqu'au hall où nous enfilons nos chaussures puis sortons. Nous n'avons pas pris la peine de dire au revoir à ses parents, ils dorment encore.
- Tu as l'air...épuisé, je constate.
- J'ai mal dormi, bougonne Max.
- Tu en as fait quoi, des comprimés ?
- Ils ont disparu. Je les ai cherchés de partout mais je ne sais pas ce que j'en ai fait.
J'hésite entre faire cracher le morceau à mon meilleur ami ou faire comme si de rien était. Je finis par choisir la première option. J'en tirerais peut-être des réponses.
- C'était qui, cette nuit ?
- De quoi tu parles ?
- Je t'ai entendu, avec un inconnu. Il devait être pratiquement trois heures du matin !
Max écarquille les yeux.
- Tu es impliqué dans le meurtre de mes parents, c'est ça ?! Pourquoi tu ne m'as rien dit ?! Qu'est-ce que tu as fait ?! je m'emporte.
- Je ne peux rien te dire. Tu es encore sous le choc.
- Tu te moques de moi ?! Pourquoi tu ne veux pas que je découvre ce que sont ces comprimés ?!
- Tu as perdu la mémoire ! Tu ne te rappelles de rien !
- Excuse-moi alors, peux-tu me rafraîchir la mémoire ?!
- Tout ce que je peux te dire c'est que tu n'es pas celui que tu crois être !
- Comment ça ? Je sais très bien qui je suis merci !
- Mike, tu es atteint d'un dédoublement de la personnalité depuis toujours ! Ton père aussi avait des troubles psychologiques !
Sa phrase a l'effet d'un coup de poing au visage. Je refuse de le croire, je serais au courant si j'avais un problème mental, quand même. Je ne suis pas bizarre, non, je suis une personne normale, c'est Max qui n'est pas normal !
- Tu as perdu une grande partie de ta mémoire le soir où tes parents sont morts. Tu ne vois donc pas que tout est flou ? Je ne sais pas quelles idées sont encrées dans ta tête maintenant, mais tu as oublié toute la vérité parce que tu ne l'acceptais pas !
- Tu racontes n'importe quoi !
J'accélère le pas afin de m'éloigner de lui. Non, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas possible. Max me rattrape sans grande difficulté.
- Tu auras qu'à demander à Victor ! Anna est la seule à ne rien savoir. Avant, tu me demandais toujours de ne rien dire à Anna, parce que tu voulais qu'au moins une personne te considère normalement, et non comme un malade mental !
- Je ne te crois pas !
- Tu as qu'à aller à la pharmacie demander ce que sont que ces comprimés, tu verras que ce sont des médicaments pour les dédoublements de la personnalité, tu as ça depuis tout petit et tu demandais à mes parents de les acheter parce que les tiens en avaient rien à faire de toi !
Cette fois, je pars en courant. Max ne cherche pas à me rattraper. Je ne sais pas pourquoi j'ai les larmes aux yeux. Je ne peux que le croire, il ne pourrait pas inventer tout ça. C'est mon meilleur ami, après tout. Tout ce que je veux, à présent, c'est vivre normalement. Est-ce trop demander ?