Beverly
J'arrivai enfin en fac avec l'esprit toujours en ébullition. Que s'était-il passé après mon départ ? J'étais pleinement consciente des intentions d'Amanda et je me demandais si Arthur avait cédé à la tentation. Et si cela avait été le cas, pourquoi prendre de mes nouvelles hier ? Nous étions certes proches, mais Arthur ne m'écrivait jamais pour prendre de mes nouvelles. Nous nous voyons de lundi à vendredi chaque semaine et nous passions une bonne partie de nos journées ensemble. Il m'écrivait généralement dans un but bien précis, pour un conseil ou une question à poser.
J'entrai dans la salle de classe et il était déjà installé à notre place habituelle. Les étudiants désormais occupaient presque toujours la même place.
J’étais en train de me rapprocher de lui quand il leva la tête. Mon regard se perdit un bref moment dans le sien et je comblai la distance qui me séparait de lui en espérant que mon malaise ne soit pas visible.
- Bonjour Arthur, lançai-je d’une voix que j’espérais naturelle.
- Bonjour Beverly, répondit Arthur avec un large sourire aux lèvres.
Je pris place gauchement près de lui en faisant mine de regarder le tableau.
- Ça va ? demanda Arthur d’une voix douce.
- Oui, je vais bien et toi ?
- Je vais bien aussi. Tu as pu parler à ta sœur ? demanda Arthur.
- Oui, nous avons parlé et tout va bien. Je devrais rencontrer son copain d'ici peu.
- D’accord, vas-y tout doucement avec lui, me conseilla Arthur.
- D’accord et encore merci, répondis-je.
- Il n’y a vraiment pas de quoi.
On resta un bref moment en silence.
- As-tu un jour de libre cette semaine ?
- Euh... en principe, je suis libre demain.
- Wow, c’est cool ça. Ça te dirait de sortir pour un pot demain ? demanda Arthur. Nous n’allons pas traîner, ajouta-t-il précipitamment.
- Euh... euh... je ne sais pas... Tu sais, mes journées libres, je les exploite pour avancer dans les études.
- Promis, je ne vais pas te prendre trop de temps.
- Euh... d’accord, cédai-je finalement.
Au fond, je mourrai d’envie de passer un peu de temps avec lui et je me demandais justement si c’était une bonne idée.
- Merci, répondit Arthur d’un ton reconnaissant.
On resta à se regarder un bref moment dans les yeux, pendant que je sentais les battements de mon cœur s'affoler. Mon Dieu, que m'arrivait-il ? Pourquoi cette subite sensibilité à la proximité d'Arthur ? Beverly, ce n'est pas une nouveauté, et tu le sais très bien, me chuchota une petite voix insidieuse, me rappelant le trouble que j'avais ressenti quand mes yeux s'étaient posés sur lui lors de notre première rencontre. J'avais préféré reléguer ce genre de sentiment très loin dans mon esprit, et j'avais l'impression que l'intérêt manifesté ouvertement par Arthur réveillait ces sentiments enfouis.
Le prof arriva et le cours put enfin commencer, me tirant ainsi d’embarras. Mon cœur n’avait cessé de battre de manière désordonnée chaque fois que mon regard croisait celui d’Arthur.
Amanda arriva quand le cours avait à peine commencé.
- Salut à tous, lança-t-elle en prenant place près de moi.
- Bonjour Amanda, répondis-je avec un sourire.
- Bonjour Amanda, dit Arthur d’une voix gentille. Ça va ?
- Ça va, merci et toi ?
- Ça va, ma belle.
Bien que concentrée sur le cours, je n'arrêtais pas d'épier chacun de leurs gestes. Ils avaient l'air de s'entendre un peu mieux que d'habitude, car j'avais bien remarqué qu'Arthur était généralement réticent face aux tentatives de drague d'Amanda. Je ne voulais pas imaginer à quoi cela pouvait être dû.
La journée se déroula sans accroc. Je me sentais néanmoins comme sur des charbons ardents chaque fois que mon regard croisait celui d'Arthur. Il avait toujours une lueur particulière dans les yeux et, quand nos yeux se rencontraient, il me souriait simplement ou me faisait un clin d'œil, faisant ainsi accélérer les battements de mon cœur.
- Euh... je vais vous laisser, chuchotai-je à Arthur et Amanda. Je commence d’ici peu au boulot.
- Je viens avec toi, lança Amanda en regardant ouvertement Arthur. Tu viens ?
- Non, répondit-il. Je vais rester finir le cours, je vous envoie tout en soirée.
- D’accord et merci, lui répondis-je d’un ton reconnaissant.
- Merci Arthur, on se dit à demain, lança Amanda.
Je me levai discrètement, suivie par Amanda, et nous sortîmes de la salle en espérant ne pas être prises par le prof, car nous avions bien sûr attendu que ce dernier se soit tourné vers le tableau.
J’étais maintenant à l’extérieur de la salle avec Amanda.
- Tu vas où comme ça, ma belle ? demandai-je à Amanda.
- Je dois faire une commission pour maman. Je dois rencontrer une de ses amis à 18 h au quartier Messassi.
- Woww, c’est bien loin, j’espère que tu pourras arriver à temps.
Nous parlions tout en nous rapprochant du lieu où il serait plus facile pour nous de prendre un taxi.
- Le boulot s’est bien passé samedi ? demanda Amanda.
- Oui, la routine di comme d’hab, à éviter les mains baladeuses, mais que puis-je y faire ?
- Haha, j’imagine bien, ce n'est vraiment pas évident.
- Tu parles, mais bon ! rétorquai-je en secouant vainement les épaules. Et toi ? Vous êtes restés étudier jusqu’à quelle heure samedi ?
- Hum, nous sommes restés jusqu’à très tard, très tard même, je dirais, lança Amanda d’un ton malicieux en me faisant un clin d’œil.
Je sentis les battements de mon cœur s’affoler à ces mots.
- C’est-à-dire ? demandai-je le cœur battant.
J’avais tout à coup peur de la réponse d’Amanda.
- Je ne vais tout de même pas te faire un dessin, je pense. Arthur, sous ses airs réservés... hum, est bien entreprenant à huis clos.
- Qu’entends-tu par là ? demandai-je la voix tremblante.
- Ah Beverly, il faut vraiment tout t’expliquer apparemment. Disons que je lui ai fait clairement comprendre qu’il m’intéressait.
- Je vois, et qu’a-t-il dit ? demandai-je précipitamment.
- Il a dit qu’il l’avait remarqué, répondit Amanda en éclatant de rire. Il m’a dit qu’il était aussi intéressé par moi et bref, je t’épargne la suite de notre soirée.
Je sentis tout à coup mes mains devenir moites à la dernière phrase d’Amanda. Mais à quoi jouait Arthur, bon sang ? Il voulait se faire les deux copines ? Il pensait que nous n'en parlerions pas ? Je secouai simplement la tête d'un air dépité.
- Tout va bien Beverly ? me demanda Amanda d’une voix innocente.
- Euh... euh... oui, tout va bien, répondis-je d’une voix que j’espérais désinvolte.
Et dire que j'avais pensé m'ouvrir à lui, me donner la possibilité de le connaître vraiment et, éventuellement, lui donner une chance s'il avait la tête sur les épaules. Ses conseils concernant Virginie m'avaient semblé tellement pertinents que j'avais commencé à penser que c'était un garçon comme il se doit.
Je stoppai le premier taxi qui passait par là et donnai ma destination. J’avais besoin de m’éloigner le plus rapidement possible. Amanda n’avait aucune faute, elle ne savait même pas que j’étais intéressée par Arthur. Comment l’aurait-elle su d’ailleurs ? Je venais de me l’avouer à moi-même il y a peu.