Un coup de file

1272 Words
Je crois que je suis à mon dixième ou mon onzième verre ce soir. J’en sais trop rien. Je me saisis à nouveau de la bouteille de whisky presque vide puis je me sers un dernier verre. J’envoie valser à l’autre bout de la pièce la bouteille de whisky à présent vide. J’ingurgite tout le contenu du verre que je repose brutalement sur le comptoir du bar après. Et cette sensation de brûlure que procure le whisky tout le long de ma gorge jusqu’à mon estomac me fait oublier. Ouais..ça me fait oublier à quel point j’ai échoué. Ça me fait oublier ce que je suis devenu. J’étais BROWN Arthur, le grand écrivain dont on parlait dans tous les coins de rues de Bristol*. Et aujourd’hui, je ne vaux pas plus qu’un vulgaire clochard. J’ai tout perdu. Ma femme, mes enfants, mes amis, mon succès, ma richesse, ma notoriété. J’étais parti de zéro pour devenir héros mais je n’ai malheureusement pas pu garder le cap longtemps. Il ne me reste plus rien à part cette gigantesque demeure vide..et La Jaconde*, accrochée au mur. Je jette un coup d’œil à l’horloge de la pièce. Il sonne dix heures du soir. Et à ce moment là, une idée effleure mon esprit. En fait, c’est ma seule issue de secours. Je n’ai plus rien à perdre. Alors je crois qu’il est temps pour moi de disparaître de la terre. Mais avant ça, j’ai une dernière chose à faire. Je me redresse puis je me dirige vers les escaliers dont je dévalise les marches avant de rapidement me retrouver à l’étage. Après quelques enjambés, je pénètre dans ma chambre dont la porte était déjà grandement ouverte. Je balaie la pièce du regard jusqu’à ce que mes yeux tombent sur l’objet de ma quête: mon œuvre. Je me dépêche de le récupérer avant de ressortir de ma chambre. Je devrais laisser un souvenir derrière moi. Et ce souvenir, c’est cette œuvre. Il représente mon tout dernier travail: une histoire qui narre tout ce que j’ai eu à traverser ces derniers mois. Et peut-être que cette œuvre pourrait avoir le potentiel de faire des exploits après ma mort. Alors une fois redescendu, je le pose sur la petite table de ce vaste salon. Je relève la tête au plafond à la recherche du moyen que j’utiliserai pour me libérer de toute ce supplice. Je ramène l’une des chaises hautes du bar au milieu même de la pièce. Puis je me rends compte qu’il me manque..une corde. Je cours jusqu’au garage où je ne perds pas de temps avant que mes yeux ne tombent sur l’aussière*. Je la saisit puis je reviens dans la salle de séjour. Je distingue le crochet au bout de l’aussière puis à l’aide de la chaise, je gagne en hauteur, tout en manquant de tomber, après avoir retirer mes sandales. En quelques secondes, j’ai réussi à suspendre cette corde épaisse au plafond. Et il ne me reste plus qu’à franchir la dernière étape. Une fois chose faite, je ne perds plus de temps avant d’enrouler cette aussière autour de mon cou. Ça y est. C’est le moment pour moi de me débarrasser de toute cette crasse. Je jette un dernier coup d’œil à ma dernière œuvre posée sur la petite table puis j’inspire une grosse bouffée d’air pour me redonner du courage. Arrêtes de trembler Arthur. Fais le pour qu’on en finisse. Tu es seul. Tu es minable. Aucune maison d’édition ne voudra plus signer avec toi. Tu n’es plus d’aucune utilité dans ce bas monde alors finis-en. Et j’étais enfin sur le point de commettre l’irréparable quand la sonnerie de mon téléphone retentît, m’arrêtant ainsi dans mon mouvement. -FAIT CHIER!! ON POURRAIT AU MOINS ME LAISSER CREVER EN PAIX, NON?! Hurlais-je fou de rage. J’extirpe rageusement le téléphone de la poche arrière de mon pantalon. J’hésite entre décrocher cet appel ou le rejeter et continuer avec cette folie. Mais c’est un numéro inconnu. Je fronce les sourcils car cela voudra dire qu’un nouvel individu souhaiterait entrer en contact avec moi?! Je décroche: « Bonsoir. C’est bien Monsieur BROWN Arthur à l’appareil?! », me demande une voix féminine. Je fus un court instant envoûté par cette voix si douce et ferme en même temps. « Monsieur BROWN, vous êtes là?! », redemande cette femme à l’autre bout du fil, ce qui me fait redescendre de mon petit nuage. « Oui, c’est bien moi. Et je peux savoir à qui ai-je l’honneur s’il vous plaît?! ». Répondis-je à mon tour. « Euh..ici, c’est Mademoiselle JOHN Camille. Manager de Pan Macmillan. », précise-t-elle. « Euh..attendez un petit instant..Pan Macmillan?! La maison- » « Oui, c’est exact. Pan Macmillan, la maison d’édition ». Me coupe-t-elle. « Je suis.. confus mademoiselle, vous me contactez dans quel but? », la questionnais-je la corde toujours au cou. « Pour être clair et concise, vous nous avez été recommandez par une maison d’édition avec laquelle vous aviez eu à signer par le passé. Et après avoir lu vos œuvres, mon équipe et moi estimons que vous avez le potentiel nécessaire pour travailler avec nous. » « Qu..quoi?! Je ne comprends pas..vous voulez que.moi.Arthur, je signe.un.contrat.avec.vous?! »,articulais-je méticuleusement et toujours sous le choc. « Oui, c’est bel et bien possible. Cela dépendra de ce que vous aurez à nous proposer. » Mais je n’ai plus rien à proposer. Je n’ai plus de source d’inspiration, plus rien. C’est peut-être pas une bonne idée. Je ferai mieux de décliner cette offre. « Vous savez quoi Monsieur BROWN, recommence mon interlocutrice, il serait préférable que nous nous rencontrions pour mieux discuter de tout ça. Dès demain si ça vous enchante. » « Euh..oui..d’accord..vous n’avez qu’à me donner l’endroit et l’heure ». « Voilà qui serait bien mieux. Je vous enverrai tout par message ». « D’accord mademoiselle.. » « Camille. Mademoiselle JOHN Camille. », répond-t-elle du tac au tac. « Bien mademoiselle JOHN Camille. » « Sur ce, je vous souhaite une agréable nuit ». « Merci et passez une agréable- » Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase car elle a déjà raccroché. Je retire immédiatement de mon cou cette corde épaisse qui m’étouffait déjà puis mes pieds retrouvent sans plus tarder le sol. J’en crois pas mes oreilles! Une maison d’édition?! Et pas n’importe laquelle! Pan Macmillan! Ils font partie des meilleurs dans toute l’Angleterre! J’espère que ce n’est pas un rêve. Je me donne deux tapes sur la joue pour me rassurer que non. Et c’en est pas un. Une maison d’édition vient de réellement me contacter. C’est peut-être là pour moi, une seconde chance pour de me relever. Et cette femme a parlé d’une maison d’édition avec laquelle j’aurais signer par le passé. Mais j’ai signé auparavant avec plus d’une dizaine de maisons d’éditions! Comment pourrais-je savoir laquelle d’entre elles c’est?! Et qu’est-ce qui a bien pu concentrer leur choix vers moi?! J’ai un tas de questions à lui poser. Et j’espère que j’obtiendrai des réponses demain. C’est fou dit comme ça mais un coup de file vient de littéralement me sauver la vie. Bristol*: c’est une ville qui borde l’Avon, dans le sud-ouest de l’Angleterre. La Jaconde*: ou Portrait de Mona Lisa, est un tableau de Léonard de Vinci, réalisé en 1503 et 1506 ou entre 1513 et 1516, et peut-être jusqu’à 1517 ( l’artiste étant mort le 2 Mai 1519 ), qui représente un portrait mi-corps, celui de la Florentine Lisa Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo. L’aussière*: c’est un terme nautique désignant une corde épaisse utilisée pour amarrer ou remorquer un navire.
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