Chapitre 3 : L’une des recrues

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Chapitre 3 : L’une des recrues Études des Sciences Humaines : « Il n’est rien tant qu’illusoire, un secret que l’on croit bien gardé. Les surdoués ne sont pas toujours ceux que l’on pense, parfois l’on en découvre dans le terreau profond qui sert de socle même à l’existence des plus simples, des plus vrais. » Les opérateurs s’étaient éparpillés dans les blocs à plasma, ces ateliers de production contenant, chacun, l’un de ces puits dont on extrayait le minerai depuis bientôt deux années. Adheel, l’un des opérateurs de l’équipe en place, se souvenait que la première année de forage avait été compliquée. L’implantation des hangars et du matériel adéquate que l’on devait ancrer sur l’astéroïde, puis le début du forage des puits de mine avaient pris, comme souvent dans un tel contexte, beaucoup plus de temps que les estimations des professionnels l’avaient auguré au préalable. Rien ne s’était réalisé aussi facilement que l’avaient escompté les responsables du site et leurs Directions, celle de l’Aster4 et celle de Bãtonh et du Siège Central sur SolO – et de leurs partisans – à qui l’on avait remis tous les pouvoirs pour s’ingérer dans les strates souterraines de l’astéroïde. Les pionniers, ingénieurs et technospaces avaient rencontré un certain nombre d’achoppements liés à la nature même du corps céleste dans le socle duquel les foreuses et les perforatrices avaient tenté de pénétrer. Si les sondes préliminaires avaient signalé un noyau dense doté d’une haute teneur en métalloïdes, la dureté de la couche inférieure ainsi que sa dynamique de rétractation les avaient néanmoins surpris. Lorsqu’une cavité était creusée, il arrivait aux équipes en charge du secteur de revenir le lendemain avec tout le travail à recommencer et un matériel détérioré du fait de la contracture du sol excavé. Les scientifiques s’étaient penchés avec une avidité extrême sur le phénomène durant plusieurs mois, avant de pallier l’obstacle en suggérant d’injecter, dans ces fosses artificielles, une substance à l’élasticité suffisante pour compenser la rétractation. D’autres déboires s’étaient succédé, mais Adheel ne se souvenait plus des détails ; lui n’avait mis les pieds sur le corps étranger qu’une année auparavant. Il faisait dorénavant figure d’ancien, car les équipes se renouvelaient très régulièrement ; une nécessité, si l’on voulait survivre après le Nadh, une maxime que se répétaient les opérateurs et les technoS, davantage exposés que les ingénieurs. Aujourd’hui, chacun des blocs s’équipait de pupitres sophistiqués qui contraignaient à une série d’ajustements fonction de la densité du minerai qui variait continuellement selon les heures et selon les jours. Les maintenances de base résumaient le quotidien des opérateurs. Les technoS auraient ensuite leur rôle à jouer dans les réparations plus complexes ainsi que dans l’extraction de l’étrange minerai qui s’accompagnait la plupart du temps de cette sorte de plasma magmatique qu’ils ne réussissaient pas toujours à canaliser, et dont la teneur en métalloïde était telle qu’elle modifiait les mesures des instruments et détraquait nombre de ces derniers au bout de seulement quelques semaines, si ce n’était au bout de quelques jours. Lorsque les technoS abordaient la phase délicate de la transformation définitive en un plasma stabilisé, il leur fallait toute la concentration et le doigté d’un orfèvre pour cet aboutissement. Certains d’entre eux n’y parvenaient pas, et ils n’avaient d’autre choix que d’accepter une rétrogradation en prenant un poste vacant d’opérateur ou bien d’être évacués du Nadh. Lorgnant du côté de l’opérateur qui l’épaulait, Adheel attendit que celui-ci ait achevé le nettoyage des sols, régulièrement aspergés du matériau cryptique, avant de se rapprocher de l’une des tubulures qui présentait une fissure qu’il devait colmater avant qu’une coulée de cette viscosité ne suinte et ne vienne enrayer rapidement le fragile équilibre des extractions. À intervalle, celle-là échappait au contrôle draconien mis en place par les premières générations de scientifiques. En dépit de leur équipement protecteur, les technoS y étaient souvent exposés, et par la suite pouvaient éprouver des effets secondaires demeurés inexpliqués aujourd’hui, mais pour lesquels des solutions chimiques avaient été préconisées. – Salahm… – Ouais ? – Tu es au courant pour les derniers incidents ? – Pas vraiment. Ceux de la Direction se taisent en se murant derrière le secret professionnel et les normes sécuritaires, mais j’ai des potes qui m’ont cependant encouragé à mots couverts à quitter cet endroit sans pour autant oser me divulguer quoi que ce soit. Salahm jeta un coup d’œil sur les dispositifs de télésurveillance aux quatre coins du bloc dont ils assuraient la maintenance. Par petits groupes, les jeunes recrues se réunissaient, sans doute pour débattre de leur ressenti suite à leur sélection. Son regard se posa sur une technoS qui les scrutait, par l’intermédiaire de l’une des caméras de la salle commune. Une futée ! Il étira un bras dans sa direction, et demanda : – C’est qui celle-ci ? – L’une des recrues de la veille, rétorqua Adheel qui aimait s’enquérir de l’identité des nouveaux, dès leur arrivée. Il parait que c’est une surdouée, en dépit de son titre actuel. Il y en a quelques-uns qui sont plutôt bons dans la toute dernière promo. On les verra bientôt à l’œuvre. L’inquiétude incrusta les traits de son compagnon qui questionna, connaissant néanmoins déjà la réponse : – Ce n’est pas un peu dangereux, tout ça, Adheel ? Ces jeunes sont à peine sortis de l’enfance, et on les introduit sur ce vaisseau fantôme sans ceinture de sécurité, en dehors d’une combinaison tout ce qu’il y a de plus dans le vent, de bottes de sécurité géniales et d’un masque facial plutôt performant, je dois le reconnaître. Avec les évènements des jours précédents, à la place de la Direction, j’aurais attendu que ces derniers se tassent et j’aurais pris le temps de la réflexion. Tu ne crois pas ? – Je suis en phase, Salahm, mais ni toi ni moi n’avons notre mot à dire. Une fois achevés le contrôle du bloc et le raccommodage de la tubulure, ils se dirigèrent vers un bloc situé un peu plus loin dans le couloir.
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