Beverly
Comme de coutume, je m'étais levée tôt et avais préparé tout le nécessaire pour les enfants. Je les avais ensuite réveillés et préparés pour l'école. Les bruits de la maison n'avaient en rien réveillé leurs deux parents, qui dormaient encore : l'un, toujours pris dans les vapes de l'alcool, et l'autre, se remettant sûrement d'une nuit endiablée. Je m'étais endormie vers une heure du matin après avoir étudié, et maman n'était toujours pas rentrée.
J’avais déposé les plus petits à l’école et avais pris un taxi pour me rendre chez Arthur.
Je me demandais encore pourquoi je m’investissais autant pour lui. J'avais passé une bonne partie de l'après-midi d'hier à faire des courses pour lui et, maintenant, je me rendais encore chez lui pour l'aider à préparer. Je n'avais déjà pas assez de temps pour moi-même et ma famille, mais il fallait en plus que je m'occupe de quelqu'un d'autre ?
Le manque de temps était d'ailleurs l'une des raisons de mon célibat. Où aurais-je trouvé du temps pour me consacrer à un homme ? Et pourtant, c'est nécessaire pour toute relation amoureuse. Je me consolais simplement en me disant que j'étais encore toute jeune et que j'aurais tout le temps plus tard pour trouver quelqu'un.
« Je suis devant la chapelle de Tsinga » écrivis-je à Arthur.
Malheureusement au Cameroun, bien que les rues soient numérotées et aient toutes un nom, nous ne les utilisions jamais pour nos déplacements. Nous nous référions généralement à des édifices importants dans les environs.
« Donne-moi juste une minute et je te rejoins ».
Arthur arriva en effet peu de minutes plus tard.
- T’as eu de la peine à trouver ? » demanda-t-il gentiment.
- Mais non, t’inquiète, je connais très bien la zone. J’y passe très souvent pour me rendre au marché.
- D’accord, répondit Arthur avec soulagement.
Une petite gêne s’installa entre nous.
- On y va alors ? demanda Arthur.
Je hochai simplement la tête et Arthur me saisit naturellement la main pour me guider. Je me sentais embarrassée, mais je n’osais pas la retirer.
Il se faufila dans des ruelles étroites et quelques minutes plus tard, il s’arrêtait devant une porte. Il lâcha enfin ma main et plongea la sienne dans sa poche pour en sortir les clés.
Il ouvrit la porte et m’invita à y entrer. J’accédai à son antre et jetai un regard circulaire autour de moi. La pièce était très petite, d'environ vingt mètres carrés, avec un lit une place, un petit frigo et une cuisinière pour préparer les repas.
Je remarquai une porte au fond de la pièce. Ce devait être les toilettes.
- On devrait s’y mettre si nous ne voulons pas arriver en retard au cours, dis-je en me tournant vers Arthur.
- D’accord, répondit-il en se précipitant vers un des sacs qu’il avait ramenés hier.
- On pourrait faire une simple sauce tomate avec du poisson. On fera beaucoup de sauce, car la tomate met énormément de temps pour cuire. Tu pourras congeler une partie et l’utiliser plus tard comme base pour de la sauce d’arachide ou faire simplement des pâtes.
- D’accord, répondit docilement Arthur.
- T’as un couteau ?
- Euh... je n'en sais rien, mais je pense bien que oui. Jusqu'ici, je n'avais utilisé que les plats et les couverts pour manger. Je n'avais pas encore eu besoin d'un couteau.
Il ouvrit un petit tiroir où se trouvait tout le nécessaire de cuisine. Il y trouva un couteau et me le montra d’un air triomphant.
- Il est là ! s’écria-t-il. La chambre a été louée avec tout le nécessaire, mais je n’avais pas fait attention.
- Je vois, répondis-je. Nous allons d’abord découper les oignons.
S'ensuivit un cours de cuisine assez accéléré où j'essayai de lui donner des notions de base, mais j'étais bien consciente que, partant de zéro, il faudrait bien plus qu'une séance pour qu'il soit un minimum indépendant en cuisine. Son air égaré confirmait mes pensées.
- Euh, tu vas déjà manger ceci, cela va t’aider pendant deux jours, aujourd’hui avec du riz et demain avec des pâtes, et on verra en semaine quand j’aurai un peu de temps libre.
- Merci, merci pour tout, dit Arthur d’un ton reconnaissant.
- Il n y a pas de quoi. Euh... je devrais prendre un bain maintenant, dis-je en jetant un regard autour de moi.
J’étais venue vêtue d’un caba (robe en pagne) et j’avais prévu des vêtements de rechange dans mon sac.
La pièce était tellement petite que je ne savais où me changer avant de me rendre aux toilettes.
- Je te passe déjà une serviette, lança Arthur en ouvrant une armoire. Je vais sortir pour te permettre de te changer et de prendre un bain.
- Mais non, je vais le faire directement à la douche.
- Hum... c’est extrêmement étroit, mais si tu veux bien essayer…
Je saisis de la serviette en question d’un air embarrassé et me rendis aux toilettes.
Je dus admettre qu’Arthur avec bien raison. Je devais carrément faire des acrobaties de contorsionniste pour réussir à me déshabiller. Je pris rapidement un bain et cédai ensuite la place à Arthur.
- Je peux attendre dehors, vu ta carrure, ce ne sera pas facile.
- T’inquiète ma belle, j’y arriverai. J'y suis habitué, répondit simplement Arthur en se rendant à son tour aux toilettes.
Il en ressortit près de 15 minutes plus tard. Il était vêtu d’une paire de jeans qui mettaient en valeur ses cuisses musclées et d’un t-shirt blanc. Mon regarda s’attarda un bref moment sur sa carrure imposante avant que je ne détourne les yeux.
- On y va ? demanda Arthur en se saisissant de son sac.
Je fis de même et on se dirigea vers la porte. Arthur posa la main sur la poignée, mais ne l’ouvrit pas immédiatement. Je tournai donc la tête d’un air incompris vers lui et mon regard croisa le sien.
Une espèce de vide se créa entre nous et on resta à se regarder un long moment.
- Euh... je tenais une fois de plus à te remercier. J’apprécie énormément ton geste, car je sais que tu es toujours très occupée. C’est vraiment gentil de ta part.
- Tu n’as pas à me remercier, dis-je d’un ton embarrassé. On devrait y aller si on ne veut pas arriver en retard au cours.
- Tu as raison, lança Arthur avec un sourire et il ouvrit finalement la porte.
Je poussai un ouf de soulagement en sortant de sa chambre. J'ai craint un bref instant qu'il ne tente quelque chose, mais heureusement, ce ne fut pas le cas. Cependant, je dois admettre qu'il m'a semblé, un moment, qu'il s'était simplement ravisé.