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Femme de seconde main

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L’amitié rémunérée, au contraire de la vraie, présente un million d’avantages.

Elle peut, par exemple, s’arrêter à tout moment. Je ne promets rien, ne pose pas de conditions particulières, ne suis pas obligée de parler et ne me vexe pas. J’accepte les défauts, n’attends rien, n’emmerde pas, ne dévore pas le contenu du frigo, ne vais pas finir tes bouteilles de vin, ne bave sur personne et ne juge pas. Je me conduis de façon à ce que la clientèle savoure vraiment cette amitié. Je suis une invitée, une amie, une copine, une connaissance, une collègue, une ancienne camarade de classe, une cousine… c’est à mes clientes et clients de choisir mon rôle. S’ils ne sont pas satisfaits de l’amitié proposée, pas de problème. Ils peuvent rompre le contrat quand bon leur semble. Point. Pas de reproches, pas de scènes. L’amitié est expirée et basta.

Que reste-t-il des relations humaines dans une société consumériste à l'extrême ? Un roman décapant.

EXTRAIT

Je propose donc des services. Je vends de l’amitié. D’occasion. À des gens qui, pour une raison quelconque, ne peuvent ou ne savent pas trouver d’affection véritable, pure et sincère. Ils sont esseulés. Trop timides. Moches. Ils sentent mauvais. Ils sont bêtes. Intolérants. Niais. Radins. En bref, un million d’attributs ne donnant envie à personne de mettre les pieds chez eux et un millier de raisons pour qu’eux-mêmes n’y tiennent pas de toute façon. J’offre une amitié payante, l’amitié que tu choisis. Tu lui donnes son orientation, détermines son déroulement et son rythme. En gros, tu paies pour l’amitié comme tu la conçois. Bon, d’accord, il ne s’agit pas d’une vraie amitié qui découlerait d’affinités mutuelles, d’intérêts communs ou d’une angoisse partagée. J’offre également des visites uniques pour un prix un peu exagéré. Mes visites se paient. Toujours. Personne ne va m’embobiner pour que je vienne gratuitement. En fin de compte, la vraie amitié a aussi son prix.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

À travers la galerie de personnages que composent les clients de Csabika, l’écrivaine scrute ce qu’il reste d’humain là où tout s’achète et se vend. - Florence Bouchy, Le Monde des Livres

Un roman vif, malin et osé, qui se lit d’une traite. - Yaël Hirsch, Toutelaculture

Tout en menant une réflexion par l’exemple de ce qui peut s’acheter ou pas, l’auteure maintient tout au long de son récit une poésie pleine de fantaisie qui confère à ce roman une indéniable légèreté, presque souriante par moments, et volontiers audacieuse. - Daniel Fattore

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ursula Kovalyk est née en 1969 en Slovaquie. Impliquée depuis longtemps dans la défense du droit des femmes et dans l’aide aux sans-abri, elle dirige également une troupe de théâtre composée de personnes sans domicile fixe. Elle a publié de la poésie, des romans et du théâtre, et a reçu plusieurs prix littéraires prestigieux. Ses œuvres sont traduites en de nombreuses langues. Femme de seconde main est son premier roman traduit en français.

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La petite ville
LA PETITE VILLELa peinture marron fécal et bon marché des murs de l’agence pour l’emploi semblait ce matin-là un soupçon moins merdâtre. L’écorce rigide d’une branche, parsemée de feuilles d’un jaune fluorescent, dessinait une longue ligne oblique sur le crépi du bâtiment. Des tickets de bus usagés traînaient au bord du trottoir, tels des vieillards desséchés sur une plage naturiste. Personne ne se pressait. La rue s’imprégnait peu à peu de l’odeur du lecsó1 et de ses poivrons achetés à bas prix sur le trottoir. On entendait les cloches de la tour de la Petite Ville sonner huit heures d’un ton monotone et, au loin, le bruit du crépi qui s’était détaché d’un mur pour tomber avec fracas. Des femmes munies de sacs en plastique se dirigeaient vers les supermarchés pour y acheter de la viande en promotion tandis que les hommes s’apprêtaient à pourvoir les quelques emplois restants dans la Petite Ville. Pendant ce temps-là, des retraités se traînaient – les femmes chez leur médecin et les hommes vers leur première bière. Le brouillard humide, enfoui sous les premières feuilles mortes, s’évaporait doucement sous le chaud soleil d’automne. Cartables sur le dos, des enfants rompaient cette brume et l’emportaient dans les sacs colorés contenant leurs chaussons pour l’école. La matinée s’écoulait lentement, comme du miel séché sur une cuillère plongée dans du café froid. Le marasme de la Petite Ville était meurtrier. La lourde odeur de ses victimes arrachait aux derniers habitants ce qu’il leur restait d’illusions, autrement dit, leur joie de vivre. Personne ne souriait. Mes dents grises et esquintées par la tétracycline ont fendu l’air d’un sourire muet. Une dernière fois. J’ai ouvert les portes métalliques et inesthétiques de l’agence pour l’emploi et inhalé l’air empli de sueur qui imprégnait la minuscule pièce en forme de losange, sans fenêtres et pleine de gens nerveux qui souhaitaient déguerpir au plus vite. L’un d’entre eux puait la salade aux œufs. J’ai malgré tout inspiré l’air une nouvelle fois et plissé les lèvres. Après avoir saisi un crayon vert, j’ai écrit mon nom sur la feuille accrochée à côté de la porte. Ces visites à l’agence pour l’emploi ont pourri ma vie pendant cinq longues années. Cinq années d’attente, d’explications et de regards suspicieux de la conseillère. Cinq années de C.V., de lettres de motivation et de réponses négatives. Cinq années, longues comme la file d’attente pour l’aide sociale à la poste et toujours la même question : « Avez-vous trouvé du travail ? », suivie de la même réponse négative. Les candidatures se succédaient, semblables aux wagons d’un train qui passe. Toujours les mêmes questions, les mêmes réponses et d’interminables heures dans des pièces non aérées. Mes vêtements ? Achetés en dernière démarque. Les spaghettis ? En promotion. Les légumes ? Pour trois fois rien dans la chaîne de magasins Pidl. Cela faisait cinq ans que je vivais des aides sociales et me demandais ce que je pourrais faire dans la Petite Ville. Vivre des allocations jusqu’à la fin de mes jours ? Emballer le premier venu, l’épouser et faire des enfants comme la majorité des femmes dans cette ville ? Ou alors bosser au noir sans savoir si je toucherais ma paie un jour ? La dernière solution était de déménager à la Grande Ville, mais je l’avais gardée comme dernier recours. J’ai choisi de procéder par élimination, en excluant les conneries et il ne m’est resté qu’une solution. Au fond, il fallait bien faire quelque chose parce que, si tu restes éternellement au chômage, les gens te demandent : « Que faites-vous au juste ? Où travaillez-vous ? » Voilà les questions qu’on me posait à la première rencontre. On ne te demande jamais quelle est ton orientation politique ou ce dont tu as rêvé la nuit passée. Ça m’a toujours rendue mal à l’aise. – Je suis au chômage. – Ah ! me répondait-on et je m’apercevais vite que j’avais cessé d’exister aux yeux de l’individu. Aller à l’agence pour l’emploi équivaut à être un parasite. Certains m’avaient d’ailleurs déjà balancé à la figure que je vivais à leurs crochets. Il fallait que je parte. Il me fallait une idée, quelque chose que je serais la seule à savoir faire et pour laquelle les habitants trop gâtés de la Grande Ville paieraient. J’ai songé à ce qu’il pouvait y avoir d’unique en moi. Puisque je suis née et que les livres dissertent sans fin sur l’unicité de chaque individu, je dois forcément avoir une qualité exceptionnelle dont j’ignore l’existence. J’ai commencé à m’observer. Je me suis également mise à observer les autres, leurs réactions et leur façon de se comporter avec moi. J’espérais qu’ils m’indiqueraient ce que cela pouvait bien être. C’était difficile. Mes idées trop préconçues m’empêchaient de voir plus loin. Mes espoirs qu’une personne vienne me dire : « Tu es extrêmement intelligente » se sont évanouis dès la première semaine. Nul ne s’arrêtait pour admirer ma démarche ou ma posture droite ni pour apprécier le fait que je ne lèche le cul de personne. Nul ne louait ma capacité à être plus rapide qu’un ascenseur ou mon refus de manger des hamburgers. Il semblait que j’étais seulement née afin d’épuiser mon lot d’oxygène et de polluer les rivières de mes déjections intestinales. Mais voilà, j’étais en train de moisir à l’arrêt et le retard pris par mon bus m’avait fait ouvrir les yeux. J’attendais depuis vraiment longtemps. Les bouches d’égout avalaient paresseusement des flaques d’eau huileuses. La couche de graisse avait formé un miroir bleu et luisant dans lequel j’observais mon reflet. Les gens allaient et venaient en jetant de leurs poches des tickets compostés. Mon bus n’arrivait toujours pas et je commençais à être énervée. J’étais assise sur un banc métallique et chaque retraitée qui s’installait à côté de moi commençait à me raconter ce qui la tracassait. La même chose avec un vieux monsieur, une femme en congé de maternité, puis un écolier. Ils me rebattaient les oreilles sans que j’aie posé la moindre question. Je me suis alors dit que ce n’était pas normal et qu’il était plutôt étrange que des inconnus se mettent ainsi à déballer leurs problèmes dans la rue. Peut-être que j’inspirais confiance. Peut-être que certains iraient même jusqu’à me payer pour cela. Sauf que je ne pouvais pas poireauter aux arrêts de bus à attendre que quelqu’un m’aborde, mon dos en aurait trop souffert. Je voulais joindre l’utile à l’agréable. Je n’aime pas me forcer. Il faut faire ce que l’on aime. Moi, ce qui me plaît le plus, c’est d’aller voir les gens. C’est super de rendre visite à quelqu’un. Il y a toujours des bretzels, des cacahuètes ou un dessert sur la table. Tu es là, assise, respirant l’odeur des rideaux fraîchement lavés en somnolant dans un fauteuil douillet. Au loin, tu entends le bruit du moulin à café et écoutes les derniers potins d’un air bienheureux. Tu observes des photos entourées d’un cadre doré ou t’imprègnes simplement de l’ambiance qui règne dans cet appartement que tu ne devras jamais nettoyer. Et tout le monde est si gentil avec toi. Tout le monde fait semblant. C’est toi l’invitée après tout. Du café ? Ah oui, mais pas trop fort. Et qu’est-ce que tu penses de la situation politique ? Hmm… ça craint. Tu ajoutes une petite blague de temps en temps. Parfois tu peux inventer des anecdotes amusantes et être quelqu’un que tu n’es pas. Les gens sont de bonne humeur quand tu viens parce que tu ne leur tapes pas sur les nerfs au quotidien. Ils peuvent se vanter devant toi de l’intelligence de leur gamin ou de leur nouveau congélateur. C’est le théâtre de son chez-soi où l’on montre seulement ce que l’on veut. Le bordel a été fourré dans les placards et le gâteau est brûlé ? Pas grave, ça arrive, dis-tu avec bienveillance. J’ai donc décidé de devenir auto-entrepreneuse et ai attendu pour la première fois sans m’énerver dans la file malodorante pour l’aide sociale. La dame de l’agence pour l’emploi m’a jaugée d’un regard inquisiteur maquillé en rose. Une dernière fois. J’ai quitté la Petite Ville comme on quitte un amant sans fortune mais dont on est malgré tout tombé amoureux. Même si mon enfance était présente à chaque coin de rue. Je me suis interdit de me rappeler des souvenirs heureux. J’ai caché toutes mes craintes dans une boîte à biscuits. J’ai rangé dans mes bagages l’image de son visage apathique et somnolent. Je n’ai pas dit au revoir. Juste que je partais. Les années passées, les vaines attentes et les cruelles déceptions qui en avaient résulté agitaient derrière moi leur mouchoir. Tout serait différent désormais. Je ne serais jamais plus celle que j’avais été. Le temps dessinerait en mon absence une image sur laquelle je ne figurerais pas. Le voyage vers la Grande Ville a duré toute la journée. Le train bringuebalait à intervalles réguliers. Sans faire de bruit, la poussière poudroyante se déposait sur le tissu des sièges et les rayons du soleil ondoyaient sur le plancher du wagon. Une personne était en train de changer la sonnerie de son portable, une autre a toussé un court instant. Le contrôleur a parcouru le compartiment d’un œil indifférent et a poinçonné les billets. Le jeune gars assis en face de moi tenait sa copine par la taille et lui parlait de sa nouvelle moto. Son regard absent donnait l’impression qu’il participait au Paris-Dakar. Il serrait la main de la fille comme s’il tenait un guidon et remuait la jambe pour accélérer. La vieille femme installée à côté de moi a fouillé pour la huitième fois dans son sac, puis en a sorti toutes les babioles qui s’y trouvaient, comme si elle ne les avait jamais vues avant. Regarder son étui à lunettes la plongeait systématiquement dans une profonde méditation. Quant à moi, je laissais courir mes pensées tel un chien dans un parc. Je me demandais ce qui allait suivre, quelle serait ma clientèle, où j’allais habiter et ce que faisait mon frère. Comme un mauvais présage, mon avenir s’annonçait parfait sans qu’il ne me vienne à l’esprit que la Grande Ville puisse être dangereuse. Hilda était installée à mes pieds et ne connaissait pas notre destination. Les cils de ses yeux qui clignaient avec délectation au soleil rappelaient les petites pattes d’une abeille. Elle a mordillé son pelage afin d’en extraire une puce, en se léchant les babines à plusieurs reprises. 1 Plat d’origine hongroise à base d’oignons, de tomates et de poivrons verts, parfumé au paprika.

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