Arthur
J’étais maintenant à Yaoundé depuis un mois. Tout se passait bien. Je m’impliquais autant que je le pouvais avec les cours. Je donnais vraiment le maximum.
Durant ce mois, je m’étais lié d’amitié avec Beverly et Amanda. Nous passions beaucoup de temps tous les trois.
Amanda essayait toujours de m’aguicher, mais je faisais semblant de ne pas le noter. J'avais échangé mon numéro avec elle aussi et, pour être totalement sincère, c'est elle qui m'avait d'abord demandé le mien avant de m'envoyer un message pour me communiquer le sien. Depuis ce jour, elle m'écrivait presque tous les soirs, et je prenais tout de même le temps de lui répondre.
Quant à Beverly, je peinais à définir les liens qui nous unissaient. Elle était venue m'aider plus d'une fois à préparer mes repas, et je devais admettre qu'elle était d'une grande aide.
Je me débrouillais déjà assez bien en cuisine, mais je lui demandais encore quelques conseils par message et elle me répondait toujours très gentiment.
J’étais revenu des cours depuis peu et étais en train de réchauffer la nourriture de la veille quand je fus distrait par mon téléphone qui sonnait. L’appel venait, comme toujours, de maman.
Je décrochai en tournant la sauce dans la marmite quand la voix stridente de maman m’obligea à éloigner rapidement le téléphone des oreilles.
- Mvogo, on doit souvent te parler combien de fois pour que tu comprennes !? hurla maman au téléphone.
Quand maman utilisait mon nom de famille et surtout, quand elle utilisait ce ton de voix, cela ne présageait absolument rien de bon.
- Je t'ai parlé mille fois de tes amis, mais toi, tu étais trop grand pour m'écouter ! La police vient de quitter le quartier. Elle a pris un à un tes amis, et un autre a réussi à s'échapper.
À ces mots, mon cœur se mit à cogner très fort dans ma poitrine.
- De quoi parles-tu maman ? demandai-je tout de même.
- Je parle des délinquants avec qui tu traînais ici au quartier. Je t'avais parlé du braquage qui avait eu lieu dans la bar de monsieur Fotso il y a quelques semaines, non ? Le fils de la dame qui vend les tomates au carrefour est apparemment le chef de gang.
La maman de Raphaël, un de mes amis, vendait en effet des tomates à un carrefour près de la maison.
- Il a dit qu’il n'avait pas l'intention de tomber seul. Il a apparemment donné le nom de certains gars du quartier. Tous tes amis Mvogo, je dis bien tous tes amis.
Mon cœur accéléra sa course à ces mots. Si maman me le racontait, ça voulait dire que mon nom n’avait pas été cité et que personne n’avait toqué chez elle.
- Mais maman, j'étais déjà ici quand cela s'est produit, protestai-je mollement.
- "Mais maman, j'étais déjà ici quand cela s'est produit." me mima maman d'une voix ironique. Combien de fois t'ai-je parlé dans cette maison Mvogo ? J'espère que ton nom ne sera cité dans aucun de leurs coups précédents !
Un silence de plomb s'installa sur la ligne.
- Le fils de madame Njoya leur aurait échappé. Il aurait apparemment été averti de la présence de la police au quartier, mais je reste convaincue que ce n’est qu’une question de temps. Il sera pris, lui aussi.
Elle parlait d’Achille, un autre de mes amis. Dieu merci, je n’avais pas été cité, ce qui aurait déjà été une accusation mensongère vu que je m'étais déjà transféré à Yaoundé quand cela s'est produit. D'un autre côté, je craignais qu'ils ne citent mon nom dans un précédent coup, peut-être par vendetta.
À mon arrivée à Yaoundé, ils avaient essayé de me contacter, mais je n'avais jamais répondu à leurs appels. Après quelques jours, j'avais décidé de changer de carte SIM pour couper totalement les ponts avec eux. Si je voulais vraiment donner un nouveau départ à ma vie, je devais le faire de manière radicale.
- En tout cas, je ne veux plus te voir traîner avec eux ! Je ne veux même pas que tu les cherches quand tu viendras ici. De toute façon, si tu veux les voir, il te faudra te rendre à New-Bell, dit maman d’un ton moqueur. Voilà les amitiés pour lesquelles tu nous tenais tête dans cette maison.
New-Bell était le quartier où se trouvait la prison centrale de Douala.
- Ah maman, je n'ai plus de leurs nouvelles depuis que je suis parti. J'avais décidé de prendre un nouveau départ.
- C'est très bien, continue comme ça et concentre-toi sur tes études.
- J'en ai bien l'intention maman, répondis-je d'une voix ferme.
Maman raccrocha une fois de plus après mille recommandations et m'avoir prodigué toutes ses bénédictions.
Cette vie appartenait désormais au passé et je voulais commencer sur des nouvelles bases à Yaoundé. Je devais me concentrer sur mes études, mais en plus, je n'allais pas éternellement être une charge à vie pour mon frère.