Arthur
J'étais dans cette pièce qui me servait de chambre, de salon et de cuisine, et je tournais la spatule dans la sauce d'arachide que je préparais. Beverly et Amanda étaient censées passer la journée avec moi pour étudier. J'avais donc décidé de cuisiner cette sauce. Nous la mangerions plus tard avec du riz blanc. Je le préparerai après, car il est meilleur quand il est chaud.
J'avais entendu toquer à la porte et m'étais précipité pour l'ouvrir. Beverly se trouvait sur le seuil. Dès le premier regard, je m'étais rendu compte qu'elle n'était pas totalement dans son assiette.
Je l'avais invitée à entrer et je m'étais ensuite rendu aux toilettes pour une douche rapide. J'en étais à peine ressorti et il avait suffi d'un seul regard sur Beverly pour confirmer que quelque chose ne tournait pas rond.
- Ça va ? demandai-je d'un ton inquiet en prenant place sur une chaise que je rapprochai ensuite d'elle.
- Disons que ça pourrait aller mieux, répondit-elle d'une voix lasse.
Je fronçai les sourcils en entendant la phrase de Beverly.
- Une minute, s'il te plaît, ma belle.
Je me levai rapidement et me rendis à ma cuisinière pour éteindre le feu sous la sauce.
Je retournai vers Beverly et la cherchai des yeux un moment. Elle maintenait toujours la tête baissée.
- Que se passe-t-il Beverly ? demandai-je d'une voix douce, mais inquiète.
Beverly était vraiment une amie chère à mon cœur. Elle m'était venue en aide dès le début avec ses notes de cours et ensuite en me donnant un coup de main à la cuisine. Elle était d'ailleurs toujours disponible pour le faire.
J'étais sur le point d'insister quand mon téléphone se mit à sonner.
- Allô Arthur, c'est Amanda. Je suis sur le point de sortir de chez moi, pourrais-tu me donner des indications ?
- Bonjour Amanda, tu vas prendre un taxi et descendre au niveau de la chapelle de Tsinga.
Je lui donnai toutes les indications nécessaires afin de trouver la mini-cité universitaire où je logeais.
- Le numero de ma chambre est le 21. À tout de suite, alors.
Je raccrochai le téléphone et reportai mon regard sur Beverly.
- Tu peux te confier à moi, tu sais, repris-je d'un ton encourageant.
Beverly soupira un long moment avant de prendre la parole.
- En fait, j'ai des petits problèmes avec ma sœur. Je suis rentrée un peu plus tôt du boulot hier et ...
Elle me parla de l'absence de sa sœur et, surtout, du comportement opposant et rebelle que cette dernière avait eu envers elle.
Elle se tut enfin et son air préoccupé me fit un pincement au cœur. Je me devais de lui remonter le moral, il me fallait vraiment trouver les mots justes.
- C'est une situation vraiment délicate, commençai-je. Il te faudra avoir un dialogue ouvert avec elle. Il faut lui parler sans lui donner l'impression que tu la juges ou que tu t'opposes à sa relation.
Je lui parlais en connaissance de cause. Ma famille avait toujours détesté mes fréquentations et, plus ils en parlaient de manière dégradante, plus je m'y opposais farouchement, m'obstinant bêtement à entretenir mes "amitiés". Malheureusement pour moi, le temps leur avait donné raison. Et quand je pensais à jusqu'où j'étais allé pour m'affirmer, j'en avais la chair de poule.
- Essaie de lui parler posément. Dis-lui que tu es prête à le rencontrer et, surtout, essaie de la conseiller concernant la contraception et tout ce qui touche aux maladies sexuellement transmissibles.
Elle eut un haut le cœur à ma dernière phrase.
- Beverly, il faut être réaliste : un homme de trente ans ne se met pas en couple pour échanger de simples baisers. Il faudra vraiment la conseiller dans ce sens.
Elle leva finalement la tête vers moi et me fit un léger sourire.
- Tu as raison sur toute la ligne, admit-elle. Je vais essayer d'en parler avec elle à tête reposée. Virginie a toujours été très rebelle, et les menaces ou l'intimidation n'ont jamais été la solution avec elle.
- Tu sais, ça ne marche pas avec tout le monde, confirmai-je.
Un petit moment de vide se créa entre nous. On resta face à face, à se regarder dans le blanc des yeux. L'atmosphère se chargea tout à coup d'électricité et je sentis la respiration de Beverly s'accélérer. Mon regard se posa à cet instant sur ses lèvres et des pensées pas très catholiques envahirent mon esprit. Des pensées qui ne dataient pas d'aujourd'hui, si je devais être totalement sincère avec moi-même.
Je relevai lentement la tête et mon regard se perdit dans les prunelles assombries de Beverly. N'y tenant plus, je rapprochai lentement ma tête de la sienne, prêt à happer ses lèvres, quand un bruit près de la porte nous obligea à nous séparer brusquement.
Quelqu'un était effectivement en train de toquer à la porte. Je pris une brève inspiration et portai à nouveau mon regard sur Beverly. Nos yeux se croisèrent, et je pus lire une myriade d'émotions dans les siens avant qu'elle ne baisse vivement la tête.
On toqua à nouveau à la porte, cette fois avec insistance, ce qui me fit me lever brusquement de ma chaise. Je me dirigeai vers la porte.
J'ouvris la porte et tombai sur le regard chargé d'incompréhension d'Amanda.
- Hé Arthur, je cogne depuis un moment là, que faisais-tu ? demanda-t-elle en accédant à ma chambre.
- Désolé ma belle, répondis-je simplement en me grattant la tête, je ne savais que dire d'autre.
Amanda entra dans la pièce et se rendit compte de la présence de Beverly. Son regard interrogateur se déplaça d'elle à moi, puis de moi à elle pendant quelques secondes.
- Bonjour Amanda, la salua Beverly avec un faible sourire.
- Bonjour Beverly, répondit Amanda en se rapprochant de son amie pour une bise. Ça va ?
- Assez bien et toi ? demanda Beverly.
- Je vais bien aussi, répondit Amanda.
On resta un bref moment dans un silence un peu embarrassant, ce qui était tout de même étrange, car nous avions l'habitude de passer du temps tous les trois.
- Les filles, j'ai libéré cette table pour nous, lançai-je en me dirigeant vers celle-ci.
J'avais aussi emprunté une chaise à mon voisin, car je n'en avais que deux.
- Par quoi commençons-nous ? demandai-je.
- Je pensais que nous pourrions commencer par l'algèbre, répondit Amanda.
- Ça me va et toi Beverly ? demandai-je en tournant le regard vers Beverly.
Elle leva la tête vers moi et la baissa immédiatement quand nos regards se rencontrèrent.
- Ça me va aussi, répondit-elle finalement.
J'installai nos trois chaises et chacun prit place autour de la table. On commença à étudier activement. Chaque fois que mon regard rencontrait celui de Beverly, elle détournait simplement la tête, mais je pouvais y lire de la gêne. Par contre, quand mon regard croisait celui d'Amanda, cette dernière me souriait de manière aguicheuse, et pour la première fois depuis ces mois, j'eus l'impression que Beverly en était un peu irritée.
On travailla sans relâche jusqu'à 13 h.
- Les filles, donnez-moi juste un moment, je vous en prie. Je vais mettre du riz au feu, dis-je en me levant pour me rapprocher de ma cuisinière.
- Je vais en profiter pour passer un coup de fil, lança Amanda en sortant de la chambre, tenant son téléphone dans la main.
Je cherchai un long moment Beverly du regard, mais cette dernière maintenait obstinément la tête baissée.