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Vers d'autres rivages

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L'exil pour survivre

Partir vers d’autres rivages, fuir leur pays soumis à une dictature nationaliste, c’est la seule issue pour Marko et Jana. Lui est croate, milicien fasciste et xénophobe. Elle est serbe et, comme tous ses compatriotes, victime naturellement désignée d’un régime qui a décidé de les convertir, de les chasser ou de les massacrer. Saura-t-elle convaincre Marko d’abandonner sa milice pour elle ?

À travers l’histoire de Marko, enfant de la rue dans une Yougoslavie en marche vers son éclatement, Jacques Bernard analyse avec finesse l'engrenage qui conduit à l'embrigadement de jeunes en errance.

EXTRAIT

Marko était un enfant de Hvar, une terre posée sur la mer Adriatique à quelques encablures du continent. Une terre seulement riche de ses oliviers, de sa garrigue, de ses champs de vigne, de son passé vénitien, de ses ports, havres pour les pêcheurs, les touristes et les bateaux militaires. Jamais jusqu’à peu, il n’avait quitté la ville éponyme de l’île, faite de maisons en pierre blanche et de ruelles étroites.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en Bresse en 1954, Jacques Bernard s’est installé dans un village de la Dombes pour exercer le métier de professeur des écoles. Pendant toutes ces années d’enseignement, il n’a eu de cesse d’ouvrir à ses élèves les portes de la lecture et de l’écriture. Actuellement chargé de mission pour la formation des enseignants à Bourg en Bresse, il consacre l’essentiel de son temps libre à jouer avec les mots, à imaginer des histoires, à créer des personnages qui portent en eux le poids d’une histoire douloureuse. C’est cette fragilité et cette faiblesse que l’auteur explore chez ces êtres qui sont, comme le dit Mark Twain, « des lunes avec une face cachée que personne ne voit. »

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Chapitre 1-1
1 Sur l’île de Hvar, en ce mois de juin, le soleil dispensait déjà une chaleur généreuse, complice et inclinait à une douce indolence. Jana sentit un frisson ondoyer sur son corps frêle. Elle n’avait pas froid, pourtant. Non, c’était autre chose. Quelque chose de plus intense, de plus étrange, quelque chose de sublime. Oui, c’était cela. Le moment d'apothéose qu’elle venait de vivre. A cet instant précis, elle présuma que sa vie prenait un autre sens et que plus rien ne serait désormais comme avant. Ses yeux caressèrent la nudité de Marko. Ils flânèrent ensuite sur la pâleur virginale de sa peau lisse, offerte pour la première fois à un autre regard que le sien. L’image de leurs deux corps, en sueur, alanguis à même le sol, fit naître sur ses lèvres un léger sourire. Son bonheur était infini. Mais la peur de le perdre la rendit triste. Une tristesse qu’elle congédia de tout son cœur. Elle ferma les yeux et s’enivra du doux parfum de lavande et de romarin qui pénétrait par la lucarne de la petite hutte en pierre. Un havre d’amour providentiel, découvert par Marko et marqué à jamais de l’empreinte de leur jouissance. Plus que la fraîcheur naissante, c’est la conscience de ce qu’elle venait de faire pour la première fois que son corps percevait par ce frémissement et cette poussée de chair de poule. L’endroit, dallé de pavés irréguliers, était inconfortable, malgré les habits qu’ils avaient pris soin d’étaler au sol et n’incitait guère à un séjour prolongé. Couchée sur le dos, elle observait l’enchevêtrement de pierres qui composait le toit. C’était là un habile travail réalisé par les gens d’ici, il y a sans doute longtemps, à cette époque où le savoir faire, la quiétude et le temps permettaient l’aboutissement des choses entreprises. Elle observait les aspérités de cette pierre blanche, l’irrégularité des blocs calcaires assemblés avec application et jointoyés par un mortier, devenu poreux et friable au fil des ans. C’était un terrain propice à l’infiltration des eaux et à l’apparition de lichens verts. Au hasard de leur divagation, ses yeux s’arrêtaient sur telle ou telle imperfection et son esprit devisait, concevait quelque réflexion désuète et éphémère. Elle avait beau arrimer ses pensées à ces conjectures sur le mode ancestral de construction, rien ne les soustrayait à cet émoi ardent, à cette révélation ineffable : sa chair et son esprit avaient vibré à l’unisson. Ils en étaient toujours assiégés. Ce qu’elle venait de vivre, c’était l’extraordinaire et insoupçonnée explosion de son corps, la découverte d’un plaisir puissant. Elle se repaissait de la félicité indicible qui la taraudait encore par intermittence et la harcelait de ses frémissements délicieux. Elle eût aimé que cela ne s’évanouît jamais. Elle ne se lassait pas de regarder le corps nu de Marko aux effluves sauvages et puissants. Ce corps râblé, vigoureux dont les muscles pectoraux, ceux des cuisses et des bras saillaient sous une toison blonde, longue et sensuelle. Sa peau brunie par le soleil et presque lustrée aux endroits les plus exposés était délicieusement perlée de gouttes de sueur. Et comme pour mieux souligner le mystère ou l’interdit des zones intimes, ses fesses musclées se dévoilaient dans leur diaphanéité laiteuse, tout comme son pubis glorifié étrangement par deux tatouages : une dague sur la gauche et une croix à l’opposé. Il était allongé sur le dos, légèrement assoupi. Le regard de Jana errait avec délice sur son corps apollonien, en explorait avec sensualité tous les charmes cachés. Aucun interdit n’altérait la grâce de l’instant. Aucune barrière. Ni la pudeur naturelle, ni son ingénuité d’enfant ne l’empêchaient de caresser des yeux la douceur si soyeuse de son intimité virile. Une révélation absolue lorsque Marko l’avait invitée, non sans railler sa timidité, à lui témoigner quelques tendres sollicitudes. La découverte excitante de leur nudité respective, des jeux sémillants et du bonheur insoupçonné qu’offraient leurs corps, s’était opposée dans une lutte inégale aux soldats de la vertu. Mais ceux-ci avaient vite baissé la garde. C’était bien sûr la première fois que le mot plaisir prenait ce sens si singulier, et la nudité sans limite d’un corps masculin avait résonné, au-delà de l’aspect anatomique, comme un dessillement de ses yeux. Jusqu’à aujourd’hui, elle n’avait vu l’intimité de son père ou de ses frères que de manière subreptice. Désormais, elle ne penserait plus jamais à un homme de la même façon. Son imagination candide s’embellirait toujours maintenant de conjectures délicieuses. Pourquoi, se demanda-t-elle, y avait-il tant de tabou, de silence et de censure autour de ces caresses spontanées qui ne faisaient que répondre à un désir ? Pourquoi blâmer une telle félicité ? Au nom de quel principe ? Pourquoi aurait-elle refusé des attentions si douces et si sensuelles, prodiguées par les larges mains de Marko sur son corps ? Pourquoi n’aurait-elle pas laissé l’onde du plaisir vagabonder jusque dans ces endroits si délicieusement vulnérables ? Qu’y avait-il de mal ? Toutes les images, les peurs, les sensations défilaient de manière ininterrompue dans son esprit. Elle se rappelait ses gestes incertains et ceux plus sûrs de Marko. Elle songeait à ses hésitations stupides, au cri ridicule qu’elle avait poussé lorsqu’il était entré en elle avec un peu de précipitation. Pourquoi n’avait-elle pas muselé cette réaction instinctive qui avait pu témoigner d’un déplaisir ? Alors qu’ensuite, tout n’avait été que frissons délicieux sur sa peau et partout dans son corps, plaisir intense avant ce déchaînement intérieur, cette excitation euphorique suprême, à l’unisson avec le râle animal de Marko. Enfin, était venu ce moment enivrant d’apaisement, puis cet alanguissement qui les avait gagnés tous les deux. Le jeune homme dormait mollement, rien ne semblait le troubler. Jana s’était aussi assoupie quelques instants, mais très vite les souvenirs de jouissance avaient vaincu sa somnolence. Des pensées érotiques, suggérées par la lasciveté offerte de Marko, naquirent, traîtresses. Puis, comme si c’était un rappel à l’ordre divin, un étrange sentiment de culpabilité germa, puis enfla. Des considérations insidieuses qui ressurgirent en elle – on ne pouvait en effet gommer, par une foucade frivole, le poids de tant d’années, enveloppées d’une éducation rigide et puritaine – et qui se déclinèrent en une multitude de questions impertinentes : comment avait-elle pu offrir aussi spontanément son corps à Marko, comment avait-elle aussi naturellement fait fi de toutes les barrières, de toutes les mises en garde érigées en remparts contre le péché, comment s’était-elle abandonnée à un inconnu à peine rencontré ? Une seule explication acceptable à la capitulation de sa raison : Marko. Marko, ce garçon dont le corps toujours endormi s’offrait sans vergogne à la concupiscence de ses yeux. Une explication irrationnelle, certes, mais il n’y en avait aucune autre. Celle-ci anéantissait tout remords. Comment, au nom de considérations morales, eût-elle dû refuser cette expérience inoubliable ? Comment eût-elle dû récuser l’envie de découvrir l’intimité de cet homme conquérant, de le toucher, de sentir sous ses doigts le grain de sa peau, de laisser ses sens s’enivrer de son odeur exotique et pénétrante ? C’était la première fois. La seule, peut-être. Un autre jour, c’eût été moins sublime, la découverte eût laissé un autre goût. Pire, rien ne se fût passé. Alors, pour mettre un terme définitif à toutes les sollicitations de sa conscience, elle se dit que personne n’en saurait jamais rien, que leurs caresses resteraient un secret pour eux. Pour eux seuls. Jana aurait aimé susurrer quelques mots à l’oreille de Marko. Elle aurait aimé qu’il la prît dans ses bras et se fondît encore en elle. Elle aurait aimé à nouveau le toucher. Sentir son souffle chaud dans sa nuque. Savourer encore l’odeur d’homme que son corps exhalait puissamment. Frissonner sous ses doigts virils et audacieux. Elle aurait aimé le réveiller, mais elle n’osait pas. Elle avait dix-huit ans et sortait à peine de l’enfance. La vie ne lui avait rien appris, ni de l’amour, ni des hommes. Elle lui avait seulement enseigné qu’ils étaient courageux, nobles et dignes de respect. Qu’on ne les dérangeait pas pour des futilités. Qu’il fallait les ménager en toutes circonstances. Que les femmes devaient s’employer à les combler. Jana se savait femme et s’imaginait, dans son futur, dévouée et vertueuse, comme sa mère. Du plus loin qu’elle se souvînt, celle-ci s’était toujours mise en retrait, avait toujours subordonné ses gestes et ses actes à l’initiative et aux exigences despotiques de l’homme. Elle lui avait voué une obéissance absolue et s’était donnée totalement. Une sacralisation du mâle évidente que Jana n’avait pu faire autrement qu’accepter. Une obligation qu’aucune femme n’eût songé à nier. Elle non plus. C’est pourquoi, en dépit de son ennui profond, elle n’avait jamais contesté l’autorité de son père, tyrannique, qui exigeait d’elle un concours significatif aux travaux de la ferme. Et puis, un jour, elle avait pu fuir cette vie-là. L’autre, la nouvelle, demandait à être apprivoisée pour en saisir tous les avantages. Jusqu’à présent, si elle l’avait délivrée du carcan familial, elle avait surtout exigé discrétion, dissimulation, méfiance de tous les instants à l’égard de tout le monde, obligation absolue de ne révéler ni ses origines, ni ses peurs, ni ses opinions. En revanche, elle lui avait offert la bienveillance d’un oncle et, depuis peu, Marko. Alors, comment aurait-elle pu ne pas céder à une supplique inédite du désir ? Respectueuse de ces préceptes ancestraux, soumise sans ciller à l’empire de l’Homme, Jana s’obligeait à patienter, à attendre que Marko voulût bien mettre un terme à son abandon voluptueux. Par la lucarne, elle observait la course immuable du soleil. Son faisceau lumineux s’était mué en une boule rougeoyante qui accosterait bientôt la surface placide de la mer. Embarrassée de cette situation, gagnée par une angoisse grandissante, elle s’agita dans l’espoir que le jeune homme émergerait de son sommeil. Et qu’il donnerait des instructions sur la conduite à tenir, puisqu’il lui avait interdit de s’en aller seule. Elle était de moins en moins euphorique et ne pouvait s’empêcher de penser aux conseils de prudence et de vigilance érigés depuis son enfance par les siens comme des règles intangibles et supérieures. Elle avait souvent raillé intérieurement ces serinages d’un autre temps, elle les avait pris avec hauteur, mais à cet instant, il lui apparut qu’elle avait peut-être manqué de discernement. S'exposer à un péril potentiel pour avoir voulu s’émanciper de tous ces principes avec un excès de suffisance, c'était vraiment stupide. Surtout, comment justifierait-elle cette légèreté auprès des siens en cas de mésaventure ? Lucide, soudain, elle ne put que convenir de sa désinvolture. Ce garçon, bien qu’il soit tout juste son aîné, elle ne le connaissait pas. Elle se rappelait maintenant qu’elle avait été impressionnée, peut-être même alarmée par ce combattant sûr de lui, déterminé en toutes choses. Aussi bien dans son engagement martial que dans ses gestes amoureux. Elle l’avait trouvé hâtif dans sa manière de l’entraîner ici, puis de la déshabiller. Frénétique et impatient. v*****t, même. Mais sa beauté l’avait amnistié. Peu à peu, il avait réfréné son impétuosité et elle avait succombé aux caresses si justement et tendrement données. Devant son charme, rien dans sa nature de jeune fille n’avait été capable de produire une once de résistance. Lorsqu’elle l’avait aperçu pour la première fois, elle lui avait trouvé des accents sévères et ténébreux. Avec ses légères estafilades qui zébraient anarchiquement ses joues, sa peau brunie tannée par le soleil et le vent, comme l’est celle des marins, il avait l’air d’un voyou baroudeur. Mais de lui, émanait quelque chose d’exotique, de dangereux peut-être, mais si troublant. Et puis, il avait souri, d’un air séraphique, exhibant une fossette profonde unique dans sa joue droite encore pouparde. Elle avait été saisie par ce charme sauvage et enfantin. Elle avait senti immédiatement son corps l’abandonner. Une attirance violente, physique, animale. Si difficile à cacher ! C’était une fin d’après-midi. Comme cela arrivait parfois, elle avait rejoint son amie Branka pour marcher sans but à travers les rues dallées de la bourgade que Jana ne se lassait pas d’admirer avec ses maisons aux façades de pierre blanche offertes au soleil comme pour le remercier de sa bravoure. Une petite errance, entre filles, juste pour un moment délicieux de connivence moqueuse. Juste pour déambuler en tenue affriolante, montrer ses atours, toiser avec mépris et un sourire hautain les jeunes hommes en chasse. Juste pour le plaisir de jouer les jeunes vierges – du reste, elles l’étaient – vertueuses, indignées devant un propos audacieux ou égrillard. Et se sauver en courant dans un éclat de rire mystérieux. Ce jeu ingénu de la séduction, mais non dénué de périls était leur passe-temps favori. Depuis son arrivée sur l’île, Jana avait pris conscience de son corps, grâce à Branka. Sur les conseils de son amie, elle s’était offerte en toute ingénuité au regard pénétrant de passants autrement plus nombreux et plus audacieux que dans son village. Le miroir immense qui faisait face à son lit lui avait révélé la convoitise que son corps pouvait exciter : une silhouette élancée, une cambrure des reins prononcée qui mettait en valeur ses fesses fermes et rebondies et surtout une poitrine avantageuse et suggestive que le printemps tiède autorisait à découvrir, ne serait-ce que légèrement.

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