Chapitre 3

745 Words
3.— Salut ! lança Chloé en entrant dans le commu. La bouche pleine de corn-flakes, Diego lui fit signe de la main, tandis que Laura bâillait un bonjour. La pièce servait de cuisine, de salle à manger et de salon au cinq étudiants du kot. En guise de décorations, on avait collé quelques photos sur le mur, et une guirlande de fanions décolorés qui pendaient lâchement. Laura avait ajouté quelques affiches reprenant des citations de Simone de Beauvoir sur la condition de la femme. Cela manquait d’élégance, mais la bonne humeur qui régnait suffisait souvent à chasser l’austérité de la peinture blanche. — Tu as une mine affreuse. Le brushing after-s*x ne te réussit pas, commenta Laura avec un clin d’œil. La jeune étudiante en archéologie sirotait une tasse de thé, le teint frais comme celui d’une poupée. Même dans le T-shirt XL qui lui servait de pyjama, elle gardait une allure de mannequin. Chloé lui tira la langue et commença à tartiner une tranche de pain, tout en rassemblant ses boucles en queue de cheval, afin de se donner une meilleure allure. Sa cokoteuse continuait à la fixer par-dessus sa tasse fumante : — Pourquoi tu me regardes comme ça ? — Ne fais pas ta prude, je veux des détails ! Est-ce que c’était un bon coup ? — Vu à quelle vitesse il a filé, je suppose que ce n’était pas exactement le grand amour, commenta Diego entre deux cuillères de céréales. Chloé fit la moue. Elle oubliait parfois que vivre en communauté impliquait de renoncer à une part de son intimité. Toutefois, elle n’aurait échangé ses cokoteurs pour rien au monde, même si la vaisselle traînait, que les cheveux bouchaient la douche et que le papier toilette venait souvent à manquer. Laura, Diego, Tristan et Maylis formaient pour elle une seconde famille, une fratrie solidaire où chacun veillait sur les autres. — Je ne pense pas que je le reverrai. Ça n’a pas spécialement collé entre nous. Diego la couva de son regard chocolat, plein d’empathie. — Ne t’en fais pas, tu trouveras quelqu’un d’autre. — Ou plusieurs autres, précisa Laura. Le jeune homme mima l’indignation, sans pouvoir retenir un sourire. — Toutes les filles ne sont pas aussi nymphomanes que toi, tu sais. — A quoi bon se caser maintenant ? On a toute la vie pour la routine, la vaisselle à tour de rôle et la monotonie au lit. Autant multiplier les expériences tant qu’on a vingt ans. Il faut faire sa jeunesse. Un mec, un soir et au suivant ! — N’entache pas mes rêves de prince charmant et d’amour éternel, protesta Chloé en repoussant les miettes de son petit-déjeuner. — Laisse tomber tes airs de vierge effarouchée, tu te tapes un garçon différent chaque semaine. Arrête de prétendre que seul l’amour véritable t’intéresse. — Ça n’empêche que j’aimerais bien rencontrer quelqu’un de sérieux. Mais chercher un copain à l’unif, c’est comme faire les soldes le 29 juillet : tous les modèles intéressants sont déjà partis. — Profite de ton célibat plutôt que rêver d’une aventure à l’eau de rose ! 1) Tu es jeune. 2) Tu es jolie. 3) Tu rencontres des mecs célibataires sans arrêt. 4) Etre en couple, ça craint. Chloé répondit d’un haussement d’épaules amusé. Quand Laura commençait à argumenter point par point, il était vain de protester. — Je ne suis pas d’accord avec ton point 4, intervint Diego, tout en se versant du jus d’orange dans un verre ébréché. — Allez Diego, tu es en couple depuis quatre ans. Ne viens pas prétendre que ça ne te manque pas de pouvoir draguer une inconnue. A quand remonte le dernier o*****e de ta copine, simulation exclue ? Sous la table, Chloé envoya un coup de pied à sa cokoteuse. — Quoi ? s’enquit l’intéressée en écarquillant ses yeux clairs. — Laura, il n’est même pas encore 10h, tu ne pourrais pas remettre à plus tard la conversation Cinquante nuances de Grey ? — Ça va, je me tais. Elle leva ses jolies mains manucurées en signe de reddition. Chloé profita du silence pour changer de sujet. — Au fait, Diego, Juliette est-elle prête pour son Erasmus en Espagne ? — Plus ou moins. Il faut encore qu’elle trouve un logement. Ce n’est pas évident de dénicher quelque chose dans une ville qu’on ne connaît pas. — Fais attention : ils sont chauds, les Espagnols, prévint Laura. Ils vont pervertir ta copine, tu verras. Enfin, ça ne lui ferait pas de mal : je la trouve un peu coincée. Chloé leva les yeux au ciel. Derrière son visage angélique, sa colocataire cachait une véritable Gossip girl, doublée d’un esprit libertin. Avec ses remarques directes et sans tabou, elle ne manquait pas d’animer les conversations. Chloé plaça son assiette dans l’évier en promettant de faire la vaisselle plus tard, puis se dirigea vers sa chambre. — Je vous laisse, mon séminaire de socio m’appelle. Bonne journée mes chatons !
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