Chapitre 2-1

2005 Words
Chapitre 2 Comme à son habitude, elle se réveilla trop tôt. Elle aurait pu se lever à huit heures, mais non, il fallut qu'Ana se réveille à cinq heures. Le stress ? Oui, sûrement. Ses angoisses permanentes lui provoquaient beaucoup d'insomnies depuis l'accident estival, des cauchemars aussi, sans oublier ses crises de somnambulisme qui survenaient de temps en temps, accompagnées de crises de panique, mais ça, ce n'était pas nouveau. Mais, comme à chaque fois, elle avait tellement pris son temps quand elle avait vu l'avance qu'elle avait, qu’ensuite, elle était en retard. Elle se leva, s'habilla et se maquilla en vitesse puis descendit en courant, espérant ne pas rater son bus. — Bonjour Ana. Ah, on a mis de la couleur aujourd'hui qu'est-ce qu'il t'arrive ? — Oui, bonne journée à toi aussi, répondit cette rebelle, déjà sur les nerfs. Elle ne supportait plus d'être dans la même pièce que sa mère et préféra sortir aussi vite qu’elle s’était maquillée. Ana attrapa une petite bouteille d'eau qu'elle jeta dans son sac et se dit que si elle avait faim en arrivant à la fac, elle irait s'acheter un cookie à la petite boutique en face. Dès lors, elle n'avait plus qu'à courir jusqu'à son arrêt de bus, bien qu'il dût déjà être passé depuis au moins cinq minutes. Pour une fois, elle pria pour qu'il soit en retard. Mais en fermant sa porte d'entrée, elle eut la merveilleuse surprise de voir qu'il pleuvait – pour changer – et qu'elle avait cassé son parapluie. Alors qu'elle se battait avec pour le refermer, elle entendit le grondement insupportable du bus scolaire qui arrivait en haut de la rue. Prise de panique, elle lança son parapluie sur son perron et sans réfléchir, se mit à courir sur la route en direction de son arrêt. Oups, elle n'avait pas vu qu'une voiture arrivait derrière, et cette dernière pila si brusquement qu'Ana tomba en arrière, atterrissant sur une flaque d'eau qui venait de se former au milieu de la route et ainsi tomba la tête la première sur le bitume. Le chauffeur de la voiture qui avait engendré cette chute ne trouva rien de mieux à faire que de klaxonner et de faire de vulgaires signes à Ana en s'énervant, puis poursuivit sa route, sans lui prêter attention. Le classique délit de fuite. Ana, désorientée par cette douloureuse chute, avait besoin de reprendre ses esprits avant de se lever... mais, étourdie, elle n'avait pas pris conscience qu'elle était allongée au milieu de la route où le bus arrivait. Le chauffeur ne freina pas avant de se trouver à deux centimètres de la jeune fille. Voyant qu'elle ne se levait pas et qu'elle semblait inconsciente, il klaxonna lui aussi, ce qui eut le don d'énerver Ana car elle n'y pouvait rien si elle se sentait mal et qu'elle ne parvenait pas à se lever. Elle ne comprenait pas que l'on puisse lui reprocher d'être en détresse. Le chauffeur klaxonna une seconde fois. Comme Ana ne donnait toujours pas de signe de vie, il passa la tête par la fenêtre de sa portière et cria : — Bon, alors là ? Tu vas te lever ? C'est la nuit qu'il faut dormir, tu vas mettre tout le monde en retard avec tes bêtises ! Ana, ahurie pensa : Comment peut-il faire de l'ironie, je n'arrive même pas à me lever et lui, il se moque de moi ! Quel abruti non mais franchement ! Elle se décida finalement à essayer de bouger, tandis qu'elle avait à l’instant repris ses esprits, elle roula afin de se trouver face au bus et vit un troupeau – mais vraiment, il n'y avait pas d'autre mot – d'élèves entassés les uns sur les autres devant le pare-brise du bus et qui riaient en la regardant. Certains même la prenaient en photo ou vidéo en brandissant leur téléphone avec leur lights, sans doute pour qu’elle finisse sur internet et faire rire quelques autres abrutis qui regarderaient ce moment hilare jusqu’à ce que le karma ne s’abatte sur eux pour venger Ana. Même le chauffeur riait. Elle se sentit si humiliée, mais ce ne fut pas ça, le pire : elle paniqua quand elle passa sa main sur son front car à ce moment-là, elle sentit un liquide étrangement chaud se déposer sur ses doigts délicats et couler sur son front, puis le long de sa joue, coller à ses cheveux, pour finir dans son cou avant qu'elle n'ait eu le temps de l'arrêter. Elle se leva avec beaucoup de peine et, alors qu'elle allait rentrer dans le bus, le chauffeur lui lança d'un ton moqueur : — Non c'est une blague, tu ne vas quand même pas aller à la fac comme ça jeune fille ! Et même pour mon bus, je ne te prends pas comme ça dans mon bus ! Tu as pensé à mon bus ? Tu as pensé à mes sièges en tissu ? Aller, descends ! Et va te nettoyer, tu fais peur ! C'est vrai qu'elle était dans un état désastreux : elle était trempée de la tête aux pieds, non seulement à cause de la flaque dans laquelle elle était tombée mais aussi parce qu'il pleuvait à saut et ça devait faire une petite dizaine de minutes qu'elle était étendue à terre sans rien pour la protéger. Mais ce n'était pas le seul problème, elle était aussi ouverte au niveau de l'arcade gauche et une grossière traînée de sang dessinait une épaisse ligne sur toute la moitié gauche de son visage, ainsi que sur son cou, pour finalement dévorer sa veste. Sa robe noire était dans un sale état, ainsi que ses cheveux, son sac en tissu était presque fichu et son maquillage avait coulé. Elle ne pouvait définitivement pas aller à la fac comme ça, c'est vrai qu'elle ne cherchait plus à plaire, mais elle tenait tout de même à être présentable, un minimum. Sur ces paroles irresponsables, Ana descendit du bus et se plaça sur le trottoir, les regardant partir, tous ces idiots : le chauffeur et les étudiants ingrats. Elle donna un coup de pied dans son sac et profana au ciel quelques injures, puis elle versa une larme. D'habitude, elle s'interdisait de pleurer mais là, ce n'était pas pareil. Elle était trempée, elle avait mal à la tête, elle en avait marre de tout, sa robe noire préférée était fichue, elle allait être en retard, enfin elle l'était déjà et elle allait devoir rentrer chez elle et affronter le regard de sa mère quand elle la verrait de la sorte. Et ça, ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Tandis qu'elle cherchait une solution pour rentrer sans croiser sa mère, son voisin d'en face sortit et courut vers elle, un parapluie à la main. — Mais petite folle ! Que fais-tu dehors ? Et que fais-tu dans cet état ? Mon dieu, tu es blessée, viens avec moi ! — Merci, M.Thorne, mais je crois que je dois juste rentrer, dit-elle, encore étourdie. Après une seconde d'hésitation, Ana se dit qu'elle n'avait qu'à le suivre, le temps que sa mère sorte de chez elle, comme ça elle n'aurait pas à affronter son regard, Suzan ne serait au courant de rien, et elle, elle se ferait soigner, ce qui lui ferait gagner du temps quand elle serait rentrée pour se changer. Et tout le monde serait content. M. Thorne se trouvait encore à ses côtés, comme s'il savait qu'elle allait changer d'avis et qu'il attendait son approbation. Comme il l'avait prévu, Ana se tourna vers lui et hocha la tête pour lui faire comprendre qu'elle acceptait son invitation. Il souleva alors le parapluie pour le placer au-dessus de sa tête mais elle déclina son geste, baissa les yeux sur sa tenue comme pour lui dire : « Mais regarde-moi, sérieux, je suis déjà trempée, tu en as plus besoin que moi. » Ils rentrèrent vite et M.Thorne examina avec compassion la blessure de la jeune fille quelques secondes avant de lui déclarer qu'il valait mieux aller l'hôpital directement. Mais encore une fois, elle déclina et lui dit que c'était une blessure superficielle et qu'elle s'en sortirait sans médecin, puis se dirigea vers la fenêtre, tira légèrement le rideau et attendit, sans dire le moindre mot. — Que regardes-tu ? la questionna M. Thorne au bout de quelques minutes. —... — Et alors ? En attendant sa réponse, il s’en alla dans la salle de bain chercher des compresses et une bassine d’eau chaude. Il ne savait pas quoi faire de plus. Après tout, il n’était que facteur ! — J'attends de voir ma mère sortir pour pouvoir rentrer à mon tour ! — Mais pourquoi tu ne veux pas la voir ? Et ton père, où est-il ? cria-t-il à travers la maison pour se faire entendre d’en haut. — Vous en posez des questions..., déclara-t-elle dans un soupir. Mon père est déjà parti à mon avis, et je ne veux pas que ma mère me voie dans un état pareil. Et je suis franchement désolée de vous le dire comme ça, mais ce ne sont pas vos affaires. —... Non, Monsieur Thorne ne sut que répondre à cela. Ah, Ana ! Ana qui avait toujours été si charmante ! Ana Ana Ana, mais où est donc passée Ana, se demandait-il avec théâtralité. — Oh, écoutez, je ne voulais pas vous faire de peine, c'est juste que... enfin bon, je suis énervée ce matin, excusez-moi. Ana se radoucit. — Tu m'étonnes que tu sois énervée, tu t'es fait renverser par une voiture ! —... Ah, elle sort. Bon, merci pour votre hospitalité et votre aide et j'en passe, je vais vous laisser ! Elle sortit en courant dès que la voiture de Suzan démarra et s'empressa de rentrer chez elle. Arrivée au pied de son escalier, elle lança avec un je-m’en-foutisme affligeant son sac trempé par terre et monta les marches quatre à quatre. Elle se précipita ensuite dans la salle de bain, se déshabilla dans cette même précipitation pour vite prendre une douche car elle se sentait désagréablement boueuse. Cinq minutes après, elle sortit, se regarda dans le miroir, ou plutôt regarda sa blessure au front. Elle se mit à paniquer car elle n'arrêtait pas de saigner. Elle se mit alors en quête de désinfectant. Seulement, lorsqu'elle trouva enfin la bouteille, elle se rendit compte qu'elle était complètement vide, et qu'elle n'en avait pas d'autre. Désespérée, elle sortit une compresse d'un tiroir, l'imbiba d'eau et la passa sur tout son visage, ce qui fit pire que mieux : ça ne fit qu'étaler le sang, rendant sa peau légèrement rouge partout. Puis elle s'essuya avec sa serviette de toilette, mais elle gardait ce teint rougeâtre plutôt disgracieux. Elle recommença donc ces deux étapes une demi-dizaine de fois pour avoir finalement l'air présentable. Elle alla ensuite dans sa penderie et choisit de mettre une autre robe, une noire – pour changer –, voilée de dentelle. Elle se sécha les cheveux, se remaquilla, tenta de récupérer son sac mais n'y parvint pas. Elle transvida alors toutes ses affaires de cours dans son ancien sac rose Barbie, en attendant d'en racheter un dont le style qu’elle voyait déjà très noir lui correspondrait mieux. Alors qu'elle allait partir, enfin, son ventre se mit à gargouiller. Ce bruit la retint. Elle jeta un coup d’œil à l'horloge, il était dix heures trente. Elle se dit alors qu'elle n'était plus à dix minutes près et qu'elle pouvait prendre le temps de manger puisque de toute façon, elle avait déjà loupé des cours... Une heure de plus, une heure de moins, qu'est-ce que ça pouvait bien changer qu'elle reste chez elle encore quinze minutes ? Elle alla alors dans sa cuisine, sortit un paquet de cookies – elle avait très envie de cookies ce matin-là –, s'assit dans son canapé et alluma la télé en dégustant ses gâteaux chocolatés. Ana cherchait à attraper la télécommande qui se trouvait posée sur la table juste derrière sa tête sans se relever : elle tendit son bras mais quand elle ramena la télécommande vers elle, elle se donna un coup d'ongle sur sa blessure, ce qui la fit immédiatement ressaigner en imbibant ainsi son gâteau. Inutile de préciser que cela lui avait coupé l'appétit et qu'elle ne pensait plus qu'à une chose : panser son front, car ces coulées rouges et chaudes sur son visage lui devenaient insupportables. Elle plongea un gant de toilette dans son évier qui était rempli d'eau froide puis l'appliqua sur son arcade, dans l'espoir que cela arrêterait le saignement et qu'elle aurait une plaie propre pour pouvoir la panser correctement. Quand elle retourna s'allonger dans son lit, le gant sur le visage, elle ne put s'empêcher de retomber dans un profond sommeil car son insomnie, suivie de tous ces événements ce matin-là l'avaient mise dans tous ses états. Conclusion : elle était exténuée. Elle se réveilla vers midi, car le gant n'était absolument plus froid. Elle s’examina dans le miroir de sa salle de bains et puis se repassa de l'eau sur la figure qui semblait éternellement maculée de sang. Elle se pansa très rapidement après s'être rincé le visage. Son oreiller l’était aussi, comme vous pouvez vous en douter, car il lui avait été une compresse géante pendant sa petite sieste régénératrice.
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