Chapitre 4

1027 Words
Chapitre 4 : Le fardeau du nom Von Roxweld pesait sur Atlas comme une enclume suspendue au-dessus de sa nuque. Ce nom n’était pas seulement un titre, c’était une condamnation : celle d’être le fils d’un souverain façonné dans le feu et la cruauté. Henry Von Roxweld avait bâti un empire en serrant le monde entre ses doigts jusqu’à ce qu’il cède, et il attendait de son héritier la même poigne de fer. Mais Atlas n’était pas forgé du même métal. Ce corps qu’il habitait – cette coquille royale – portait les stigmates d’années d’entraînement. Ses paumes durcies, constellées de cicatrices, parlaient d’une discipline acharnée, d’un effort presque désespéré pour égaler une ombre qu’il ne pouvait rattraper : celle de Lara. Elle brillait trop fort, brûlant tout ce qui osait s’approcher d’elle, et Atlas avait passé sa vie à marcher dans sa lumière sans jamais la toucher. Pourtant, ce matin-là, il jura silencieusement que cela changerait. Il regarda ses mains, lourdes de fatigue et de promesses. — Cette fois, murmura-t-il, je prends le contrôle. Toi, Lara, et ce monde tout entier, vous verrez que l’histoire peut s’écrire autrement. L’éclat discret de la bague royale à son doigt attira son regard. Elle pulsait doucement, comme si elle respirait avec lui. Ce symbole, à la fois héritage et arme, liait désormais son destin à celui du royaume. Une voix timide coupa le fil de ses pensées. — Monseigneur… votre maître d’armes vous attend, annonça Sansa en s’inclinant profondément, les joues pâles. Le maître d’armes ? L’écho du souvenir éveilla en lui un malaise. Dans le scénario du jeu, Lara n’avait jamais eu besoin de guide. Elle était née parfaite, un prodige que les autres suppliaient d’instruire. Atlas, lui, était l’antithèse de ce miracle : un prince inutile, relégué au rôle de figurant dans sa propre tragédie. Il esquissa un sourire amer. — Eh bien, voyons donc quel genre de tortionnaire le destin m’a réservé, soupira-t-il. Il se mit en marche vers la cour d’entraînement, le marbre froid résonnant sous ses bottes. Mais à mi-chemin, un frisson le parcourut. Une morsure invisible lui serra la gorge — comme si une lame lui avait effleuré la peau. Il porta la main à son cou, suffoquant… puis tout disparut. Plus de douleur, plus de trace. Juste le silence et un cœur affolé. — Qu’est-ce que… — Vous avez mis du temps, Votre Altesse, fit une voix derrière lui, tranchante comme le fer. Il se retourna brusquement. Là, se tenait une femme dont la présence emplissait tout l’espace. Sa chevelure, couleur d’incendie, tombait en vagues désordonnées sur une armure de cuir sombre. Ses yeux verts luisaient d’un éclat carnassier. C’était Kury N. Watson — la légendaire Héraut du Sang. Sa réputation la précédait : une guerrière que même les rois traitaient avec prudence, une lame humaine que Henry, jadis, avait courtisée autant pour sa puissance que pour sa fureur. Elle incarnait la tempête, la destruction et la gloire réunies. — Regarde-toi, grogna-t-elle avec un rictus moqueur. Trois jours de repos, et te voilà ramolli comme un chat d’intérieur. Lève ton épée, ou retourne dans ton berceau. L’humiliation mordit Atlas jusqu’à l’os. Il sentit la colère monter, mais il se força à ravaler l’orgueil qui grondait dans sa poitrine. Il savait très bien ce qu’elle pouvait faire : cette femme aurait pu briser son cou avant même qu’il ne cligne des yeux. — Oui, Maître, répondit-il, la voix tremblante d’ironie. J’espère que vous serez douce avec moi. — Douce ? ricana-t-elle. Tu confonds le mot avec “pitoyable”. Elle bougea soudain, rapide comme une rafale. Une épée de bois siffla dans l’air et frappa le sol là où sa tête se trouvait une seconde plus tôt. Le choc fit éclater la pierre. Atlas recula précipitamment, haletant, les jambes flageolantes. — C’était une mise en garde, déclara Kury d’un ton tranquille. Une attaque réelle, et tu serais déjà mort. Tiens-toi prêt, ou je recommence. Elle le fixait, féline, un sourire dément étirant ses lèvres. Sansa, en retrait, semblait prête à s’évanouir. — Votre Altesse, supplia-t-elle, Maître Kury n’aime pas les retardataires… Atlas serra les poings, le regard brûlant. — Je remarque, oui. Mais Kury ne riait plus. Son attention s’était déplacée — vers la bague qui scintillait sur la main d’Atlas. Elle la contempla longuement, son visage se figeant dans une expression indéchiffrable. — Ainsi donc, le vieux lion a parlé, murmura-t-elle, presque pour elle-même. Elle s’approcha et saisit brusquement la main du prince. — Quand as-tu reçu ça ? Atlas retira sa main, sur la défensive. — Ce n’est pas le roi qui me l’a donné. C’est mon père. Un silence lourd tomba. Dans les yeux de Kury, une lueur dangereuse naquit, mélange de crainte et de curiosité. Elle pencha légèrement la tête. — Intéressant. Tu n’es plus le même, souffla-t-elle. Ses doigts glissèrent sur son poignet une seconde fois, comme si elle cherchait quelque chose sous la peau. Puis un éclat traversa son regard — la reconnaissance d’une évidence nouvelle. — Par les flammes… tu as éveillé quelque chose, toi aussi. Un rire sauvage jaillit de sa gorge, roulant sur les dalles comme un orage. — Hahaha ! Enfin un élève digne de ce nom ! Atlas fit un pas en arrière, pris entre la peur et l’incrédulité. — Qu’est-ce que vous racontez ? Kury s’approcha, l’œil brillant d’un feu presque fou. — Ne fais pas cette tête, gamin. Tu viens d’allumer ton propre brasier. Je vais me régaler à t’apprendre à le maîtriser. Le regard d’Atlas chercha désespérément une issue. Chaque fibre de son corps criait à la fuite, mais ses jambes refusaient d’obéir. Kury continuait d’avancer, jusqu’à ce que leurs visages se frôlent presque. — Recul… reculez, espèce de maniaque ! balbutia-t-il, trébuchant sur les pavés. Il s’effondra, les mains moites, le souffle court. Kury, penchée au-dessus de lui, laissa tomber un rire féroce qui fit vibrer l’air autour d’eux. — Bienvenue dans l’arène, petit prince. À partir d’aujourd’hui, je ferai de toi un monstre. Et sous le ciel incandescent de Berkimhum, Atlas comprit qu’il venait d’entrer dans un feu dont il ne sortirait jamais tout à fait vivant.
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