TOME UN : Prisonnier des Sceaux

Chapitre Un [2/2]

Le trajet jusqu'à la demeure secondaire de Weilliver était bien trop bref aux yeux de la demoiselle de bonne famille. Le fait qu'ils étaient en réalité si proches l'un de l'autre accentuait grandement son sentiment d'inconfort à son égard. La calèche familiale ballotait à droite et à gauche depuis à peine vingt minutes qu'elle apercevait déjà par la fenêtre la grande bâtisse qu'occupait Marius. Si le domaine Sirinava respirait puissance et noblesse, cet endroit semblait vouloir prouver quelque chose ! D'une exubérance folle et démontrant la fortune de son propriétaire. De trop nombreux esclaves s'évertuaient a donné a l'ensemble un effet encore bien plus grandiose qu'il ne l'avait déjà, faisant qu'Evelyne ne pouvait que se sentir si petite a cotés.

Elles les voyaient s'agiter aux fenêtres, ces mi-lapines ou ces fées sans ailes qui s'agitaient partout, frottant une poussière invisible. Tout devait être parfait, pourtant l'endroit ne semblait respirer que la déchéance. Après tout c'était bien que vivait le fils du Régent, autorité suprême de tout Eastus. Si Evelyne avait déjà rencontré le père de Marius, elle ne pouvait dignement pas les comparer. En dehors du fait qu'il n'y avait aucune ressemblance physique entre eux, leurs caractères étaient aussi totalement opposés.

Richard de Weilliver n'avait jamais eu de réel intérêt pour son fils, c'était de notoriété publique. Mais il n'était évidemment pas sage de le faire remarquer publiquement ! Si Marius pouvait semblait si "fils à papa" il n'en restait pas moins dangereux à bien des égards. D'une intelligence froide, il ne gaspillait pas l'argent de sa famille comme beaucoup le pensaient. À bien y regarder, il savait parfaitement se faire bénéfice de tout !

Le fait que Marius était le seul humain de tout Eastus à posséder un dragon faisait sa gloire ! Cela attirait bien des foules, donnant à cet homme un pouvoir qu'il contrôlait parfaitement. Les soirées combats qu'il organisait lui donnaient de superbes opportunités pour dénicher les affaires juteuses et il avait largement su faire tirer son épingle du jeu en affaire. Les enchères, c'est lui qui les menait ! Mais a la fin de ces soirées, il fallait bien soigner sa bête de foire comme il aimait bien l'appelait et c'était dans ces moments la que la petite Evy intervenait...

Il n'y avait que peu d'humains qui acceptaient de se charger des soins sur un non-humain, mais c'était encore plus particulier pour un dragon. Evelyne avait était la seule a répondre présente et il faisait depuis appel a elle. Il n'était pas certain qu'elle se serait proposée la première fois si elle avait su ce que cela lui imposerait par la suite, mais après tout était ce si terrible comparé à ce que vivait son esclave ? Elle en doutait...

- Miss Evelyne, soyez la bienvenue ! Salua d'un air morne un homme-loup, majordome de Marius

Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas remarqué que la calèche s'était arrêtée devant les portes principales. Elle cligna des yeux, reprenant contenance. Elle figea ensuite son sourire de façade en agrippant sa mallette de travail.

- Bonjour ! sourit-elle dignement

- Mon maitre vous attend dans son bureau

Elle détestait quand il faisait ça ! En règle générale, il n'avait pas le temps pour venir la voir lorsqu'elle venait. Mais quand au contraire il en avait, il ne se privait pas de la convier dans son bureau. Il avait parfaitement compris qu'elle profitait largement de la présence de la fée pour s'esquiver. Mais il 'n’était pas si facile de se soustraire à sa volonté ! Depuis lors, les non-humains n'avaient plus eu le droit de venir dans son bureau, imposant donc à la petite Evy des entretiens privés qu'elle détestait. Cependant, elle n'en montra rien et suivit l'esclave jusqu'à son cauchemar. Elle n'eut nul besoin de frapper pour prévenir de sa présence, il l'attendait déjà sur le pas de la porte.

- Ma petite Evy ! Tu as raté quelque chose hier ! Rit-il en refermant la porte derrière eux.

Elle ne pourrait que le constater que par l'état de son patient. Après tout, tout semblait immaculé ici ! Mais elle n'en fit pas part et tenta de lui lancer un sourire désolé aussi convaincant que possible qui de toute façon mourra dans l'oeuf sitôt qu'elle croisa son regard. Dans un autre monde et devant un autre Marius, nul doute qu'il aurait été un très bel homme. Mais lui qui la fixait avec son visage parfait, de son parfait sourire charmeur et de ses parfaits yeux verts... mais en cet instant elle ne percevait en lui que son bourreau et son coeur eut un raté.

Ses yeux le fuyant autant que possible, elle semblait se concentrer sur sa respiration pour tenter de se calmer. Mais rien n'y faisait, juste l'entendre marcher autour d'elle la faisait paniquer... Elle ancra son regard sur son tapis de bureau représentant une immense map-monde. Se concentrant alors sur elle, énumérant alors les différents endroits qu'elle voyait à l'envers, un peu comme ci elle suivait encore ses cours particulier lorsqu'elle était petite.

"Eastus !" commença-t-elle mentalement "Humainement et d'un point de vue habitable, c'était le plus grand pays du monde. La plupart des humains y vivent, tout comme sa famille depuis bien des générations."

- Bon alors quelle était ton excuse pour ton absence d'hier ?

- J'ai énormément de travail ces temps-ci, vous m'excuserez donc de mon impolitesse. tenta-t-elle doucement

- Mmmh, je te pardonne si tu es prête à te montrer sincère ! lança-t-il en ricanant

"Les terres désolées de Ouestia, une vaste étendue de sable chaud. Mais le régent a réussi à maintenir l'économie à flot grâce au commerce d'ailes de fée qui sert d'ingrédient pour une potion aphrodisiaque." récita-t-elle intérieurement

- Je suis sincèrement désolée de m'être mal comporté à votre égard, je vous prie de croire en mes plus sincères excuses.

- Donc je peux compter sur toi la prochaine fois ? N'est-ce pas ma petite Evy ?

"Sudus, est connu pour plusieurs raisons. L'une d'elles est que le régent est un centaure et le premier non-humain admis au sein des quatre régisseurs. Il a réussi ce tour de force, car les terres de Sudus sont les seules à se montrer accueillante envers les non-humains qui y vivent en totale liberté."

- Je ferais ce qu'il m'est possible pour ne plus vous décevoir. éludait-elle

- Evelyne regarde moi !

C'était un ordre dur et sans appel et ses mains tremblèrent un instant. Il n'était plus question de garder son sang-froid, mais plutôt de prier pour que tout se termine au plus vite. Elle savait pertinemment qu'il faisait prolonger leur entretien privé. Ainsi, les rumeurs s'alimentaient d'elle-même... Mais elle savait aussi de quoi il était capable, il lui avait déjà montré... Elle leva alors un regard suppliant devant lui, les lèvres sèches crispées au possible.

"Nordus dernier des quatre pays régentés, les iles du centre ne sont que des ilots de vacances... Il y a de la neige a Nordus... sans doute !" enfin normalement, la elle ne savait plus trop...

La main de Marius se posa doucement sur son épaule et la demoiselle se statufia. Au loin le son de la chanson qu'elle avait chanté cette nuit-là résonna dans ses oreilles et Evelyne laissa échapper un couinement effrayé. Elle croisa son regard dont elle ne pouvait que deviner les traits à travers les larmes qui la submergeaient.

- J'ai dit, tu viendras la prochaine fois n'est-ce pas !

- Oui, bien sûr...

Le sourire de l'homme s'agrandit, un éclat ravi animant ses traits. Dans un geste calculé, il caressa doucement son épaule et ce simple geste eut le don de lui donner une intense sensation de froid parcourant tout le corps.

- Jeudi prochain alors ! Qu'en dis-tu ma petite Evy ?

- Jeudi...

Sa voix tremblait horriblement, elle le savait parfaitement, mais elle ne pouvait faire autrement.

- Jeudi je... Jeudi je dois assister à la vente aux enchères de l'archipel...

Elle serra ses poings. Elle s'attendait à ce que l'homme devant elle explose sa mauvaise humeur, mais il n'en fit rien.

- Ah bon... ce sera pour la prochaine fois ! Bon, allons voir ma vedette !

Il retira enfin sa main et ouvrit la porte du bureau en réajustant le col de sa chemise. Tout ce cinéma... L'héritière se leva à son tour, l'air hagard, et le suivit dans le dédale de couloir et d'escaliers les menant vers les arènes et surtout le cachot du dragon. Silencieuse, elle regardait son dos comme-ci lui aussi, pouvait l'agresser à tout moment et qu'il fallait qu'elle reste sur ses gardes. Elle détestait cet endroit... Vani l'avait attendu devant le bureau, comme d'habitude, et les avaient suivis, elle aussi silencieuse. Elle semblait encore plus digne qu'à l'accoutumée, mais il était impossible pour Evelyne de le remarquer en cet instant...

- Tiens-le voilà ! Attention, ma petite Evy, tu connais les règles ! On ne parle pas à l'esclave!

Oui elles les connaissaient parfaitement... trop même... Que ce soit le patient ou elle-même, on ne posait pas de questions et on remettait sur pied ! Comme d'habitude ! Heureusement cette fois, il ne semblait pas mal en point comme cela avait déjà était le cas auparavant ! Quoique... à bien y penser, était-ce mieux ? L'esclave avait tant de valeur qu'il lui laissait toujours le temps de s'en remettre... cette fois ce serait rapide et il retournerait bien trop vite sur les feux des projecteurs... Evelyne soupira tristement, elle détestait cette sensation ! Après tout, l'aidait-elle réellement comme cela ? Mais, aidait de la petite fée, elle s'acquitta de sa besogne sans un mot. Elle ne s'attarda pas plus, prétextant n'importe quoi pour s'échapper de la. Il ne dit rien pour la retenir, la saluant chaleureusement, assurant qu'ils se reverraient bientôt. Oui ça elle n'en doutait malheureusement pas...

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Le chemin du retour se fit dans un silence pesant pour Vani. Elle ne pouvait que regarder sa maitresse dépérir sous ses yeux, ne sachant pas comment l'aider. C'est cet homme qui aurait sa perte, à n'en pas douter... La petite fée détendit ses doigts crispés, se sentant si démunis en cet instant. Cela faisait longtemps qu'elle cherchait une solution à cet épineux problème, mais elle qui n'avait déjà que peu de pouvoir, que pouvait-elle faire de plus ?

- Miss ? Voudriez-vous prendre un thé en arrivant ? tenta-t-elle doucement.

Tout et n'importe quoi du moment que son visage sourit de nouveau... Mais la maitresse lui répondit non d'un sourire éteint, les yeux juste perdus dans le vide. Si rien ne changeait, cet homme l'engloutirait...

Lorsque la calèche s'arrêta de nouveau, le soleil déclinait sérieusement et le chef de famille semblait les attendre. Vani prit soin d'aider sa maitresse pour descendre du véhicule et Evelyne marcha doucement vers lui, son masque glaçant chacun de ses traits.

- Je ne te savais pas dehors ! dit-il doucement, es tu as ce point si indisposé par la vente ?

Evelyne ouvrit la bouche, cette histoire de vente sur l'archipel lui semblant à présent si loin et presque sans importance. Elle lança un regard à son père, comme pour s'imprégner du bien-être qu'il arrivait à faire naitre en elle, lui ainsi que sa demeure. D'un point de vue extérieur cette immense maison a trois étages pouvaient trop grande et froide, mais pour elle qui avait grandi seule ici, c'était un paradis ! Elle n'y avait que de bons souvenirs. Qu'elle regarde vers les cuisines à gauche, ou vers la verrière du fond à droite... Tout était parfait ! Un véritable havre de paix ! Alors cette petite contrariété de ventes aux enchères n'était qu'une broutille !

- Non, cela ne posera aucun souci ! Je ne te décevrai pas !

Evelyne adressa enfin un sourire plus chaleureux à son père et elle embrassa sa joue.

- Je monte pour ce soir, j'ai encore du travail à faire ! Bonne nuit papa !

- Mais tu ne manges pas ?

Mais c'était déjà trop tard, déjà elle montait les marches de l'immense escalier, caressant de ses doigts le bois verni de la rampe. Oui après tout, elle était encore vivante tant qu'elle était ici... C'est dans cette optique qu'elle rejoignit son bureau, congédiant Vani en assurant veiller tard ce soir-là, après tout, elle détestait bâcler son travail...