Dans son ombre

Mes yeux se posent sur l'horloge, il est déjà plus de 1h30 du matin et je me retrouve encore une fois seule. Bon sang, mais où peut-il bien être ? Je scrute la rue par la fenêtre, tout est calme, les voitures circulent sans s'arrêter. Je saisis mon téléphone, dans l'espoir de recevoir un appel ou un message qui me renseignerait sur la situation, mais rien, personne n'a pris la peine de me joindre, après tout, qui pourrait bien le faire, je ne suis personne. Je balance le téléphone sur le lit qui n'est même pas défait, puis je me tourne vers la fenêtre à la recherche de cette voiture, cette limousine censée me ramener mon mari. Mes yeux se posent à nouveau sur l'horloge, il est 1 heure 33 minutes. Le temps s'écoule avec une lenteur interminable et une multitude de scénarios défilent dans mon esprit. Cela va de la mort, qui oui peut prendre chacun de nous n'importe quand et n'importe où. Elle n'en a que faire de notre statut social... .. À l'infidélité. Je m'interroge sur ce qui me blesserait le plus. Je reconnais que cette question est horrible. Cependant, d'une certaine manière, elle est justifiée. Si je devais choisir, je préférerais ne plus le revoir en sachant que je suis la seule, plutôt que de l'avoir en sachant que je ne suis qu'une parmi tant d'autres. La nuit est lumineuse, la lune resplendit dans le ciel qui, en l'absence de la ville, laisserait apercevoir les étoiles. C'est lors d'une nuit semblable à celle-ci que je l'ai croisée, depuis ma vie a été profondément transformée. Cela fait déjà 10 ans, 10 longues années. Trop sûrement, sans quoi il serait déjà à mes côtés... Il y a dix ans... — Kena vite on va rater notre train! — Oui oui, j'arrive ! Afin de refermer ma valise qui s'y opposait, j'ai mobilisé la totalité de la force que j'avais en réserve. C'est alors qu'Aurore, mon amie, est intervenue. Elle a appuyé sa main sur la valise, me donnant la possibilité de la fermer. Cela fait, elle m'a observé attentivement. — Tu essayes de la fermer depuis combien de temps au juste ? — Environ 10 minutes pourquoi ? Levant les yeux au ciel, elle sortit de ma chambre, emportant ma valise. Je l'ai suivie, sachant que par moments, il est vain d'essayer de saisir ce qui se joue dans son esprit, même si cette fois-ci, mon manque de force en était la raison. Après avoir rangé tous les bagages dans le coffre de la voiture, nous avons pris la direction de la gare. Le trajet durait environ une heure, alors j'ai allumé la musique. C'était un CD de mon groupe préféré. Au bout de quelques instants, Aurore m'a regardé de ses yeux verts. — Tu es sérieuse là ? Elle m'a interrogé avec tension. — Quoi ? J'ai répondu de manière innocente. Je savais parfaitement ce dont elle voulait me parler, mais j'aimais la faire tourner en bourrique en lui donnant l'impression que je ne comprenais pas où elle voulait en venir. Nous étions amies depuis si longtemps, presque 15 ans. Nous nous étions rencontrées sur un forum dédié à une série télé à l'époque, c'était la tendance du moment. Depuis, nous étions restées liées et nous aimions organiser des sorties et de petits voyages ensemble. Et là, nous nous rendions à Paris. Nous avions prévu de descendre dans un hôtel luxueux, pour lequel nous avions économisé afin de profiter pleinement de notre séjour. Cet hôtel à lui seul représentait plus de la moitié de notre budget de 2 000 €, mais nous voulions nous faire plaisir et en profiter. — Tu sais de quoi je parle, cette musique de fou arrête-moi ça ! Je l'ai fixée, n'appréciant guère la manière dont elle a évoqué cette chanson qui fait partie de mes morceaux préférés. Il lui arrivait d'être abrupte, presque offensante dans ses propos, sans même s'en apercevoir. Bien sûr, elle n'appréciait pas ce genre de musique, mais ce n'était pas une justification pour insulter ceux qui la composaient et l'interprétaient. — C'est du rock alternatif et pas une musique de fou alors s'il te plaît surveille ton langage !! Je répondis avec une certaine vivacité. — Oh oui, pardon, désolée, je ne voulais pas vexer ton petit Jordan ! Ses paroles étaient exagérées, renforcées par des mimiques absurdes. Elle se moquait de moi et de mes goûts. Je dois reconnaître que j'ai failli l'abandonner sur le bas-côté. Moi offensée ? Non, juste un peu !! Elle a rapidement décelé dans mon regard ce mécontentement que je tentais de dissimuler. Ces prochains jours devaient être mémorables, et je ne voulais pas gâcher l'atmosphère pour si peu. Néanmoins, je dois admettre que cela me contrariait. Je sais que c'est infantile, mais je n'apprécie pas qu'elle agisse envers moi d'une manière qu'elle ne souhaiterait pas que je lui applique, c'est une question de principe. Nous sommes arrivés à la gare dans le temps prévu. Une fois sur place, ayant déjà nos billets, nous sommes montés dans notre train. Il nous a fallu encore patienter 3h30 avant d'arriver à destination, mais le temps est passé assez rapidement. Arrivés à Paris, j'ai été totalement dépaysé, surtout moi qui vivais à la campagne. La circulation était désorientante, avec des voitures partout et un manque total de respect pour les piétons, encore plus pour ceux qui traînaient des valises. Il nous a fallu près d'une demi-heure pour atteindre notre hôtel, et quelle ne fut pas notre surprise en y arrivant. L'apparence extérieure de cet établissement était véritablement remarquable, avec son bel immeuble en pierre blanche soigneusement entretenu. De grandes fenêtres en bois blanc ornaient la façade. Sur le trottoir, de grands pots contenant des fleurs artificielles étaient disposés devant chaque pan de mur. Dans l'ensemble, cet hôtel avait une allure vraiment élégante et raffinée. En pénétrant dans l'établissement, nous avons été accueillis par un jeune homme au sourire chaleureux qui nous a souhaité la bienvenue. Le lieu était décoré avec beaucoup de goût, avec des touches de couleurs vives par-ci par-là. À droite, il y avait un espace détente, suivi de la partie restauration. J'ai particulièrement apprécié le choix audacieux des couleurs flashy qui contrastaient agréablement avec le décor neutre de cet endroit. Après avoir effectué les formalités habituelles, il nous remit la clé de la chambre dans laquelle nous allions séjourner. Afin de réaliser des économies, nous avions choisi de prendre une chambre double où chacun disposerait de son propre lit. Il nous a escortés jusqu'à cette chambre, ouvrant la porte avec courtoisie. Lorsque nous nous sommes retrouvées seules, après avoir adéquatement remercié le jeune homme, nous nous sommes mises à explorer la chambre sous tous ses angles. La première chose que nous avons faite a été de vérifier si elle donnait sur la rue ou sur la cour. Heureusement pour nous, elle donnait sur la cour, ce qui nous a rassurées quant à la qualité de notre sommeil à venir. Les lits présentaient des matelas de taille importante et étaient soigneusement faits, avec un peignoir posé sur le dessus. La salle de bain, située à gauche des lits, était impeccable et, fait surprenant, disposait même d'une baignoire. Un petit bureau en bois clair faisait face aux lits, nous permettant d'y ranger nos affaires. Chaque table de nuit était équipée d'une prise électrique. La décoration de la chambre s'harmonisait avec le style général de l'établissement, alliant raffinement et touches colorées. La tapisserie avait un style un peu désuet, mais très élégant. Le linge de lit était de belle qualité, avec une touche de couleur fuchsia. Les rideaux aux tons pastel ajoutaient une seconde note de couleur, mais plus discrète. La télévision, correctement dimensionnée et fixée au mur, se démarquait un peu du reste de la décoration. Cependant, son absence n'aurait pas nui à l'ensemble de la pièce. Une fois installés dans la chambre et ayant rangé nos quelques effets personnels, car nous prévoyions faire des achats, nous avons choisi de sortir pour prendre l'air. Il faut dire que nous avions passé une grande partie de la journée dans les transports et nous avions besoin de bouger un peu. ...